Une fois n'est pas coutume, ce blog s'écarte de ses
thématiques habituelles pour se plonger dans la presse automobile des
années quatre-vingt-dix.
Il y a vingt ans jour pour jour, le 7 mars 1991,
s'ouvrait le salon automobile de Genève où fut présentée au public
l'Alpine A610 – dernière immixtion d'un grand constructeur tricolore
sur le segment du grand tourisme.
Pureté du profil
L'Alpine « a pris des formes et du poids »,
commente Auto Moto en avril 1991. Quoique la
ligne se trouve quelque peu alourdie, le profil conserve sa pureté.
Henri Pescarolo ne s'y trompe pas : « l'Alpine joue
la continuité dans une finesse et une élégance très latine »,
écrit-il dans L'Action automobile et touristique
de mars 1991. « Entre la [Porsche] Carrera, dont la ligne
carrément rétro a peu évolué depuis trente ans, et la Nissan
[300 ZX] d'un dessin moderne très japonais »,
l'Alpine lui apparaît « toujours aussi
impressionnante ». D'autant que « si vous vous
appuyez sur les ailes avant, vous serez surpris : elles
s'enfoncent sous votre poids et reprennent aussitôt leurs
formes ».
À la différence de la carrosserie et du volant, le moteur
demeure signé d'un losange. Nouvelle évolution du V6 PRV, porté à 3
litres et suralimenté par un turbo au temps de réponse minimisé, il ne
revendique pas la noblesse d'un flat six
germanique. Cela dit, ses 250 chevaux supportent la
comparaison sans rougir. « Cette Alpine n'a plus rien à envier
aux Porsche, ni même aux Ferrari », s'enthousiasme Auto
Moto. Le premier kilomètre est abattu en
25 secondes et la vitesse de pointe frôle les
270 km/h, selon les mesure de L'Action auto.
Dépassant les 35 mkg, le couple est jugé
« phénoménal » par Auto Moto.
« À l'utilisation, cette caractéristique apparaît
effectivement sous la forme d'une excellente disponibilité et d'une
impression d'invincibilité en reprises », rapporte, à la
mi-mars, Le Moniteur automobile.
« C'est surtout aux allures élevées que les capacités de
remise en vitesse de l'Alpine sont impressionnantes. Entre 150 et 200
km/h, elle paraît ainsi en mesure de tenir tête à n'importe quel caïd
des autobahn. »
Vive et maniable
« On peut aisément soutenir le 250 km/h
compteur sans se faire peur au passage des ponts », poursuit
le magazine. Certes, Henri Pescarolo aurait « apprécié une
meilleure stabilité à très haute vitesse ». Il déplore, en
outre, « le manque d'un autobloquant [qui] autorise des
patinages de la roue intérieure en virage très serré ». Le
pilote n'en tarit pas moins d'éloges au sujet de l'A610 :
« Elle est merveilleusement vive et maniable, mais elle offre
en même temps une bonne neutralité en appui, pour devenir survireuse à
la limite. » Le comportement routier bénéficie d'une
répartition des masses optimisée, seuls 43 % du poids
s'exerçant sur l'essieu avant ; c'était une gageure, étant
donné l'implantation du moteur en porte-à-faux-arrière – une
architecture héritée de la 4CV, et partagée avec la 911 qui la tenait
elle-même de la Coccinelle !
Moins de trois ans après sa sortie, en décembre 1993, l'A610
se trouve confrontée à la Safrane Biturbo dans les colonnes de L'Action auto :
« La prise de conscience de la vitesse y est plus rapide et la
consommation d'influx nerveux plus importante. La sécurité n'est
vraiment pas négligée mais la conduite, moins assistée, de l'A610 est
plus complète, plus authentique. » En résumé,
« déplacer une Alpine est aisé, la mener rapidement,
envisageable, mais jouer avec ses limites exige du talent.
