5 février 2017
Article publié dans L'Action Française 2000
La ratification de l'accord de cogestion conclu entre Paris et Port-Louis est encore une fois reportée. Cependant, cela ne saurait garantir le respect de la souveraineté française outre-mer.
L'île Tromelin, située dans l'océan Indien, s'étend sur une petit kilomètre carré. Mais l'espace maritime qui lui est associé recouvre 280 000 kilomètres carrés – « une surface équivalente aux eaux métropolitaines sous juridiction française
», souligne Gilbert Le Bris, député du Finistère, dans un entretien accordé au Fauteuil de Colbert. Cela traduit, à ses yeux, toute l'importance de ce territoire rattaché aux Terres australes et antarctiques françaises. Le mois dernier, il a orchestré la fronde faisant échec, une nouvelle fois, à la ratification d'un accord en application duquel la France et l'île Maurice en assureraient la cogestion.
Délicate police des pêches
Le Front national tout comme le Medef – entre autres – se sont réjouis de la reculade du Gouvernement. Mais qu'en est-il de Port-Louis ? Étonnamment, alors que ce traité a été signé en juin 2010, il n'en aurait toujours pas lancé la ratification, selon notre confrère Fabien Piliu, collaborateur de La Tribune. Cependant, il n'est pas indifférent au sort de Tromelin. Bien au contraire : il en revendique la souveraineté et prétend même octroyer des permis de pêche à ce titre. De fait, « le contrôle de cette zone a déjà fait l'objet de plusieurs frictions entre la France et la République de Maurice
», comme le rapporte dans Les Échos notre consœur Justine Babin ; « notamment en 2004 lorsque deux navires de pêche japonais y furent arraisonnés après que les autorités françaises avaient découvert qu'ils disposaient de permis de pêches accordés par l'île Maurice
».
Il semblerait toutefois que Paris peine à se faire respecter. Selon Fabien Piliu, « les recours contre les thoniers étant longs, coûteux et administrativement compliqués, ils ne sont que rarement punis
» ; c'est pourquoi, poursuit-il, « une cogestion de ces ressources avec la France pourrait permettre de résoudre ce problème de pillage
[…] sans perdre la main sur les ressources potentielles en pétrole et en gaz
». Autrement dit, à travers cet accord, peut-être Paris espère-t-il sauvegarder une souveraineté en passe de devenir fantoche… Au passage, notre confrère rappelle qu'« un accord autorise déjà les Mexicains à pêcher une certaine quantité de poissons dans la ZEE de Clipperton
».
Quoi qu'il en soit, prévient Gilbert Le Bris, « les gouvernements mauriciens affirment constamment que le traité de cogestion sur Tromelin
[…] n'est qu'une première étape dans l'optique mauricienne de recouvrer une souveraineté pleine et entière sur Tromelin
». En 2015, à la tribune des Nations unies, Sir Anerood Jugnauth, Premier ministre mauricien, s'était dit optimiste : « nous savons pouvoir compter sur la noblesse de la France et ses idéaux de justice et de fraternité pour que la République de Maurice puisse exercer sa souveraineté effective sur Tromelin
», avait-il déclaré. Un simple effet de manche ?
La France manque de navires
Saluant le "sursis" accordé à Tromelin, Gilbert Le Bris et ses collègues frondeurs ont encouragé la France « à éventuellement engager des négociations avec la République de Maurice pour établir un nouvel accord plus respectueux de la pleine souveraineté française
». À quoi bon ? Port-Louis campera vraisemblablement sur ses positions. Quant à Paris, il se fourvoierait en se réfugiant dans une approche strictement juridique. En effet qu'est-ce que la souveraineté sans la puissance ? « Hormis une station météorologique et une piste sommaire d'aviation, le passage régulier d'un patrouilleur de la Marine nationale, un territoire comme Tromelin est tout sauf une charge financière pour la collectivité nationale
», martèle Gilbert Le Bris. Il faudra bien consentir quelque effort pour protéger l'Outre-mer. « De l'avis de tous ceux qui s'intéressent de près aux affaires maritimes, le renouvellement des patrouilleurs et autres avisos
[…] est plus qu'urgent
», constate Laurent Lagneau, animateur du blog Zone militaire. « Cela revêt pour moi une grande importance
», a déclaré à ce sujet l'amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la Marine nationale ; « ce qui est laissé vide sera pillé
», a-t-il souligné devant une commission du Sénat. Au moins sommes-nous prévenus.
NB – Dans le différend opposant Paris et Port-louis quant à la souveraineté qu'ils revendiquent chacun sur l'île Tromelin, il semblerait que Moscou ait pris parti en faveur du second. « Il est fort logique que la Russie attaquée juridiquement sur ce qui s'est passé en Crimée prenne la peine de soulever à nouveau les contestations touchant la souveraineté française sur certaines de ses possessions
», commente Gilbert Le Bris, dans son entretien au Fauteuil de Colbert. Quelle est exactement la position de Moscou ? Sollicitée à ce sujet, l'ambassade de Russie à Paris ne nous a pas répondu. Affaire à suivre.
