Réservé aux femmes

22 janvier 2010

Vers une nouvelle formation du Conseil de l'UE ?

Le 3 février prochain se tiendra à Cadix, en Espagne, une « réunion informelle des femmes ministres en exercice » de l'Union européenne. L'événement est annoncé très sérieusement par le secrétariat général du Conseil, sans autre détail au demeurant.

Mise à jour le 26 janvier - La présidence espagnole apporte quelques précisions : « La [sic] ministre de l'Égalité présidera aux côtés de la première vice-présidente [sic] du gouvernement, à Cadix (11 heures), le sommet européen des femmes au pouvoir, une initiative à laquelle participeront les ministres et représentantes politiques des plus hautes sphères des divers États membres. Une déclaration politique sera adoptée lors de ce sommet. » Nous ne manquerons pas d'en rendre compte.

Une âme québécoise à Bruxelles

21 janvier 2010

Jean-Pierre Raffarin défend l'usage du français dans les institutions européennes.

Jean-Pierre Raffarin s'est rendu à Bruxelles le 14 janvier, où il a rencontré les présidents du Conseil européen, de la Commission et du Parlement. « En qualité de "représentant personnel du président de la République" », il entendait défendre auprès d'eux l'usage du français dans les institutions européennes.

« Le français ne recule que lorsque l'offre de français est insuffisante », proclame l'ancien Premier ministre. « Quand, dans une ville du monde, on ouvre une école française, les capacités d'accueil sont immédiatement saturées. Quand dans une institution on fragilise le français, ce sont les valeurs du pluralisme et de l'humanisme qui sont étouffées. » Et de lancer : « Pour le combat du français et de la francophonie, j'ai l'âme résistante, l'âme québécoise ! »

Les discussions ont porté sur l'amélioration de la signalétique du Parlement européen, la valorisation des travaux du forum des députés francophones, la célébration par l'Union de la journée internationale de la Francophonie le 20 mars, la formation au français des responsables européens...

Au cours de son déplacement, Jean-Pierre Raffarin s'est entretenu avec des journalistes « extrêmement las de constater le déclin du français dans les salles de presse de l'Europe ». Tel Jean Quatremer, qui fustigea encore tout récemment la présidence espagnole du Conseil, coupable de proposer des traductions uniquement vers l'anglais : « Rien pour le français, rien pour l'allemand pourtant les deux autres langues de travail de l'Union. » Son confrère Nicolas Gros-Verheyde élève lui aussi des protestations : « On savait déjà que toutes les missions de l'Europe de la défense communiquaient essentiellement en anglais. Maintenant, c'est un fait avéré : elles communiquent uniquement en anglais, que ce soit sur leurs sites Internet ou [dans] leurs communiqués à la presse. Il en est de même pour les agences. [...] Catherine Ashton a, elle, adopté le monolinguisme universel et se fait un devoir de ne pas parler d'autre langue [que l'anglais]. Mieux. Pour l'action européenne sur le séisme en Haïti, la majorité de la communication s'est faite, jusqu'ici, en anglais (un comble pour un pays francophone). » « C'est vrai que cela permet de douter du degré de sensibilité et de finesse de la prochaine diplomatie européenne », commente l'ancien Premier ministre...

Selon lui, « la francophonie doit, sans doute, entrer dans une nouvelle phase de son action ». « Il faut se montrer plus intransigeant », affirme-t-il encore sur son blog. À la demande du chef de l'État, il a entamé une tournée des organisations internationales pour y défendre l'usage du français. Prochaine étape : New York, où il rencontrera les représentants des Nations Unies début février. Souhaitons-lui bon voyage !

Gallica face à Google

21 janvier 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

La Bibliothèque nationale de France doit-elle collaborer avec Google ? Aperçu des conclusions de la mission Teissier.

La commission sur la numérisation des fonds patrimoniaux des bibliothèques a remis son rapport le 12 janvier. Présidée par Marc Teissier, elle était censée évaluer « la pertinence d'un accord entre la BNF et Google du triple point de vue du partage et du rayonnement des contenus français sur Internet, de l'intérêt économique et financier pour l'État et le contribuable, du message politique à adresser à la communauté internationale ». Une question devenue en partie caduque depuis l'annonce par le président de la République, dans les priorités du "Grand emprunt", d'une enveloppe spécifique pour la numérisation du patrimoine culturel (750 millions d'euros). La mission se félicite d'un changement « considérable » permettant « d'envisager une politique de numérisation [...] à la fois ambitieuse et autonome ».