Heureusement, elle s'avère assez tolérante si l'on prend soin de ne pas
rater de leçons de la bible du pilotage. » Facile, donc, mais
nullement aseptisée ! « C'est l'Alpine qui se montre
la plus généreuse en sensations », conclut Henri Pescarolo,
qui la compare aux Carrera et 300 ZX. « L'Alpine A610
reste une authentique GT, de celles qui font vibrer les cœurs et
mouiller la combinaison », renchérit Auto Moto,
dont la rédaction salue, en septembre 1992, « une véritable
sportive quatre places, ni trop pure, ni trop dure ».
Exceptionnelle et familière à la fois
« Reste le prix », jugé
« prohibitif », un an plus tard, par L'Action
auto, « surtout si l'on tient compte [...] des prix
pratiqué par la concurrence : une Mazda RX-7 coûte près de
100 000 francs de moins ! » Le temps ayant passé, ces
considérations mesquines ne sont plus de mise. Étant donné
les témoignages recueillis dans la presse, l'absence de coffre
constitue, à nos yeux, le seul défaut de cette excellente voiture. Les
sacs de voyage trouvent refuge à l'arrière, où sont aménagées deux
places confinées, séparées par un large tunnel.... Ambiance !
En cas de crevaison, l'emplacement réservé à a roue de secours, sous
le capot avant, s'avère trop étroit pour accueillir la roue
défectueuse. Aussi Le Moniteur automobile
s'interroge-t-il avec philosophie : « Si une housse a
été prévue pour emballer la roue [...] et si des sangles permettent de
l'arrimer sur les dossiers rabattus des sièges arrière, on ne sait pas
encore où l'on mettra les passagers ou les bagages qui s'y trouvaient
en cas de crevaison. Glorieuse incertitude de la voiture de
sport. »
Bien que le volant ne soit pas réglable, « la
position de conduite est parfaite et donne le sentiment de faire
vraiment corps avec la machine », assure Jean-Luc Colin.
S'exprimant dans L'Action auto en
octobre 1992, il juge toutefois « affligeante » la
présentation de la planche de bord. « La finition inspire
[...] globalement confiance », mais « tout cela
manque terriblement de classe », confirme Le Moniteur
automobile. Henri Pescarolo se montre moins critique à l'égard du
tableau de bord : « sans être un exemple
d'harmonie », il lui semble « élégant, clair et
très lisible ». C'est l'avis d'un pilote, qu'on se le dise !
Manifestement, on reprochait à l'Alpine de ne pas suffisamment
cacher ses origines. L'A610 partage effectivement des gènes avec de
banales familiales, telles les R11 TXE et 21 TSE dans
lesquelles nous avons jadis voyagé. « Les commodos d'origine
Renault font pâle figure », regrette Auto Moto
en septembre 1992. « C'est toujours un peu gênant de retrouver
dans une voiture chère et luxueuse les mêmes éléments que dans les
modèles du bas de gamme », estime Henri Pescarolo.
Vraiment ? Exceptionnelle à plus d'une titre, l'A610 nous
apparaît néanmoins familière. La nostalgie aidant, cela participe de
son charmé. Puisse sa côte ne pas trop flamber, dans l'attente du jour
où nous partirons, peut-être, en quête d'un exemplaire !
3 mars 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Avant de quitter l'Hôtel de Brienne, Alain Juppé a réaffirmé sa
volonté de « relancer la défense européenne » - un
concept dont les contours flous masquent à peine la faiblesse des
avancées.
Une réunion "informelle" des ministres de la Défense de
l'Union européenne s'est tenue à Budapest les 24 et
25 février. Au programme des discussions, notamment :
la crise libyenne, la lutte contre la piraterie (dont la violence
s'accroit au large de la Somalie) et la mutualisation des capacités.
Cette rencontre devait être l'occasion de « concrétiser les
travaux engagés l'année précédente », selon l'Hôtel de
Brienne. Mais tandis que Paris promet « la relance
de la défense européenne », les structures de la Politique
européenne de sécurité et de défense (PSDC), intégrées à l'UE,
souffriraient déjà de sous-effectifs, pointés par notre confrère
Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles 2,
23/02/2011).