Publié dans Outre-mer | Pas de commentaires
18 février 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
La Cour des comptes se penche sur l'île aux Parfums. Pointant les ratés
de la départementalisation, elle souligne l'ampleur des défis à relever, à
commencer par celui de l'immigration.
Mayotte est devenue officiellement le cent unième département français
voilà bientôt cinq ans, le 31 mars 2011. Cela en application d'une
réforme « mal préparée
», selon
l'analyse de la Cour des comptes présentée le mois dernier. En tout
cas, au sein même de l'outre-mer français, l'île aux Parfums cultive une
triste singularité. « Malgré d'incontestables améliorations dans
le domaine socio-économique
», soulignent les magistrats de la
rue Cambon, « le chômage demeure le plus élevé des DOM
(36,6 %) et le PIB par habitant, bien qu'ayant augmenté de
65 % entre 2005 et 2011, ne s'élève qu'à 7 900 euros,
contre 31 500 euros au niveau national et
18 900 euros à La Réunion
».
Manque d'infrastructures
Or, les opportunités de développement économique seraient « encore
hypothétiques
». Certes, l'inauguration d'un nouveau terminal
aéroportuaire pourrait ouvrir des perspectives en matière touristique,
mais « à la condition, non remplie à ce jour, que se développent
des infrastructures hôtelières adaptées
». Malheureusement,
« pour le département comme pour les communes, les dépenses
d'investissement servent
[...] de variable d'ajustement, alors
même que les besoins en équipements demeurent très importants
».
L'accès à l'eau, par exemple, s'avère insuffisant. Quant aux écoles, elles
accueillent des élèves rencontrant davantage de difficultés que leurs
camarades de métropole : « 67 % des élèves de CE1 et
75 % des élèves de CM2 possèdent des acquis "insuffisants ou
fragiles" en français (contre 21 et 26 % respectivement en
métropole)
».
Des milliers de clandestins
Relativement pauvre, la population mahoraise n'en demeure pas moins en
forte croissance. Évaluée à quelque deux cent vingt mille habitants au
1er janvier 2014, elle a triplé depuis 1985. La moitié des habitants
ont moins de dix-sept ans et demi. Mais « la population d'origine
mahoraise
» y serait « aujourd'hui minoritaire
», comme
le martèle l'ancien député Mansour Kamardine, dans un entretien au Figaro.
Selon l'Insee, les étrangers régulièrement installés à Mayotte
représenteraient 40 % de la population. Mais qu'en es-il des
clandestins ? Ils pourraient être « plusieurs dizaines de milliers
»,
rapporte la Cour des comptes. Près de vingt mille auraient été interpellés
et éloignés en 2014. Mais sans doute ne représentent-ils « qu'une
partie des flux réels
», souligne la Rue Cambon. Dernièrement,
davantage de bateaux de passeurs ont été interceptés. De plus, en
septembre dernier, un nouveau centre de rétention administrative est entré
en service. Toutefois, prévient la Cour des comptes, « le traitement
de la question migratoire impose de renforcer la coopération avec
l'environnement immédiat de Mayotte, et notamment avec l'Union des
Comores ». Depuis 2013, un Haut Conseil paritaire réunit ainsi des
représentants français et comoriens. Cela permettrait « un début
de coopération sur le contrôle de la circulation maritime dans la zone
».
Cependant, Moroni souhaite-t-il vraiment travailler en ce sens ?
N'oublions pas que l'Union des Comores conteste toujours la souveraineté
française sur Mayotte.
Déséquilibres régionaux
Confrontée à tous ces défis, l'île aux Parfums serait « au bord
de la guerre civile
», prévient Mansour Kamardine. George
Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, ne veut pas y croire ; elle se
montre rassurante. En tout cas, quels que soient les efforts consentis
pour endiguer les flux migratoires, Mayotte restera confrontée à la
pression inhérente aux déséquilibres régionaux. « En effet,
l'écart de développement avec le reste de l'archipel rend Mayotte
particulièrement attractive
», comme le souligne la Rue Cambon.
Attractive au sein de l'archipel des Comores, elle le sera plus encore à
mesure qu'elle comblera son retard de développement économique au sein de
la République française. S'agirait-il de résoudre la quadrature du
cercle ?
Publié dans Outre-mer | Pas de commentaires
5 mars 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
À la faveur du droit international, Paris convoite des
ressources maritimes situées au-delà de sa zone économique exclusive,
notamment dans l'Atlantique Nord, autour de Saint-Pierre-et-Miquelon.
La délimitation des frontières Amaritimes « est bien
l'un des enjeux du XXIe siècle », préviennent les
députés Jean-Claude Fruteau (PS), Paul Giacobbi, Annick Girardin et
Roger-Gérard Schwartzenberg (affiliés tous les trois au PRG). Dans une
proposition de résolution, dont l'Assemblée nationale devait discuter
en séance publique mardi dernier, 18 février 2014,
ils appellent « à la reconnaissance des droits légitimes de la
France sur le plateau continental de
Saint-Pierre-et-Miquelon ». Au risque de froisser Ottawa,
Paris en revendique l'extension, en application du droit international.