Le géant américain de l'internet s'est lancé en 2004 dans un projet visant à numériser 15 millions d'ouvrages en dix ans. Le rapport fustige les clauses souscrites par les bibliothèques partenaires, parmi lesquelles figure la bibliothèque municipale de Lyon : « Les accords passés par Google prévoient toujours que les autres moteurs de recherche ne pourront pas accéder aux fichiers numérisés par lui pour les indexer et les référencer. [...] Cela revient [...] à permettre à un acteur [...] de renforcer cette position dominante. [...] La durée des clauses d'exclusivité est également excessive : des durées de plus de vingt ans [...] peuvent aller à l'encontre de la mission d'accès impartie aux bibliothèques. » Cependant, toute forme de partenariat ne serait pas à exclure : « Un accord avec Google [...] pourrait viser, non pas à faire prendre en charge l'effort de numérisation mais à le partager, en échangeant des fichiers de qualité équivalente et de formats compatibles. »

Deux objectifs généraux sont définis : d'une part, « éviter le risque d'une segmentation du patrimoine, en se donnant l'ambition d'une numérisation exhaustive, ou en tout cas la plus large possible  » ; d'autre part, réaffirmer « la place du patrimoine français écrit sur l'internet », qui « est aujourd'hui principalement visible via Google Livres, grâce aux fonds francophones numérisés des bibliothèques étrangères, qui ne sont pas complets ».

La bibliothèque numérique Gallica, développée jusqu'à maintenant par la BNF, serait l'instrument naturel de cette politique. Forte d'une autonomie renforcée, elle pourrait réunir « les bibliothèques publiques patrimoniales et les éditeurs, dans une logique de partenariat public-privé » et proposer un accès « à tout le patrimoine écrit, via une plate-forme coopérative respectueuse des droits des différents partenaires, les conditions d'accès étant adaptées au statut de chaque œuvre ».

Le rapport promeut « la relance d'une impulsion européenne, tant en direction des autres bibliothèques européennes que du portail Europeana ». En revanche, ses auteurs  ne semblent pas avoir examiné l'opportunité d'une coopération dans le cadre de la francophonie.

Leurs conclusions ont été accueillies avec bienveillance par le ministre de la Culture, tout disposé à "rebooster" Gallica. Lequel gagnerait d'abord à être mieux connu. Comme le souligne la mission, « les efforts de numérisation doivent s'accompagner d'une volonté de conquête de visibilité sur le web ».

La France et l'UE 2020

21 janvier 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Quand le gouvernement français réaffirme sa foi dans les vertus du marché unique européen.

L'UE travaille activement à l'élaboration de sa "stratégie" pour les dix ans à venir. Le Conseil européen devrait l'adopter définitivement en juin prochain. D'ici-là, les discussions iront bon train. La France a défini sa position dans un document rendu public par Euractiv le 18 janvier. Le gouvernement y réaffirme sa foi dans les vertus du marché unique. Aussi prône-t-il une mobilité accrue des étudiants, des enseignants, des travailleurs... Il réclame également « une action vigilante pour assurer une application uniforme effective des règles existantes », voire « un recours accru au règlement [...] pour assurer une application vraiment uniforme » (à la différence des directives, les règlements s'appliquent sans transposition).

Parallèlement, la France propose que soit renforcée « la dimension sociale du marché intérieur, y compris par la voie de l'harmonisation législative » : « Il est en particulier fondamental de garantir les conditions d'une concurrence équitable [...], notamment par une plus grande coordination dans le domaine fiscal et social. »

Paris entend reposer « la question de l'accès des PME aux marchés publics ». De son point de vue, « seule la politique commerciale commune peut agir en faveur de nos entreprises pour ouvrir les marchés des pays tiers », mais aussi « assurer [...] un plein respect du principe de réciprocité ». Trop souvent, en effet, « les Européens tolèrent des situations de fermeture de droit ou de fait comme nous le voyons par exemple en ce qui concerne les marchés publics dans certains États tiers ». En conséquence, le gouvernement invite l'Union à « prendre les mesures appropriées pour faire face au risque de dumping écologique, notamment en mettant en place un mécanisme aux frontières visant les pays qui ne joueraient pas le jeu de la lutte contre le changement climatique » ; cela « dans des conditions compatibles avec les règles de l'OMC », évidemment...