Si des avancées sont à observer, c'est plutôt dans les cadres
bilatéraux, quoique les engagements restent, là aussi, à concrétiser.
Ainsi Berlin et Budapest viennent-ils de signer un protocole d'accord
portant sur la logistique. De leur côté, Londres et Ankara négocient un
pacte de coopération : « Les Britanniques pourraient
ainsi entraîner leurs pilotes d'hélicoptères en Turquie, qui présente
un terrain (chaud et montagneux) proche de l'Afghanistan. Des officiers
turcs pourraient être admis au Royal College of Defence Studies. Et
vice versa. Des exercices en commun pourraient aussi être organisés.
Enfin, les Britanniques souhaitent embarquer les Turcs dans la
construction des futures frégates Type 26, prévues à l'horizon
2020. » (Bruxelles 2,
16/02/2011) En France, un projet de loi autorisant la ratification d'un
traité avec le Royaume-Uni a été présenté en Conseil des ministre le
23 février. Conclu pour au moins cinquante ans, l'accord
prévoit la construction et l'exploitation conjointes à Valduc, en
Bourgogne. d'une installation de physique expérimentale.
« Elle permettra de réaliser des expériences de laboratoire
indispensables à la garantie du fonctionnement et à la sécurité des
armes nucléaires des deux États », assure l'Exécutif.
Utopies néo-gaulliennes
« L'accord bilatéral avec le Royaume-Uni est un
accord de coopération en Europe, mais pas un accord de coopération
européenne » analyse Jean-Michel Boucheron, député socialiste
d'Ille-et-Vilaine. S'exprimant, le 16 février, devant la
commission de la Défense nationale et des forces armées de l'Assemblée
nationale, Alain Juppé a cultivé l'ambiguïté : « Dans
ce que les Britanniques définissent comme un accord strictement
bilatéral, nous voyons une brique d'une construction plus
globale », a-t-il déclaré. Ce faisant, peut-être cherche-t-il
à entretenir quelque illusion, tandis qu'il proclame « notre
ambition d'édifier une Europe politique ». Ce serait, selon
lui, « un objectif réaliste », en dépit du constat
selon lequel « l'idée de l'Europe comme pôle d'influence, sans
même parler d'une Europe puissance, n'est pas partagée par
tous ». « C'est essentiellement une idée
française », a reconnu Alain Juppé, « et qui ne fait
d'ailleurs même pas l'unanimité chez nous ».
Dans ces conditions, les partisans des vieilles utopies
néo-gaulliennes continueront, vraisemblablement, de se raccrocher à
quelques symboles. La Cour des comptes ne s'y est pas trompée. Dans son
rapport annuel, elle dénombre huit corps militaires européens auxquels
la France participe, de nature et d'importance variables (Brigade
franco-allemande, Eurocorps, Eurofor, Force navale franco-allemande,
Euromarfor, Joint Force air component command, Commandement européen du
transport aérien, Eurogendfor). « La réalité est que ces
forces n'ont d'européen que le nom », souligne-t-elle.
« En face de cela, l'Union européenne ne dispose [...] que
d'un état-major général, sans chaîne de commandement. » En
outre, « sans méconnaitre les lourdeurs inhérentes à toute
décision d'emploi d'un corps multinational », la Cour
« s'interroge cependant sur les motifs justifiant le maintien
et le développement de ces structures militaires
permanentes ». Et d'appeler à « revoir l'ensemble de
ces dispositifs, dans une perspective de refonte et de réorganisation,
voire de suppression ». Un désaveu cinglant.
3 mars 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Critique du mécanisme de "solidarité" européenne.
Le nouveau gouvernement irlandais, issu des élections
législatives du 25 février, devrait renégocier les conditions
du soutien financier proposé à l'Eire par l'Union européenne et le FMI.
En cause, notamment : l'ampleur des taux d'intérêt associés
aux prêts.