Montego Bay
Comme l'expliquent les parlementaires, la convention des
Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay en 1982 et
ratifiée par la France en 1996, « a ouvert la possibilité pour
les États côtiers d'étendre leur juridiction sur les ressources se
trouvant sur son plateau continental, c'est-à-dire sur les fonds marins
et leur sous-sol, et ce, au-delà des deux cent milles marins constitués
par la zone économique exclusive de base ». En mai 2009, une
lettre d'intention a donc été déposée auprès de la Commission des
limites du plateau continental (CLPC), émanation de l'ONU.
« Depuis lors les éléments constitutifs de notre revendication
se sont renforcés », se réjouissent les députés. « En
juillet 2011, une campagne scientifique a été menée au large de
l'archipel par le navire le Suroit dans le cadre du grand programme
Extraplac, conduit par l'Ifremer, afin de préparer les dossiers de
revendication devant la CLPC. Les résultats scientifiques de cette
campagne sont probants et montrent que le plateau continental de
Saint-Pierre-et-Miquelon répond bien géologiquement aux critères
juridiquement exigés par le droit international pour permettre
l'extension d'un plateau continental au-delà de la limite des deux
cents milles marins. »
De quoi nourrir quelque espoir de revanche ?
« Saint-Pierre-et-Miquelon est la seule collectivité
d'outre-mer française située en Amérique du Nord, à vingt-cinq
kilomètres de Terre-Neuve au Canada », rappellent les
parlementaires. « Peuplé de 6 311 habitants,
Saint-Pierre-et-Miquelon a toujours vécu, depuis le XVIe siècle, de la
pêche jusqu'à ce que la diminution des ressources halieutiques et un
arbitrage désastreux intervenu en 1992 entre le Canada et notre pays,
arbitrage donc les conséquences nous furent particulièrement
défavorables – il fut vécu comme une injustice dans l'archipel –, aient
condamné ce petit territoire à ne plus pouvoir exploiter les richesses
de la mer, compromettant gravement sa survie économique et, à terme, la
pérennité même de la présence de nos compatriotes sur ces
îles. »
Parfum de revanche
« Aujourd'hui, une nouvelle chance est offerte à
Saint-Pierre-et-Miquelon et, plus largement, à notre pays »,
se félicitent Jean-Claude Fruteau, Paul Giacobbi, Annick Girardin et
Roger-Gérard Schwartzenberg. Le président de la République semble
décidé à la saisir. Le 24 juillet dernier, il avait promis que
« la France défendrait les intérêts de l'archipel concernant
l'extension du plateau continental au large de
Saint-Pierre-et-Miquelon ». « Le cap est donc
clairement fixé », se félicitent les députés. « Reste
à déposer concrètement ce dossier de revendication auprès de la CLPC,
ce qui incombe au gouvernement. » Affaire à suivre.
Publié dans International, Monde, Outre-mer | Pas de commentaires
7 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000
L'adoption d'un nouveau cadre financier pluriannuel pour
l'Union européenne pourrait affecter la Guyane française, « en
quête de singularité » vis-à-vis de Bruxelles, selon
l'intitulé d'un rapport parlementaire.
Couramment vilipendée en raison du libéralisme censé
l'inspirer, l'Union européenne n'en pratique pas moins la
redistribution à l'échelle du Vieux-Continent, voire au-delà, dans ses
régions ultrapériphériques (RUP), parmi lesquelles figure la Guyane
française. Entre 2007 et 2013, plus de 500 millions d'euros de
subventions lui auront été attribués par Bruxelles. Une somme investie,
entre autres, dans la réfection d'un aérodrome et l'extension du réseau
d'eau potable. Toutefois, « malgré les progrès réalisés durant
les dernières décennies, la Guyane manque encore de certains
équipements structurants », selon les sénateurs PS Georges
Patient et Simon Sutour, auteurs d'un rapport d'information déposé le
20 février 2013. D'autant que « la vulnérabilité des
infrastructures au climat tropical rend les projets d'investissements
particulièrement coûteux et peu rentables ».
Au regard du PIB par habitant (53 % de la "base
européenne" en 2009, selon les données d'Eurostat), la Guyane compte,
sans surprise, parmi les territoires les moins favorisés de l'Union. De
fait, soulignent les rapporteurs, « elle se retrouve en-deçà
des performances des autres départements d'outre-mer français
(67 % pour la Réunion, 66 % pour la Guadeloupe et
73 % pour la Martinique) et bien loin derrière les autres
régions ultrapériphériques que sont les Açores avec 75 % du
PIB communautaire, Madère avec 105 % et les Canaries avec
87 % ». De ce point de vue, la situation de la Guyane
est comparable à celle des régions de Roumanie, de Bulgarie et de
Pologne. Mais ses perspectives de développement sont tout autres.