« Il s'agit de placer l'Europe à la pointe de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. » À cet effet, il faudra veiller à la cohérence des politiques communautaires, dont « l'évaluation et le suivi [...] par le Parlement et les États membres doivent être renforcés ». Enfin, selon la France, « le Conseil européen [des chefs d'État ou de gouvernement] doit être la pierre angulaire de la gouvernance de la nouvelle stratégie ». Sans doute les États plus petits préféreraient-ils s'en remettre à la Commission.

La fronde des parlementaires européens

21 janvier 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le Parlement européen a entamé l'audition des personnalités choisies par les gouvernements pour former la nouvelle Commission. Sans doute va-t-il en profiter pour affirmer son pouvoir à leurs dépens.

Le Parlement européen a entamé lundi 11 janvier l'audition des personnalités désignées pour former la nouvelle Commission. Présidée, comme la précédente, par le Portugais José Manuel Durao Barroso, celle-ci sera soumise à un vote d'approbation qui interviendra probablement le 26 janvier. Ensuite, seulement, les chefs d'État ou de gouvernement pourront entériner officiellement sa nomination.

Annonce fracassante

Sans doute leurs projets seront-ils en partie contrecarrés. À l'automne 2004, la vindicte des parlementaires avait eu raison de la candidature de l'Italien Rocco Buttiglione, coupable de « penser que l'homosexualité est un péché ». Cette fois-ci, prendront-ils pour cible la Britannique Catherine Ashton ? Elle avait été choisie à la surprise générale pour devenir le Haut Représentant de l'Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, par ailleurs vice-président de la Commission.

Dans le résumé officiel de son intervention, on relève cette annonce fracassante au sujet du Proche-Orient : « La prochaine étape est d'aller là où nous pensons que nous pouvons apporter le plus et formuler ensemble les solutions appropriées. » À la décharge de Mme Ashton, on rappellera qu'elle se doit de tenir un discours suffisamment consensuel pour satisfaire vingt-sept États membres... En tout cas, son insistance sur le poids des initiatives nationales et le rôle de l'Otan en matière de défense n'aura pas froissé ses compatriotes. Marquant quelque réserve à l'égard du droit-de-l'hommisme, elle a observé que « parler aux gens sans médiatisation [était] parfois plus efficace ». Évoquant le Service européen pour l'Action extérieure (SEAE), elle a concédé aux députés qu'il ferait « l'objet d'un droit de regard complet de la part du Parlement », refusant toutefois de soumettre ses ambassadeurs à une audition. En définitive, son intervention a tempéré les critiques sans vraiment les dissiper. Mais sa candidature faisant l'objet d'un consensus entre les gouvernements européens, les institutions de l'Union et les groupes politique du Parlement, celui-ci ne se risquera pas à la mettre en échec.

Barnier fait du "social"

Il ne s'attaquera pas non plus à Michel Barnier, censé travailler « à mettre le marché intérieur au service du progrès humain, à lutter contre le dumping social et à protéger les services d'intérêt général ». "Européen" convaincu, l'ancien ministre de l'Agriculture s'est pourtant risqué à paraphraser les souverainistes : « Dans un monde instable, fragile, dangereux, nous devons nous doter d'une Europe de la défense. Mais nous n'avancerons pas contre les États membres en menaçant de fragiliser leur souveraineté, nous avancerons avec eux. »

Le "grand oral" de Rumiana Jeleva s'avéra plus mouvementé. Le ministre des Affaires étrangères de la Bulgarie était désigné pour devenir commissaire en charge de la Coopération internationale, de l'Aide humanitaire et de la Réponse à la crise. « L'audition avait bien commencé, avec une déclaration politique initiale [...] applaudie par les eurodéputés », raconte Nicolas Gros-Verheyde. « Mais arrive une question prise de haut, de trop haut », portant sur sa déclaration d'intérêts. Parmi les inquisiteurs figuraient des députés bulgares : l'assemblée européenne offre un terrain propice aux règlements de compte nationaux. Déstabilisée, la candidate aurait ensuite multiplié les erreurs. Répondant, par exemple, à une question sur l'aide humanitaire dans le golfe d'Aden, « elle se montre "prête à aller sur place..." sans mesurer qu'il s'agit de la Somalie dont on parle, un État déliquescent, où le moindre occidental est aussitôt considéré comme une proie à ravir ou... à tuer ». (Bruxelles 2, 12/01/2009)