Outre l'opinion publique allemande, des économistes libéraux
jugeaient déjà la solidarité européenne déplacée. Tel Guillaume
Vuillemey, chercheur associé à l'Institut Turgot, pour qui
« le défaut de paiement d'un État joue un rôle économique
essentiel. Non seulement il est une sanction pour ceux qui ont mal
utilisé des ressources, mais aussi pour ceux qui ont apporté des
capitaux sans prendre suffisamment de précautions. » De son
point de vue, « créer un fonds européen pour se prémunir contre tout
défaut d'un État supprime une discipline essentielle. [...] Le risque
est collectivisé et la responsabilité individuelle diluée. [...] Quant
au problème de fond [...] il n'est pas réglé, seulement transféré à un
niveau plus élevé... »
Bruno Gollnisch serait-il du même avis ? Intervenant
devant le Parlement européen le 15 février, il a critiqué la
pérennisation du Fonds européen de stabilité financière. En effet,
s'est-il demandé, « qu'est-ce que ce fonds, sinon la
possibilité de créer une dette européenne, assumée finalement par des
États déjà surendettés et qui pourraient se voir dans l'obligation de
la rembourser avant de rembourser leurs propres dettes ? C'est
en quelque sorte la politique financière du sapeur Camember, ce soldat,
objet d'un livre humoristique en France, qui se voit ordonner de
boucher le trou dans la cour de la caserne et qui, pour le boucher, en
crée un autre aussitôt à côté. »
Dans ces conditions, on comprend que la tension perdure sur
les marchés financiers.
3 mars 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Quand la fiscalité se heurte au principe de libre circulation
des capitaux.
Les lois Périssol, Besson, de Robien et Borloo ont-elles été
appliquées au mépris du droit communautaire ? Elles
conféraient un amortissement accéléré aux investissements dans
l'immobilier résidentiel neuf. À condition que ceux-ci soient réalisés
sur le territoire national. Or, selon la Commission européenne,
« ces dispositions sont incompatibles avec la libre
circulation des capitaux garantie par [les traités], puisqu'elles
dissuadent les contribuables résidents d'investir dans des biens
immobiliers situés à l'étranger. »
Si elle était saisie, la Cour de Justice de l'UE approuverait
vraisemblablement la Commission. En octobre 2009, elle s'était
prononcée sur des dispositions similaires en vigueur à l'étranger.
Selon ses conclusions, « à supposer même que l'objectif
d'inciter la construction de logements à usage locatif afin de
satisfaire aux besoins [...] de la population nationale soit de nature
à justifier une restriction à la libre circulation des capitaux, il
n'apparaît pas qu'une telle mesure [...] soit propre à garantir sa
réalisation. En effet, au lieu de cibler des endroits où la pénurie de
tels logements serait particulièrement marquée, la disposition
nationale en cause fait abstraction des besoins différents d'une région
à l'autre dans l'État membre concerné. De plus, toute catégorie de
logement à usage locatif, du plus simple au plus luxueux, peut faire
l'objet d'un amortissement dégressif. Dans ces conditions, il ne
saurait être présumé que les investisseurs privés, motivés notamment
par des considérations financières, satisfassent à l'objectif
prétendument sociopolitique de cette disposition. »
Réagissant à des propositions, sinon radicales, du moins
provocatrices, le blog de l'Action française a traité avec désinvolture
le remboursement de la dette publique. C'est l'occasion d'insuffler un
peu de polémique dans le microcosme royaliste ! 😉
Michel de Poncins n'est pas le meilleur inspirateur de
l'Action française. Faute de le connaître suffisamment, nous nous
garderons de prendre sa défense. En revanche, nous discuterons avec ses
détracteurs, qui l'ont affublé de l'étiquette infamante
d'« ultra-libéral ». Un qualificatif impossible à
définir, mais qui fait recette dans un pays où le désintérêt pour
l'économie est manifeste.