Un budget en baisse
En effet, « la préfecture de Guyane fait le constat
d'un territoire triplement enclavé : une région européenne
participant au marché commun, mais handicapée par les surcoûts liés à
l'éloignement ; un territoire recouvert à plus de
90 % par la forêt, rendant l'accès aux communes de l'intérieur
difficile et les besoins en infrastructures de transport
énormes ; l'unique territoire européen sur le continent
sud-américain, mais séparé de lui par deux fleuves et sur lequel
s'applique une réglementation plus contraignante que celle de ses
voisins ». De quoi justifier, aux yeux de Cayenne, la
pérennité du soutien communautaire.
En dépit de l'élargissement de l'Union européenne à l'Est,
« un financement satisfaisant » avait été maintenu
jusqu'à présent, estiment les rapporteurs. À l'avenir, cependant, les
régions ultrapériphériques pourraient faire les frais de l'accord
survenu lors du dernier Conseil européen, où fut adopté un projet de
budget pour les six prochaines années. « Alors que le montant
de l'aide spécifique pour les RUP était de 35 euros par
habitant et par an lors de l'exercice précédent, celui-ci serait de
30 euros pour la période 2014-2020. Cela représente une
diminution de 15 % de cette aide, alors que le budget total de
l'Union ne subirait qu'une baisse limitée à 3,5 % »,
déplorent MM. Patient et Sutour. L'annonce « d'une
nouvelle initiative pour lutter contre le chômage des jeunes »
ne compenserait qu'en partie cette « déception ».
Multiples aberrations
Cependant, l'ampleur de la manne financière est loin d'être
seule en jeu. La Guyane, comme les autres régions ultrapériphériques de
l'Union, réclame l'assouplissement des critères auxquels doivent
satisfaire ses projets pour être éligibles aux fonds européens. L'un
d'entre eux, le Feder, privilégie les investissements portant sur la
recherche et l'innovation, la compétitivité des PME, les émissions de
CO2, l'accès aux technologies de l'information et de la communication.
« Or, comme le rappelle Rodolphe Alexandre, président du
Conseil régional de Guyane, comment demander à notre région de
prioriser l'utilisation des crédits Feder sur ces quatre thèmes, alors
que dans le même temps une proportion non négligeable d'habitants de
notre territoire n'a pas encore accès à l'eau et à
l'électricité ? » Au final, préviennent les
rapporteurs, « la future politique de cohésion pourrait avoir
l'effet inverse de ce pour quoi elle a été conçue. Avec un budget en
baisse et des objectifs toujours plus éloignés d'une région en
rattrapage, le risque est grand de voir diminuer la consommation des
crédits et par là-même de voir l'écart entre les régions se creuser
toujours plus ! »
Bien d'autres aberrations émanent de la technocratie
bruxelloise. « Il est des cas précis et concrets où des
aménagements des normes européennes sont nécessaires et parfois
vitaux », soulignent les rapporteurs, qui mentionnent quelques
exemples. « Comment comprendre l'application sans aménagement
d'une politique de gestion des déchets prévue pour des communes
européennes sur un territoire aussi particulier que la jungle
amazonienne ? », s'interrogent-ils. Dans la
Communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG), « la mise
en œuvre des directives européennes demanderait un investissement de
27 millions d'euros en infrastructures, mais entraînerait le
doublement du budget de fonctionnement. Or, il est impossible de
prévoir de nouvelles ressources à la hauteur des dépenses. [...] Certes
les investissements seraient en partie financés par l'Union européenne
et par l'État, et la CCOG pourrait bénéficier de matériels performants
et efficaces, mais elle n'aurait pas les moyens de les
gérer ! » Autrement dit, « parce qu'elle
refuse de prendre en compte la spécificité d'un territoire unique en
son sein, l'Union européenne est prête à dépenser à perte des sommes
importantes en investissement pour mette en œuvre une politique qui va
conduire une collectivité publique dans l'impasse
financière ».
La Marine démunie
Les restrictions d'usage des pesticides affectent la culture
du riz, alors que « la pression parasitaire, propre au climat
d'une région équatoriale, est beaucoup plus importante qu'en
Europe ». Par ailleurs, la Guyane « gère depuis
longtemps ses ressources halieutiques selon les normes européennes de
conservation et d'exploitation durables, contrairement à ses voisins,
le Brésil et le Suriname ». Comme le précise Georges Patient,
« alors que les pêcheurs guyanais, en application des règles
européennes, emploient des filets à grandes mailles pour préserver les
espèces, les pêcheurs brésiliens utilisent des filets avec de petites
mailles qui épuisent la ressource ».
Or, poursuivent les rapporteurs, « face à
l'épuisement de leurs stocks en raison de la surpêche qu'ils ont
pratiquée, les pêcheurs surinamais et surtout brésiliens viennent
depuis plusieurs années piller les eaux guyanaises ». À tel
point que, selon l'Ifremer (Institut français de recherche pour
l'exploitation de la mer), « la ressource serait davantage
exploitée par les navires étrangers [...] que par les embarcations
locales ». Pourtant, la Marine nationale ne disposerait que de
navires hauturiers inadaptés à la poursuite des embarcations
clandestines au faible tirant d'eau... En la matière, cela va sans
dire, il n'y a rien à attendre de Bruxelles.