« De fait, son audition, mardi dernier, a été catastrophique », confirme Jean Quatremer. « Mais, à ce petit jeu, elle est loin d'avoir été la seule dans ce cas. [...] Il est clair que Jeleva est surtout victime d'une volonté du Parlement européen de rappeler à la Commission et aux États membres qu'il est un acteur majeur du jeu européen. » (Coulisses de Bruxelles, 19/01/2010)

Les Socialistes et Démocrates réclament sa tête. En réaction, le PPE s'est lui aussi cherché une proie. Son dévolu s'est jeté sur le Slovaque Maros Sefcovic, suspecté d'avoir tenu des propos désobligeants à l'encontre des Roms. L'attaque semble avoir échoué. Quoi qu'il en soit, ces querelles illustrent, à nos yeux, tout l'intérêt des auditions organisées par les commissions parlementaires.

Sur un pied d'égalité

Les gouvernements doivent pourtant compter avec le Parlement européen. Lequel entend bien le faire savoir. Depuis le 4 janvier, rapporte encore Jean Quatremer, il exige que leurs ambassadeurs à Bruxelles (les "représentants permanents"), ainsi que tous les fonctionnaires du Conseil, se fassent accréditer comme n'importe quel visiteur pour pénétrer dans ses bâtiments. L'assemblée réclamerait l'application d'un principe de réciprocité.

« De fait, les fonctionnaires du Parlement se rendant au Conseil des ministres doivent s'annoncer à l'entrée du Justus Lipsius, dire avec quelle personne ils ont rendez-vous, obtenir un badge provisoire, se plier aux contrôles de sécurité et enfin être accompagnés. » Cela serait donc en passe de changer. « Mais il ne s'agira que d'un armistice », poursuit notre confrère : « Le prochain clash, déjà programmé, est celui de l'accès aux réunions. » (Coulisses de Bruxelles, 17/01/2010) Les gouvernements pourraient regretter d'avoir accru les pouvoirs du Parlement européen en négociant le traité de Lisbonne.

« La servitude volontaire »

12 janvier 2010

Les gouvernements des Vingt-Sept rechignent à augmenter le traitement des fonctionnaires européens suivant des règles établies de longue date ; la Cour de Justice devra leur forcer la main. Pourquoi les États lui ont-il conféré un tel pouvoir ?

Les fonctionnaires européens exigent que leur traitement soit augmenté de 3,7 %. Une requête déplacée ? Jean-Philippe Chauvin stigmatise leur « indécence ». « Mais voilà », explique Jean Quatremer : « Il ne s'agit que de l'application d'une règle votée par les États membres, pour la période 2004-2012, qui prévoit que le salaire des eurofonctionnaires est indexé sur celui de la fonction publique de huit pays [...] et sur le coût de la vie à Bruxelles. »

La Commission européenne a porté l'affaire devant la Cour de Justice de l'Union européenne, dont on devine le verdict. Celui-ci s'imposera aux vingt-sept États membres, en dépit de leur accord apparemment unanime. C'est ici que devrait résider le vrai scandale, du moins aux yeux des souverainistes. Face aux juges, en effet, les politiques témoigneraient d'une « servitude volontaire », selon l'analyse de Paul Magnette (Le Régime politique de l'Union européenne, Presses de Science Po). « Pourquoi les gouvernements se sont-ils laissés faire ? » À ce « faux mystère », il y aurait plusieurs réponses.

« On peut rappeler, d'abord, que l'action de la Cour protège souvent les intérêts des gouvernements eux-mêmes. [...] En effet, en l'absence de contrôle juridictionnel, les gouvernements seraient fortement tentés de se soustraire à leurs obligations et de se livrer une concurrence déloyale. Chacun des gouvernements pourrait en pâtir à son tour et le régime dans son ensemble s'en trouverait affaibli. Dans leurs conflits avec la Commission, les gouvernements ont aussi, le plus souvent, trouvé dans la Cour un arbitre impartial. [...] Le formalisme qui irrigue nos cultures politiques est aussi fréquemment invoqué pour expliquer la docilité des gouvernants. Enfin, et peut-être surtout, la structure du régime de l'Union elle-même explique la résignation des dirigeants nationaux. Les rapports entre les gouvernements et la Cour sont définis de telle sorte que les juges peuvent se prévaloir de fortes marges d'indépendance, tandis que les gouvernements sont privés de tout pouvoir  de rétorsion. Cette asymétrie fondamentale – due aux gouvernements eux-mêmes, auteurs des traités – est la source essentielle des relations particulières qui se sont établies entre les juges et les politiques dans l'Union. »  

« Formellement », les gouvernements « restent libre de modifier les traités – et donc les pouvoirs de la Cour. En pratique, la nécessité de réunir l'unanimité pour ce faire rend la menace peu crédible : la jurisprudence de Luxembourg affectant différemment les intérêts des gouvernements, il se trouvera toujours au moins l'un d'entre eux pour opposer son veto à une révision du traité. »

Féminisme technocratique

7 janvier 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

La Commission européenne convoque le féminisme au service de la croissance.