En la matière, les royalistes se complaisent dans un
conformisme peu responsable. D'ailleurs, bien qu'ils prétendent avoir
pénétré « le subconscient de Nicolas Sarkozy », ils
entretiennent, par leur dédain des questions financières, les poncifs
sur lesquels celui-ci surfe à l'envie. Témoin, dernièrement, la
stigmatisation de la « spéculation » : le
chef de l'État a pu l'accuser d'avoir provoqué les émeutes de la faim
sans craindre de déclencher l'hilarité générale, c'est dire la
crédulité de l'opinion publique ! Ce faisant, donc, nos
camarades confortent les préjugés, ici fondés, selon lesquels ils
n'auraient pas les pieds sur terre, tout en négligeant la
« défense de l'héritage ». C'est d'autant plus
regrettable que la dette abyssale contractée par la République leur
fournirait une illustration flagrante de l'incurie d'un régime condamné
au sauve-qui-peut.
En effet, c'est de la dette qu'il s'agit, Michel de Poncins
ayant avancé l'idée saugrenue de financer son remboursement par la
dilapidation du patrimoine public. « La dette l'empêche de
dormir » commente, avec ironie, le blog de l'AF.
« Grand bien lui fasse ! » L'enjeu est
certes anecdotique : la charge de la dette, c'est-à-dire le
remboursement des seuls intérêts, ne représente encore que le deuxième
poste budgétaire de l'État ; en outre, étant donné l'ampleur
des déficits accumulés en Europe, au Japon et aux États-Unis, c'est,
tout au plus, l'économie de la planète entière qui se trouve menacée.
Pourquoi s'inquiéter ? On n'est même plus en mesure d'assurer
que nos enfants paieront !
Dans ces conditions, « satisfaire la finance
internationale », comme disent nos petits camarades, cela
consiste à tempérer la pression des (nouveaux) créanciers, voire à s'en
émanciper peu à peu – autrement dit, conférer à l'État quelque marge de
manœuvre. N'est-ce pas l'objectif qu'ils prétendent plus ou moins
assigner à la puissance publique – dont ils défendaient
traditionnellement l'indépendance –, tout en réprouvant les moyens d'y
parvenir ? Peut-être nous objecteront-ils une alternative,
agitant l'exemple du quantitative easing
américain, à moins d'appeler carrément à la banqueroute, dans l'espoir
qu'un monde meilleur émergera du chaos... Ce ne sera jamais que le
paravent d'une revendication portant sur des valeurs, suivant l'échelle
desquelles le patrimoine mérite – naturellement ! – une
considération tout autre que des titres obligataires. Reste qu'en
transposant sur le plan politique une hiérarchie somme toute morale, on
se fourvoie dans le romantisme... Que reste-t-il du "politique d'abord"
dans notre vieille maison ?
Dénonçant la volatilité des prix, le président de la
République prétend renforcer la "gouvernance mondiale". Démagogie et
réalisme rendront cet effet d'annonce difficile à concrétiser.
Ce vendredi 18 janvier, à 18 heures, le
président de la République devait prendre la parole devant les
ministres des Finances du G20 réunis au palais de l'Élysée. Soucieux,
apparemment, de donner une nouvelle impulsion à la "gouvernance
mondiale", Nicolas Sarkozy aura sans doute réaffirmé sa volonté de
s'attaquer aux marchés des matières premières. Une fois n'est pas
coutume, les débats internationaux feront directement écho au quotidien
du citoyen lambda : aux Galeries Lafayette, par exemple, les
prix pourraient augmenter de 15 % en raison de la hausse du
coton.
Un pic historique
Plus préoccupant encore, les prix alimentaires mondiaux ont
atteint un nouveau pic historique en janvier, pour le septième fois
consécutive, selon la FAO dont l'indice mensuel est établi depuis 1990.