Publié dans Europe, Outre-mer | 1 Commentaire
5 septembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000
Tandis que les richesses de la mer acquièrent une nouvelle
valeur, la France peine à protéger l'immense zone économique exclusive
que lui confèrent ses territoires d'outre-mer.
À l'avenir, « les enjeux maritimes ne vont cesser de
croître », a prévenu l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major
de la Marine (CEMM), le 18 juillet 2012, lors d'une audition
devant la commission de la défense nationale et des forces armées de
l'Assemblée nationale. « 70 % de ce que l'on
construit, achète ou exporte passe par la mer », a-t-il
souligné. « C'est la raison pour laquelle l'embargo maritime
est l'un des premiers moyens de pression utilisés : on l'a
encore vu récemment lors de la crise libyenne. » Tandis que le
trafic maritime poursuit son développement, « la mer devient
un espace de richesse et de prospérité industrielles de plus en plus
important ». Quant à l'installation de champs éoliens ou
hydroliens, elle pourrait « poser des problèmes de sauvegarde
et de sécurité ».
Du pétrole en Guyane
La « "maritimisation" du monde » concerne
directement la France, dont la zone économique exclusive (ZEE) – la
deuxième du monde – s'étend sur près de 11 millions de kilomètres
carrés, et pourrait même bénéficier d'une extension, sur laquelle
planche le programme interministériel Extraplac, en application de la
convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), plus
connue sous le nom de convention de Montego Bay. La Polynésie
française, ainsi que les environs de Wallis et Futuna, semblent abriter
d'importants gisements de terres rares. Par ailleurs, rappelle l'amiral
Rogel, « nous allons devenir une nation pétrolière en mer
grâce à la Guyane d'ici un à deux ans ».
Or, prévient-il, « si nous ne surveillons pas notre
ZEE et ne montrons pas notre pavillon, nous serons
pillés ! » Les rivalités auxquelles se livrent, en
mer de Chine, Pékin, Manille et Hanoï, seraient révélatrices :
« Dès qu'on trouve un îlot rocheux comportant un certain
potentiel en termes de ressources pétrolières, gazières ou minérales,
il est susceptible de donner lieu à des tensions. » D'ores et
déjà, les ressources halieutiques suscitent la convoitise. En
conséquence, un patrouilleur est déployé au large des îles Kerguelen,
pour protéger la légine, un poisson des mers froides australes à forte
valeur commerciale, apprécié pour sa chair blanche et fondante. En
outre, rapporte l'amiral, « nous observons [...] une
contestation de notre souveraineté sur certains de nos îlots outre-mer
tels que Clipperton, les îles Éparses ou Matthew et Hunter ».
Missions compromises
Dans ces conditions, le format de la Marine lui apparaît
« juste suffisant ». « Après plusieurs
encoches budgétaires », a-t-il déploré, « nous nous
trouvons dans une situation très compliquée, qui nous oblige parfois à
réduire le taux d'activité de nos bâtiments. Ce problème est aggravé
par le fait que [...] nous sommes entrés dans une phase de réduction
temporaire de capacité (RTC), autrement dit de non-remplacement à temps
des bâtiments vieillissants – les programmes étant décalés pour faire
des économies budgétaires –, notamment des frégates et des
patrouilleurs outre-mer. L'âge moyen de la flotte est de vingt-quatre
ans. Son renouvellement [...] va devenir un enjeu important dans la
situation budgétaire actuelle. Plus on décalera les programmes, plus on
aura des RTC et plus nos missions comporteront des lacunes. »
Lors de l'opération Harmattan (l'intervention en Libye),
rappelle l'amiral Rogel, « nous avons dû faire des arbitrages
et abandonner provisoirement certaines missions, notamment contre le
narcotrafic ou l'immigration illégale – dans le cadre de l'opération
européenne Frontex –, ou des missions de sûreté au profit de la
FOST » (la Force océanique stratégique, chargée de la
dissuasion nucléaire). « Si l'on nous demandait des réductions
d'effectifs supplémentaires, la situation pourrait devenir
grave », a prévenu le chef d'état-major de la Marine. Selon
lui, « le livre blanc précédent n'a pas assez pris en compte
ce problème de mission de souveraineté, notamment dans les DOM-COM.
J'espère que ce point pourra être corrigé », a-t-il conclu.
Affaire à suivre.
Publié dans Défense, Outre-mer | Pas de commentaires
7 juin 2012
Article publié dans L'Action Française 2000
Aveugle aux spécificités de l'Outre-mer, l'Union européenne
freinerait le développement de la pêche locale, en dépit de ressources
halieutiques souvent abondantes.
Tandis que l'Union européenne planche sur la réforme de la
Politique commune de la pêche (PCP), trois parlementaires l'appellent à
prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques
françaises. Maurice Antiste et Serge Larcher, sénateurs de Martinique
apparentés socialistes, et Charles Revet, sénateur UMP de
Seine-et-Marne, ont déposé en ce sens une proposition de résolution
enregistrée le 31 mai à la présidence de la Chambre haute.