« L'égalité entre les femmes et les hommes est une priorité pour notre pays et pour l'Union européenne », proclame le président du gouvernement espagnol. Sans doute José Luis Rodríguez Zapatero a-t-il accueilli avec bienveillance le rapport publié le 18 décembre par la Commission européenne. « L'égalité des sexes n'est pas seulement une question de diversité et d'équité sociale », affirme-t-on à Bruxelles. Elle constituerait aussi « une condition préalable à la réalisation des objectifs de croissance durable, d'emploi, de compétitivité et de cohésion sociale ». Pour preuve, la participation croissante des femmes au marché du travail serait « à l'origine d'un quart de la croissance économique annuelle depuis 1995 ».

Des États sceptiques ?

« Les investissements dans les politiques égalitaires sont payants », martèle le rapport. Mais tous les États n'en sont pas convaincus : examinant les mesures nationales de lutte contre la crise, la Commission pointe « le risque de détérioration du statut des politiques égalitaires ». La tentation serait d'autant plus grande d'y renoncer que les femmes sembleraient moins affectées par le conjoncture économique. Mais le taux d'emploi des hommes se redresserait plus rapidement.

Constatant l'« influence marquée de la parentalité [sic] sur la participation au marché du travail », la Commission stigmatise le « partage traditionnel des rôles », mais aussi le « manque de structure d'accueil pour les enfants ». En conséquence, elle réclame « des politiques et des incitations pour persuader les hommes et leur permettre d'assumer une plus grande part des tâches familiales » ; ce serait même « un défi majeur à relever ». Plus raisonnablement, elle souligne que « l'absence de mesures adéquates permettant de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale peut [...] inciter les femmes et les hommes à ne pas avoir d'enfants ou à en avoir moins, ce qui pose problème eu égard au vieillissement de la population ».

Fait remarquable : « Dans les pays où les conditions sont favorables s'agissant des services de garde d'enfants, des systèmes de congé parental et des régimes de travail flexibles, le taux d'emploi des femmes et le taux de natalité sont tous les deux plus élevés. » Ayant réconcilié en apparence féminisme et natalité, Bruxelles ne craint pas d'affirmer qu'« au besoin, il conviendrait de [...] supprimer les éléments financiers qui dissuadent les seconds titulaires de revenus [...] de travailler ».

Incohérence

Ce rapport, nourri d'idéologie, n'est pas sans présenter quelque incohérence. Saluant la réforme du congé parental, la Commission observe qu'elle encouragera les pères à profiter de cette possibilité. Une perspective manifestement contraire à l'objectif assigné par ailleurs à l'égalité des sexes, censée « permettre aux États membres d'exploiter pleinement l'offre potentielle de main d'œuvre ».

Madrid partage la barre

7 janvier 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Espagne assure pour six mois la présidence du Conseil de l'UE. Ses dirigeants devront cohabiter avec de nouveaux responsables européens... Rappels historiques et résumé des priorités affichées par Madrid.

Depuis le 1er janvier, l'Espagne assure la présidence du Conseil de l'Union européenne. C'est la quatrième fois que cette responsabilité lui incombe depuis son entrée dans la Communauté européenne en 1986. Madrid avait frappé à sa porte dès les années soixante, obtenant seulement qu'elle lui soit entrouverte, avec la souscription d'un accord préférentiel en 1970. Formalisée en 1977, moins de deux ans après le décès du général Franco, sa demande d'adhésion avait été accueillie avec réticence par la France...