En cause, notamment : les conditions climatiques ayant affecté
la Russie, l'Australie ou la Chine. Mais aussi, selon Nicolas Sarkozy,
la spéculation, qu'il feint de croire responsable des émeutes de la
faim survenues en 2008. Dans le collimateur du chef de l'État figurent
les "marchés à terme". Des marchés dont l'interdiction en France, par
le Front populaire, ne fut levée qu'en 1993 ! On y échange des
"futures" ou contrats à terme : « des engagements entre
acheteurs et vendeurs comportant un prix "ferme et définitif" pour un
paiement et une livraison à une échéance précisée et différée et dont
les contenus (spécificités des sous-jacents concernés) sont
standardisés », expliquent Jean-Pierre Jouyet, Christian de
Boissieu et Serge Guillon dans un rapport d'étape. Ces
marchés, reconnaissent-ils, « s'éloignent des préoccupations
de l'économie réelle, même si les fondamentaux physiques demeurent des
déterminants majeurs de leurs comportements. [...] Mais le premier
objectif de ces marchés est de permettre à des opérateurs sur les
marchés physiques de se couvrir à l'égard d'un risque de fluctuation
des prix. »
De fait, le "volontarisme" présidentiel pointe un problème
vieux comme le monde. « Le blé a toujours été le personnage
dominant de notre passé », écrivait Fernand Braudel, dont la
citation est mise en exergue par les rapporteurs... À leurs yeux, la
récurrence des crises agricoles souligne le caractère structurel de la
volatilité des prix. « Le blé en est un excellent exemple. En
retenant la volatilité exprimée par le rapport entre le prix moyen au
producteur du blé de l'année n et celui de l'année n-1 sur le prix du
blé au producteur en valeur réelle, plusieurs périodes de crises
apparaissent : grande volatilité entre 1920 et 1936, crise de
1936-1937, pics exceptionnels à la hausse et à la baisse (supérieurs à
2007-2008), volatilité importante entre 1940 et 1962, crise de 1967,
fluctuation exceptionnelle de 1974, crise de 1992... »
Quand Moscou joue les spéculateurs...
Un ancien ministre de l'Économie, Alain Madelin, a soutenu
dans La Tribune (31/01/2010) que
« la même volatilité existe sur les marchés les plus
financiarisés comme le pétrole ou le blé et sur ceux qui sont restés le
plus physiques comme le riz ou l'acier ». D'où sa mise en
garde : « Il ne faudrait pas qu'à trop se focaliser
sur les marchés financiers, on néglige les mesures concrètes qui
peuvent permettre d'améliorer la situation et qui – marché par marché –
consistent le plus souvent à faciliter l'investissement, désentraver
les échanges, perfectionner la régulation et la transparence des
stocks. » En outre, si elle renonce définitivement aux prix
administrés, l'Union européenne devrait développer ses propres marchés.
En effet, remarquent Jean-Pierre Jouyet, Christian de Boissieu et Serge
Guillon, « les variétés et standards développés sur les
bourses américaines ne correspondent pas aux variétés et standards des
matières premières produites ou consommées en Europe. Par conséquent,
les marchés américains ne proposent pas des produits permettant une
couverture optimale du risque prix aux opérateurs européens, qui
gagneraient à l'émergence de marchés de matières premières agricoles
européens aussi liquides que leurs homologues
d'outre-Atlantique. »
La "gouvernance mondiale" se heurte donc à la démagogie.
Naturellement, elle doit compter également avec la résistance des
États. Afin de suivre le niveau des stocks, « une
base de données serait une très bonne chose », estime Johanne
Buba, co-auteur d'une note du Centre d'analyse stratégique (Euractiv,
03/02/2011). Mais « sur les productions agricoles, il est très
délicat d'avoir des données précises », affirme-t-elle.
« La Chine, par exemple, pourtant l'un des plus grands
producteurs mondiaux de blé, a pour habitude de ne rien dire de ses
réserves. » Enfin, quitte à vilipender les spéculateurs, on
vouera Moscou aux gémonies : anticipant de mauvaises récoltes,
il avait décrété un embargo sur les exportations de blé russe le
15 aout dernier, contribuant à la flambée des cours... En
dépit des beaux discours, les intérêts nationaux continuent de
gouverner le monde.
Deux ans et demi après son entrée en fonction, Bernard
Bajolet, coordonnateur national du renseignement, a dressé un premier
bilan de ses activités. Extraits de
son audition par une commission de l'Assemblée nationale le
26 janvier 2011.