« La pêche ultramarine représente une part très importante de
la pêche française », soulignent-ils dans l'exposé des motifs.
« On comptait ainsi en 2009 près de 2 500 navires de
pêche dans les quatre DOM, contre moins de 5 000 en France
hexagonale. [...] Les DOM représentent près de 35 % de la
flotte artisanale française et 20 % des effectifs de
marins-pêcheurs au niveau national. » Hélas, Bruxelles se
montrerait « aveugle aux réalités de la pêche ultramarine
française ». Les règles de gestion de la ressource, qui
constituent le cœur de la PCP, seraient « pensées par et pour
l'Europe continentale », déplorent les sénateurs.
L'application aux DOM de l'interdiction des aides à la construction de
navires constituerait « l'illustration la plus
préoccupante » du phénomène. La situation apparaît d'autant
plus regrettable que la flotte ultramarine serait « artisanale
et vétuste », alors que l'Outre-mer disposerait
« d'atouts indéniables, au premier rang desquels des
ressources halieutiques relativement abondantes et bien souvent
sous-exploitées ».
Faire entendre sa voix
En cause, également, les politiques commerciale et de
développement, en vertu desquelles l'UE conclut des accords de
libre-échange avec certains pays d'Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique (ACP). « Il est incompréhensible que l'UE encourage
le développement de la pêche dans des pays potentiellement concurrents,
tout en privant la pêche des RUP [régions ultrapériphériques] d'un
soutien équivalent », dénoncent MM. Antiste, Larcher
et Revet. Par rapport à leurs concurrents régionaux, les pêcheurs
réunionnais devraient supporter des coûts de production et de
commercialisation quatre à cinq fois supérieurs. Dans ces conditions,
il apparaît « nécessaire que la voix de l'Outre-mer puisse se
faire entendre au niveau européen en matière de pêche ». Or,
« aucune instance de dialogue ne permet [...] aux DOM de
s'exprimer au sein de l'UE sur le sujet ». À la différence des
autres régions ultrapériphériques de l'Union européenne, situées dans
les eaux occidentales, les départements français d'outre-mer ne
seraient représentés dans aucun comité consultatif régional (CCR).
« Comme le demandent les professionnels et le gouvernement
français, il est donc important qu'un CCR spécifique aux RUP soit mis
en place », martèlent les sénateurs. Affaire à suivre.
Publié dans Europe, Outre-mer | Pas de commentaires
24 janvier 2012
Article publié dans L'Action Française 2000
Bien qu'elle conserve l'euro, l'île de Saint-Barthélémy vient
de s'émanciper de l'influence de l'UE, jugée trop pesante en l'absence
de compensations financières.
En dépit des incertitudes pesant sur l'Union économique et
monétaire, un territoire ultramarin s'accroche à l'euro :
conformément au souhait exprimé par les autorités de Saint-Barthélémy,
un traité négocié avec l'UE vient d'être ratifié par la France afin d'y
maintenir la monnaie unique. Depuis le
1er janvier 2012, cette île des Antilles n'est plus
comptée au nombre des régions ultra-périphériques (RUP) de l'Union
européenne. C'est pourquoi, en l'absence d'un tel accord, elle aurait
dû se doter de sa propre devise, fondée vraisemblablement sur le dollar
américain, si l'on en croit Éric Doligé, sénateur du Loiret et
vice-président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer.
De la RUP au PTOM
Bénéficiant d'un "régime d'association", Saint-Barthélémy se
range désormais, aux yeux de Bruxelles, parmi les pays et territoires
d'outre-mer (PTOM). S'étendant sur 25 km², peuplée aujourd'hui
de 8 500 habitants, l'île fut cédée par Louis XVI à
la Suède en 1684, avant de redevenir française en 1878. Elle demeura
rattachée à la Guadeloupe, en qualité de commune, jusqu'au
15 juillet 2007, date à laquelle elle se mua en
collectivité d'outre-mer, à la suite d'un référendum organisé quatre
ans plus tôt. Sa transformation en PTOM s'inscrit dans la continuité de
cette évolution, quoique les statuts français et européens soient
indépendants l'un de l'autre : « Saint-Barthélemy
aurait pu conserver, comme Saint-Martin par exemple, le statut de RUP,
tout en étant devenue une collectivité régie par l'article 74
de la Constitution », souligne Éric Doligé. Cela étant, selon
son conseil territorial, « l'évolution du statut européen de
Saint-Barthélemy exclut toute idée d'indépendance de Saint-Barthélemy
[qui] est, et restera, partie intégrante de la France ».
« L'île a souhaité gagner une certaine liberté par
rapport aux règles européennes en devenant PTOM, notamment pour pouvoir
commercer avec sa zone géographique », explique le sénateur.
Dorénavant, conformément au code général des collectivités
territoriales, Saint-Barthélémy « est compétente en matière
douanière, à l'exception des mesures de prohibition à l'importation et
à l'exportation qui relèvent de l'ordre public et des engagements
internationaux de la France, des règles relatives aux pouvoirs de
recherche et de constatation des infractions pénales et des procédures
contentieuses en matière douanière ».
