Quatrième chronique pour RFR. Parmi les
sujets abordés cette fois-ci : la prime sur les dividendes, le rôle de
l'État et le populisme.
Selon les conclusions d'un sondage Viavoice-BPCE réalisé pour Les Échos
et France info, 62 % des Français
seraient favorables à la prime Sarkozy sur les dividendes. C'est
désespérant, quoique très compréhensible.
On pourrait disserter des heures durant sur ce dispositif
inepte, présenté hier en conseil des ministres. Selon le projet de loi
de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2011, donc,
les entreprises comptant plus de cinquante salariés seraient priées de
verser une prime à leurs employés, dès lors que les dividendes
attribués aux actionnaires augmenteraient par rapport à la moyenne des
deux années précédentes. Vous suivez ? Dans le cas contraire,
cela n'aurait rien d'étonnant : « ce qui se conçoit
bien s'énonce clairement »... et inversement !
Cette prime est censée contribuer au « partage de la
valeur ajoutée » cher au chef de l'État. Comme si les
dividendes et leur évolution étaient toujours à l'image des bénéfices.
Or, c'est loin, très loin d'être le cas. Prenez la situation de Total,
vilipendé pour se profits considérables : ses dividendes étant
restés stables, il ne sera pas soumis à la prime Sarkozy. En revanche,
le patron d'une PME qui ne se verserait aucun salaire devra négocier
avec ses employés l'augmentation de sa rémunération, c'est un
comble ! Tout cela n'a aucun sens : pourquoi les
salariés seraient-ils plus ou moins avantagés selon que leur entreprise
se finance sur les marchés, en mobilisant des actionnaires, ou bien
auprès des banques, en souscrivant des prêts rémunérés par des
intérêts ?
Les partenaires sociaux ne s'y sont pas trompés. De façon
quasi unanime, patrons et syndicats ont dénoncé cette immixtion de
l'État dans leurs négociations. Mais l'opinion publique demeure
sensible aux slogans simplistes – du genre "pas de prime pour les
actionnaires sans prime pour les salariés". Pour le président de la
République, il s'agit, naturellement, d'exploiter quelques clichés
néo-marxistes ancrés dans les esprits. À commencer par l'opposition
systématique entre capital et travail.
On stigmatise volontiers ces actionnaires cupides, accusés de
s'enrichir sur le dos des salariés. Qu'en est-il dans les
faits ? « Il y a un an, la Bourse française était
encore déprimée », rappelle Florin Aftalion, professeur
émérite à l'Essec, dans un article publié par La Tribune.
« En revanche », poursuit-il, « il y a dix
ans, elle était en pleine forme. [...] Un portefeuille représentant
l'indice constitué à ce moment-là et conservé depuis aurait aujourd'hui
perdu 28 % de sa valeur initiale ; en incorporant les
dividendes reçus, son rapport sur dix [ans] aurait été inférieur à
1 % par an ! En valeur réelle, compte tenu de
l'inflation, il aurait perdu de l'argent. »
À certains égards, il apparaît donc injuste de jeter
l'anathème sur les détenteurs des capitaux. Mais cela s'avère surtout
stérile, et même contre-productif. Hélas, les politiciens ne s'en
privent pas. Tels Nicolas Sarkozy, nous l'avons vu, mais aussi Marine
Le Pen, avec, dans son cas, la bénédiction de certains
royalistes. Incarné par une femme, l'homme providentiel leur apparaît
soudain plus fréquentable... Mes camarades me pardonneront de les
caricaturer – ils savent que je le fais en toute amitié. Cela dit, on
s'étonne de les voir ainsi conquis par le virage jacobin du Front
national. Sans doute cela s'inscrit-il dans la logique
souverainiste : en s'accommodant de la « souverainété
nationale » récusée par Maurras, on assimilait déjà, plus ou
moins, l'État à la nation ; dorénavant, c'est également la
nation qu'on assimile à l'État.
Dans le dernier numéro de L'Action Française 2000,
Paul-Marie Coûteaux pointe l'influence des syndicats d'enseignants pour
illustrer la perte de souveraineté de l'État. Ce faisant, il exclut
implicitement de limiter celle-ci à quelques fonctions régaliennes, et
se méprend sur les causes de l'impuissance publique. De toute façon, on
n'œuvrera pas au retour du roi en entretenant la conception d'un État
tentaculaire dont les monarchistes dénonçaient jadis les germes
totalitaires.
Selon Maurras, « un État normal laisse agir, sous son
sceptre et sous son épée [certes], la multitude des petites
organisations spontanées, collectivités autonomes, qui étaient avant
lui et qui ont chance de lui survivre, véritable substance immortelle
de la nation ». En cela, je suis désolé de le dire, le maître
de l'AF ne me semble pas opposé à certains libéraux. Je pense à Alain
Madelin, auteur, par exemple, d'un plaidoyer pour la subsidiarité
publié sur son blog lundi dernier. « Dans la grande société
ouverte qui se dessine aujourd'hui », écrit-il, « les
relations verticales d'hier sont largement remplacées par des liens
horizontaux dans un grand chamboule-tout de la pyramide des
pouvoirs ». La suite est plus intéressante :
« On a longtemps cru que plus les choses devenaient complexes,
plus elles devaient être dirigées d'en-haut. On sait maintenant qu'au
contraire, il faut laisser la plus large autonomie aux éléments qui
composent un système complexe pour permettre leur
coordination. » Cela rend d'autant plus actuelle la conception
"royaliste" de l'État... et d'autant plus regrettable son abandon pas
ses promoteurs traditionnels.