Un pays europhile

Elle suscitait en revanche un consensus national. L'adhésion fut approuvée à l'unanimité par le parlement. « L'appui de l'Espagne au processus d'intégration européenne a toujours été supérieur à la moyenne européenne », constate Lorenzo Delgado Gomez-Escalonilla. « L'entrée dans l'Europe n'est pas associée à la perte de la souveraineté ou de l'identité nationale comme cela se produit dans d'autres États. » (Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin)

En vingt ans, bénéficiant largement des fonds structurels européens, l'économie espagnole s'est radicalement transformée. Cela n'est pas allé sans douleur, mais le "revenu par tête" est passé de 8 000 euros annuels en 1985 à 23 000 euros en 2005. Il y a quatre ans, le traité établissant une constitution pour l'Europe ayant fait l'objet d'un référendum, le "oui" l'avait emporté à la faveur de 77 % des voix.

Animant pendant six mois les travaux des ministres européens (à l'exception de ceux touchant aux affaires étrangères, désormais coordonnés par le Haut Représentant), l'Espagne revendique quatre priorités : « application fidèle et résolue du nouveau traité ; une plus grande coordination des politiques économiques afin de garantir la relance économique et d'asseoir les bases d'une croissance européenne durable ; renforcement de l'Union en tant qu'acteur politique décisif dans la mondialisation ; veiller constamment aux intérêts des citoyens européens et au respect de leurs droits dans toutes les nouvelles initiatives ».

« Nous voulons que le président Van Rompuy et la Haute Représentante [sic] Ashton puissent, dès le début, exercer pleinement leurs fonctions », assure José Luis Rodríguez Zapatero. Sa fidélité à l'"esprit de Lisbonne" est pourtant mise en doute. Le chef du gouvernement espagnol parviendra-t-il à se faire une place aux côtés du président du Conseil européen ? En pleine période de transition institutionnelle, on guettera les incidents. Mais, de part et d'autre, on se satisfera vraisemblablement de quelques arrangements. Dorénavant, par exemple, un délégué du Haut Représentant est censé présider le COPS (Comité politique et de sécurité) ; aussi Mme Ashton a-t-elle assigné cette mission à l'ambassadeur espagnol, tout simplement (Bruxelles 2, 19/12/2009).

L'Espagne devrait porter un intérêt tout particulier au Parlement européen. Elle y sera plus souvent confrontée que ses prédécesseurs en raison des pouvoirs accrus de l'assemblée. En outre, elle s'attachera à faire adopter aussi vite que possible le protocole permettant de réviser sa composition sans attendre les prochaines élections européennes. Parmi les douze États bénéficiant de sièges supplémentaires, elle est en effet celui qui en gagne le plus (quatre députés).

Questions pour un champion

Naturellement, il appartiendra à Madrid d'accompagner la mise en œuvre du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE). Catherine Ashton voudrait en faire « un vrai service, pour mener la diplomatie de l'Union [...] avec les moyens budgétaires nécessaires, non pas pour remplacer la diplomatie des États membres mais pour [s'] y ajouter » (Bruxelles 2, 16/12/2009). « Je pense que nous pouvons obtenir beaucoup de la "diplomatie tranquille" », a-t-elle déclaré. Affichant un optimisme bien naïf, elle espère « réunir les représentants les plus talentueux de tous les États membres de l'UE » (Le Figaro, 18/12/2009).

À moins qu'une grève des fonctionnaires européens ne perturbe le calendrier, le Parlement entamera lundi prochain, 11 janvier, les auditions des nouveaux membres de la Commission. Mme Ashton sera la première soumise à ce "grand oral" minuté à la seconde près, où les questions s'enchaîneront pendant trois heures à un rythme infernal (Bruxelles 2, 17/12/2009). Curieuse façon d'évaluer des compétences sur un sujet aussi complexe que les relations internationales.

Restauration communautaire

7 janvier 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Depuis la fin novembre, Quick s'essaie à la vente de hamburgers certifiés halal. Le groupe de restauration rapide se lance ainsi sur un marché porteur, qui affiche régulièrement une croissance à deux chiffres.

Le concurrent européen de McDonald's, contrôlé à 95 % par un fonds public français, s'est immiscé malgré lui dans le débat sur l'identité nationale : depuis le 30 novembre, des repas certifiés halal sont servis dans huit restaurants Quick de l'hexagone. Les hamburgers y sont garnis d'une viande issue d'un abattage rituel, opéré par égorgement  « au nom de Dieu », face à La Mecque, par un sacrificateur habilité par un organisme religieux avec l'agrément de l'État. Le porc étant réputé haram (illicite), des allumettes de dinde ont remplacé les lardons.