Fonds structurels
Entre autres considérations invoquées par les autorités
locales, figurait la crainte que l'harmonisation progressive des
législations européennes remette en cause, à terme, la fiscalité
spécifique applicable à leur territoire. Surtout, la stricte
application des normes européennes n'irait pas sans effets
pervers : ainsi, l'abaissement de la teneur en benzène dans
l'essence sans plomb, de 3 à 1 %, aurait conduit à majorer de
22 centimes d'euros le prix du litre de carburant distribué
sur l'île. Éric Doligé critique ouvertement la technocratie
bruxelloise : « J'ai toujours été frappé par
l'imposition de normes ne correspondant pas à la réalité des
territoires d'outre-mer, obligés d'importer d'Europe, à 10 000
kilomètres, des produits qu'ils pourraient trouver à
100 kilomètres », a-t-il déclaré lors d'une réunion
en commission. Saint-Barthélémy ne serait pas le seul territoire
concerné : « La Guyane n'a pas le droit d'utiliser
l'essence brésilienne, beaucoup moins chère, parce que sa composition
ne correspond pas aux normes européennes », déplore le
sénateur.
Forte d'un PIB par habitant supérieur à 75 % de la
moyenne européenne, l'île de Saint-Barthélémy n'est pas éligible au
bénéfice des fonds structurels de l'UE. D'ailleurs, souligne
Éric Doligé, elle est « le seul territoire qui, au lieu de
recevoir de l'argent de la métropole, est un contributeur
net ». Dans ces conditions, estime-t-il, en tant que RUP, elle
ne pouvait « rien » obtenir de l'Union européenne.
« Ceux qui en ont les moyens souhaitent changer de
statut », affirme-t-il. Et « ceux qui ne les ont pas
restent dans le cadre des règles européennes, en attendant... La Guyane
sera peut-être un jour, avec son pétrole, son bois, son or qu'on lui
empêche d'exploiter, suffisamment riche pour sortir du statut de DOM et
de RUP. » Lorgnant sur la manne des fonds structurels Mayotte
n'en formule pas moins le vœu d'accéder aussi vite que possible au
statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne...
Publié dans Europe, Outre-mer | Pas de commentaires
4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
L'Outre-mer s'inquiète des accords commerciaux négociés par
l'Union européenne.
Dans une proposition de résolution, les sénateurs Serge
Larcher (apparenté au groupe socialiste) et Éric Doligé (UMP) réclament
des compensations censées « préserver la fragile production
agricole » des régions ultra-périphériques (RUP). En
cause : un accord avec les pays andins et l'Amérique centrale,
qui devrait être ratifié cette année.
Selon les parlementaires, l'Union aurait obtenu « des
avancées majeures, à savoir la fin des barrières douanières pour ses
industries, surtout l'automobile, et un meilleur accès aux marchés
péruvien et colombien des vins et spiritueux et des produits
laitiers ». En contrepartie, expliquent-ils, « les
deux États andins ont obtenu pour leur part une amélioration du
potentiel d'exportation de bananes, de sucre, de rhum et d'autres
produits agricoles ». Or, « l'économie agricole des
RUP françaises est extrêmement dépendante de ces productions ».
D'ores et déjà, le Parlement européen annonce la fin de la
"guerre des bananes" : « L'Union européenne mettra
progressivement un terme au traitement préférentiel dont bénéficient
les exportateurs de bananes des États d'Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique (ACP) », explique-t-il dans un communiqué.
« En échange, les pays d'Amérique latine ont accepté de mettre
fin aux litiges en suspens introduits à l'encontre de l'UE auprès de
l'OMC et ne tenteront pas d'obtenir des réductions tarifaires
supplémentaires sur les bananes dans le cadre du cycle de
Doha. »
Reste à préciser les dispositions qui viendront en aide aux
producteurs des régions ultra-périphériques. En la matière, le
rapporteur désigné par l'assemblée, l'Italienne Francesca Balzani, juge
insuffisantes les propositions de la Commission. Laquelle est appelée,
par une commission parlementaire, « à présenter, dans les
meilleurs délais, une étude d'impact sur les effets de l'accord pour
les producteurs de bananes des pays en développement et des régions
ultra-périphériques ». Mieux vaut tard que jamais.
Publié dans Europe, Outre-mer | Pas de commentaires
15 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Nouvelle-Calédonie, Guadeloupe et Guyane.
Drapeaux
L'accord de Nouméa, remontant à 1998, prévoit, à terme,
l'organisation d'un référendum d'"autodétermination" en
Nouvelle-Calédonie. Réuni le 24 juin par le Premier ministre,
le huitième comité des signataires a recommandé que le drapeau
tricolore et celui du FLNKS (Front de libération nationale kanak et
socialiste) puissent flotter côte à côte lors des Jeux du Pacifique qui
se tiendront sur l'archipel l'année prochaine.