« Point d'entrée privilégié des services auprès du
président de la République [...], le coordonnateur doit prendre le
recul nécessaire pour lui transmettre les meilleures informations
possibles et rester à l'écart de la politique intérieure. [...] Il
garantit la prise en compte de la fonction renseignement au sein de
l'État. » Occupant ce poste depuis sa création en juillet
2008, Bernard Bajolet assure que « la principale avancée
réside dans le fait que les services se parlent et travaillent
ensemble ». « Désormais, affirme-t-il, le risque que
nous manquions quelque chose par rétention d'information entre les
services est quasi inexistant. »
Le spectre terroriste
DCRI et DGSE travailleraient même « en étroite
concertation, là où il n'y a pas de frontière entre menace intérieure
et menace extérieure. La menace intérieure, quant à elle, est
croissante : elle se nourrit d'un phénomène nouveau
d'auto-radicalisation qui existe dans la plupart des pays européens
ainsi qu'aux États-Unis. [...] L'incident qui s'est récemment produit
en Suède montre que le risque d'attentat commis par des individus qui
se sont radicalisés eux-mêmes est bien réel. » En revanche, il
faudrait « relativiser la relation entre la problématique de
l'intégration et celle de la menace terroriste. Ainsi, dans le cas
récent de la tentative d'attentat suicide à Stockholm, le terroriste
était parfaitement intégré. Il en va de même de l'auteur de la
tentative d'attentat sur la ligne Amsterdam–Détroit en décembre
2009. »
M. Bajolet appelle à renforcer les moyens dédiés au
renseignement intérieur, dont il conviendrait d'ouvrir le recrutement
au-delà des seuls effectifs policiers : « En effet,
le renseignement se diversifie et touche désormais les domaines
économique ou technique. » D'ailleurs, « la
coordination s'est également attachée à renforcer le lien et la
complémentarité entre le dispositif de renseignement économique et
l'intelligence économique – c'est-à-dire la collecte d'informations par
des services autres que les services de renseignement. Il s'agit
notamment des informations ouvertes et de celles disponibles dans les
administrations. Une délégation interministérielle à l'Intelligence
économique a été créée en septembre 2009. [...] Bien que située à
Bercy, elle reçoit ses orientations d'un comité directeur établi à
l'Élysée, tandis que le suivi des recommandations est assuré par
Matignon. »
Défaut de prospective
Mais « l'anticipation ne se limite pas au
renseignement », souligne Bernard Bajolet. « Elle
touche aussi à la prospective. Hélas, celle-ci n'est pas organisée au
niveau interministériel. Nous disposons de différents
organismes : le ministère de l'Intérieur et celui des Affaires
étrangères ont chacun une direction de la prospective et le ministère
de la Défense possède une direction des affaires
stratégiques ; mais ces structures ne sont pas reliées entre
elles. De surcroît, la prospective n'est pas toujours envisagée de
façon opérationnelle. Au-delà de la simple spéculation, elle doit
présenter des scénarios et déboucher sur des politiques concrètes.
Aujourd'hui, cette fonction n'est pas assumée. Le conseil supérieur de
la formation et de la recherche stratégiques placé auprès du Premier
ministre ne joue pas non plus ce rôle. Celui-ci doit donc être
développé au sein de l'État, dans un cadre interministériel, pourquoi
pas au sein du SGDSN ? »
Le coordonnateur national du renseignement veille, en outre,
« à ce que les services disposent des moyens nécessaires pour
accomplir leur mission » : « En ce qui
concerne l'investissement, nous avons la charge de piloter des
programmes dont certains sont mutualisés entre les services, tels les
moyens informatiques et électroniques. Pour ce qui est de l'imagerie
spatiale, nous avons décidé d'engager en national le programme Musis –
successeur d'Hélios – en raison de l'absence de réponse de nos
partenaires européens, tout en leur laissant la porte ouverte. Il nous
semblait en effet crucial de ne pas accroître le risque de rupture
capacitaire. D'autres programmes vont faire l'objet de décisions
prochainement, par exemple le remplacement de nos drones Male – qui
viendront en fin de vie vers 2013. » Mais « il faudra
procéder à des arbitrages », prévient
M. Bajolet : « Tous les projets ne pourront
pas être conduits au même rythme. » Pourtant, à l'heure où
AQMI et son gourou défient ouvertement la France, les besoins
pourraient s'avérer croissants... La vigilance s'impose.