30 % de hausse

La démarche, expérimentale, permettra d'évaluer l'ampleur des difficultés logistiques : les prescriptions islamiques pourraient s'avérer délicates à respecter dans des cuisines où des aliments "licites" risquent de cohabiter avec quelques autres proscrits par la loi coranique. L'enseigne veillera sans doute à dissiper la méfiance des clients, alors que son concurrent KFC, ayant investi un créneau similaire, est justement accusé d'avoir trahi leur confiance. À Villeurbanne, ils sont invités à vérifier l'origine des commandes dans un cahier mis à leur disposition en français et en arabe. Avec ce changement de carte, rapporte notre consœur Carole Bianchi, « "le fast-food a vu son chiffre d'affaires progresser de 30 % et a dû embaucher deux fois plus de personnel en moins de quinze jours, selon le gérant Karim Bouzeenaba » (20 Minutes, 15/12/2009).

Nouveau marché

L'alimentation halal constitue un marché en plein essor, enregistrant régulièrement une croissance supérieure à 10 %. Spécialisé « dans les études marketing ethniques », le cabinet Solis lui attribue un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros en 2009 (dépenses des ménages, sans compter la consommation en restauration hors domicile de type sandwicheries, restaurants, collectivités...). Par comparaison, le "bio" drainerait seulement 2,6 milliards d'euros, selon l'estimation citée par Anne-Hélène Pommier (Le Figaro, 16/12/2009).

« Longtemps limité à des commerces traditionnels », le circuit de distribution de ces produits s'étend aujourd'hui aux grandes et moyennes surfaces, observe Solis, « notamment aux grandes enseignes d'hypermarchés qui présentent des offres de produits halal élaborés pour partie par les plus grands groupes agroalimentaires français ».

Industriels et distributeurs cibleraient les "baby-boomers de la diversité", nés en France et forts d'un pouvoir d'achat supérieur à celui de leurs aînés. Mais ils communiquent encore avec pudeur, préférant généralement promouvoir les "saveurs d'Orient". Si Maggi fait figure d'exception, la plupart commercialisent leurs produits halal sous une marque spécifique. Tel Casino, en pointe avec Wassila, ou Panzani, qui fut le premier à lancer une campagne publicitaire sur les chaines "hertziennes". C'était l'été dernier, à l'occasion du ramadan : « Certains de nos clients se retrouvent dans les personnages de la pub, ça leur fait plaisir, c'est pour eux une preuve d'intégration » se félicitait alors Sébastien Beyhourst, directeur marketing de Zakia Halal (Libération, 26/08/2009).

Entre intégration et assimilation

Preuve que l'intégration n'est en aucun cas synonyme d'assimilation ? L'"islamisation" du pays, volontiers dénoncée, suscite un malaise compréhensible. Observons toutefois qu'elle ne va pas sans paradoxes : s'ils se distinguent de leurs compatriotes par certaines habitudes de consommation, imposées par leur foi, les musulmans peuvent désormais se fournir dans les mêmes boutiques, s'asseoir à la même table... Voire se joindre aux mêmes fêtes : à la veille de Noël, Caroline Taix signalait que « chapons, foie gras et dinde farcie halal [avaient] fait leur apparition dans les rayons des épiceries spécialisées » (Les Échos, 24/12/2009).

Dixit McCreevy

29 décembre 2009

Depuis Dublin, un commissaire européen prononce un éloge dithyrambique de la diplomatie française. Charlie McCreevy a-t-il perdu la tête ?

Le président de la République n'a pas manqué de fanfaronner, tandis qu'il venait d'obtenir pour la France le portefeuille de commissaire européen en charge du Marché intérieur. Ce faisant, il aurait « enterré une fois pour toutes le mythe selon lequel les commissaires européens, et tout particulièrement les Français, arrivant à Bruxelles, sont supposés laisser de côté les intérêts nationaux ». C'est en tout cas l'opinion formulée le 18 décembre par le commissaire irlandais Charlie McCreevy, auquel Michel Barnier doit justement succéder. Selon lui, l'influence de la France à Bruxelles serait « impressionnante » : « On oublie que la bureaucratie de Bruxelles a été conçue par la France. [...] Au fil des années, cela a donné aux Français un énorme avantage pour savoir comment actionner les leviers de pouvoir. » En conséquence, il a salué l'« habileté extraordinaire » de la diplomatie française.

Propos rapportés par Stephen Collins dans le quotidien irlandais Irish Times