Autonomie
La première loi adoptée par une collectivité locale a été
publiée au Journal officiel du 30 juin, apprend-on sur le site
Secteur public (07/07/2010). En application de la
loi constitutionnelle du 28 mars 2003, le conseil régional de
Guadeloupe a pu créer un établissement public de formation
professionnelle doté de la personnalité morale et de l'autonomie
financière, placé sous sa tutelle.
La Guyane et la Martinique disposent également de ce pouvoir
normatif, auquel sont soustraits la nationalité, les droits civiques,
les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des
personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure
pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre
publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit
électoral.
Orpaillage
Un militaire a disparu en Guyane, dans la rivière Tampock, le
jeudi 8 juillet. Il participait à la mise en place d'un point
de contrôle fluvial lorsque une embarcation rapide, forçant le passage,
a percuté sa pirogue.
Cette opération s'inscrivait dans la mission Harpie, où les
forces armées en Guyane (FAG) sont engagées en soutien des forces de
gendarmerie et de police, afin de lutter contre l'orpaillage
clandestin. Une activité qui engendre un climat d'insécurité, une
dégradation écologique importante et un faisceau d'activités
criminelles (trafic de drogues, prostitution, immigration clandestine),
selon les explications de l'état-major des armées. Un millier d'hommes
sont ainsi mobilisés, dont 450 sont déployés en permanence, sur les
réseaux fluviaux pour neutraliser les flux logistiques des orpailleurs,
ou bien en forêt pour démanteler les sites d'exploitation d'or
illégaux. Depuis 2008 auraient été saisis ou détruits
263 pirogues, près de 90 kg de mercure (un produit
utilisé pour agglomérer les petites particules d'or),
209 armes à feu, 159 groupes électrogènes,
152 quads...
Publié dans Outre-mer | Pas de commentaires
17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
L'île aux Parfums s'acclimate progressivement au statut de
département d'outre-mer français qui lui sera conféré l'année
prochaine. Entres autres domaines faisant l'objet d'une
réforme : le mariage et la justice.
Une nouvelle étape dans le processus de départementalisation
de Mayotte a été franchie le mercredi 2 juin. Ce jour-là,
Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'Outre-Mer, a présenté
une ordonnance portant dispositions relatives au statut civil de droit
local applicable sur l'île aux Parfums, ainsi qu'aux juridictions
compétentes pour en connaître. Selon les explications du gouvernement,
ce texte vise à mettre un terme à l'inégalité entre les hommes et les
femmes en matière de mariage et de divorce : il proscrit la
répudiation et interdit de contracter de nouvelles unions polygames,
sans condition d'âge ; jusqu'alors, les hommes nés avant 1987
bénéficiaient d'un statut privilégié, garanti par la loi de programme
pour l'Outre-Mer du 21 juillet 2003.
En relevant à dix-huit ans l'âge légal du mariage des femmes,
cette ordonnance permettra l'adhésion de la France à la Convention
internationale sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage
et l'enregistrement des mariages, adoptée à New York le
7 novembre 1962 – adhésion jusqu'ici différée en raison de la
spécificité des règles applicables à Mayotte. Le texte supprime
également la justice cadiale, dont le fonctionnement n'était pas
compatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales. « Le système cadial est
en place aux Comores et à Mayotte depuis l'arrivée des Shiraziens entre
le XIVe et le XVIe siècle », rapportait en 2001 le
sénateur José Balarello. « Depuis cette époque, le cadi joue
un rôle de juge, de médiateur et d'institution régulatrice de la vie
sociale et familiale. Il a été explicitement maintenu par [le] traité
de 1841 passé entre le sultan Andriansouly et le commandant
Passot. »
La charia sur la sellette
Régis par un statut fixé en 1986, les cadis et les secrétaires
greffiers étaient des fonctionnaires de la collectivité territoriale de
Mayotte ; recrutés sur concours, ils étaient investis par le
préfet, après avis du procureur de la République près le tribunal
supérieur d'appel et d'une commission présidée par le président du
tribunal supérieur d'appel et composée de quatre personnalités
religieuses désignées par le préfet et le Grand cadi. Outre
l'application de certains principes du droit coutumier (répudiation,
polygamie, double part successorale des hommes...), le fonctionnement
même de la justice cadiale était critiqué : « Les
cadis ne disposent souvent d'aucune documentation et leur
méconnaissance du droit musulman entraîne des divergences de
jurisprudence d'autant plus insatisfaisantes que le taux d'appel
demeure très faible. De plus, l'absence de formule exécutoire rend
l'exécution des décisions aléatoire. Par ailleurs, la justice cadiale
ne connaît pas la représentation par des avocats. »
L'ordonnance présentée le 2 juin 2010 substitue à la
justice cadiale une compétence de plein droit de la juridiction de
droit commun pour connaître des conflits entre personnes relevant du
statut personnel de droit local. Conformément au Pacte pour la
départementalisation, le rôle des cadis sera recentré sur des fonctions
de médiation sociale.
Publié dans Outre-mer | Pas de commentaires