Faisant écho à
nos interrogations, Alain Madelin a signé, fin janvier, un
« plaidoyer pour les spéculateurs », dont
nous venons de découvrir la teneur. Tordant le cou aux préjugés
entretenus par le président de la République, il martèle que
« c'est le rapport réel entre l'offre et la demande qui
commande l'essentiel des fortes variations de prix » des
matières premières. D'ailleurs, affirme-t-il, il serait « facile
d'observer que la même volatilité existe sur les marchés les plus
financiarisés comme le pétrole ou le blé et sur ceux qui sont restés le
plus physiques comme le riz ou l'acier ».
Nos lectures ne manqueront pas de nous attirer, une fois de
plus, les foudres des tenants d'un anti-libéralisme économique
primaire. Mais ceux-ci ne prétendent-ils pas restaurer la puissance de
l'État ? Le cas échéant, ils devraient porter un peu
d'attention à la conclusion de l'ancien ministre de
l'Économie, qui n'est pas sans rejoindre leurs
préoccupations : « Il ne faudrait pas qu'à trop se
focaliser sur les marchés financiers, on néglige les mesures concrètes
qui peuvent permettre d'améliorer la situation et qui - marché
par marché - consistent le plus souvent à faciliter
l'investissement, désentraver les échanges, perfectionner la régulation
et la transparence des stocks. » Autrement dit « à
refuser la pédagogie de la complexité, l'opinion fera une nouvelle fois
le constat simpliste de l'impuissance de la médecine
publique ». C'est tout le contraire que requiert la
reconstruction du politique !
Ces jours-ci, on s'étripe, paraît-il,
sur le contenu des nouveaux programmes de sciences économiques et
sociales. Puissent-ils insuffler un minimum de culture économique et
financière aux nouvelles générations ! Ce serait,
manifestement, une mesure de salut public.
Bien que les déboires de l'euro et le tumulte en Égypte aient
focalisé l'attention, le Conseil européen du 4 février était
censé traiter, principalement, de l'énergie et de l'innovation – ce que
reflètent ses conclusions, où nous avons relevé quelques passages
susceptibles d'intéresser les souverainistes.
Afin « de garantir la cohérence des relations
extérieures de l'UE avec les principaux pays producteurs, consommateurs
et de transit », les Vingt-Sept prévoient d'informer la
Commission, dès l'année prochaine, « de tous les accords
bilatéraux en matière d'énergie, nouveaux et existants, qu'ils ont
conclus avec des pays tiers ». Bruxelles devra transmettre ces
indications à tous les États membres, « sous une forme
appropriée, en tenant compte de la nécessité de protéger les
informations sensibles sur le plan commercial ».
Par ailleurs, selon les chefs d'État ou de gouvernement,
« l'UE et ses États membres encourageront les investissements
dans les énergies renouvelables » mais aussi dans
« les technologies à faibles émissions de CO2 ».
Quoique « sûres et durables », elles désignent
vraisemblablement le nucléaire. Conséquence, sans doute, d'une
revendication française. En la matière, l'Union est appelée à
promouvoir, dans les enceintes internationales, les normes de sûreté
les plus élevées – ce dont les industriels français ne devraient pas se
plaindre.
S'inscrivant dans la tradition européenne, le document appelle
à une mobilité croissante des chercheurs. La Commission est invitée, en
outre, « à progresser rapidement dans les domaines clés de
l'économie numérique afin d'assurer la création du marché unique
numérique d'ici 2015, y compris la promotion et la protection de la
créativité, le développement du commerce électronique et la
disponibilité des informations du secteur public ».
S'agira-t-il d'exporter l'Hadopi ?