Participant des déboires de l'État-providence, la crise de la
dette souveraine fournirait un prétexte idéal à la dénonciation de
l'incurie républicaine. L'Alliance royale le martèle à chacune de ses
campagnes : « Un président est un chef de parti, qui
pense à la prochaine élection ; un roi est un chef
d'État, qui pense à la prochaine génération. » Dans
ce contexte, cependant, la vulgate tend à dédouaner les politiques de
leurs responsabilités, puisque ceux-ci sont soumis, paraît-il, à la
toute-puissance des marchés.
Tandis que monte la grogne populaire, « il appartient
à l'Action française non seulement d'accompagner ce mouvement mais
aussi et surtout de l'éclairer » C'est, en tout cas, ce que
clamait François Marcilhac le 8 mai dernier, dans son discours
prononcé à l'occasion de la fête de Jeanne d'Arc. Nous sommes
d'accord ! Reste qu'à cet effet, les royalistes devraient
plutôt se méfier des sirènes populistes. Appeler au primat du politique
sur l'économique, c'est exprimer des valeurs, mais non donner un cap à
l'action publique – sauf à revendiquer également le primat de l'État
sur les entreprises en lançant un vaste programme de nationalisations.
En son temps, le maître de l'Action française pouvait établir
le constat selon lequel « l'économie industrielle ne joue
point dans le vaste cadre de la planète ». Manifestement, les
circonstances ont changé, et cela s'avère pour le moins déstabilisant.
Peut-être cette évolution explique-t-elle la tentation d'enfoncer des
portes ouvertes par d'autres, ou celle de se réfugier dans un dédain
romantique de l'économie... Il nous appartient pourtant d'en tirer les
conséquences. Le défi qui nous est lancé s'annonce passionnant à
relever ! Mais peut-être préférera-t-on rester en marge de
l'histoire ?
Rendez-vous sur le site de RFR pour
découvrir les autres interventions :
Les hippies ont-ils colonisé
l'AF ? On se le demande à
la lecture d'un billet inscrivant quelque mouvance écologiste
dans la continuité de l'école maurrassienne.
Voyez plutôt : chercher « à établir des lois
pour l'organisation des sociétés humaines en s'inspirant et en
s'instruisant de l'observation scrupuleuse des lois de la
biosphère » ne serait pas « sans rappeler à quelques
égards » l'"emprisime organisateur" cher à Maurras. Lequel résumait
sa méthode à « l'examen des faits sociaux naturels
et l'analyse de l'histoire politique ». Que l'on place l'homme
ou la terre cœur de ses préoccupations, c'est du pareil au même, cela
va sans dire !
Mais il y a plus osé encore : « mettre fin à
la colonisation multiforme [...] du monde par la civilisation
industrielle » relèverait d'un « appel à la
"politique naturelle" ». Le pauvre Maurras doit se retourner
dans sa tombe ! À ses yeux,
n'en déplaise à ses curieux héritiers, il n'était « rien de
plus magnifique » que « l'occupation des espaces par
la société humaine et leur réduction à ses lois ». Rien
d'étonnant à cela, puisque sa démarche consistait, nous semble-t-il, à
prendre acte de la nature humaine, pour en assumer délibérément les
conséquences, à l'opposé d'un individualisme volontariste. Une nature
dont participe au premier chef un caractère industrieux – ce serait
même « la définition première de l'homme » selon le
Martégal.
On concédera aux écolos que « tous ces changements
que nous opérons dans l'économie de notre planète n'ont mené à rien
jusqu'ici et [que] rien ne permet d'admettre qu'ils conduisent jamais à
rien ». Mais « nous y travaillons parce qu'il est
dans notre ordre d'y travailler » – un point c'est tout.
C'est donc tout le contraire d'une "politique naturelle" qui
nous est proposé ici. Il n'est d'ailleurs pas exclu que l'AF renie
ses propres principes en récusant plus ou moins l'économie, l'industrie
et la technique... « La vérité politique et sociale qui nous
conduit n'a pas la forme du regret », disait encore Maurras.
« Elle est plutôt désir, curiosité, solide espérance apportant
les moyens de réaliser l'avenir avec une imperturbable
sécurité. »
Cela étant, à l'époque où il écrivait, le maître de l'Action
française pouvait
encore établir le constat selon lequel « l'économie
industrielle ne joue point dans le vaste cadre de la
planète ». Preuve que le monde a changé et qu'on ne saurait se
contenter de boire ses paroles.
19 mai 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Sensibles à l'inquiétude populaire, respectueux du "principe
de précaution", les députés ont voté l'interdiction d'une technique
permettant l'exploitation des gaz de schiste, une ressource énergétique
pleine de promesses.
L'exploitation mais aussi l'exploration des mines
d'hydrocarbures non conventionnels seront bannies du territoire
national, du moins si elles se font par "fracturation hydraulique".
Ainsi en a décidé, mercredi 11 mai, l'Assemblée nationale.
Cela en vertu du "principe de précaution" inscrit dans la Constitution
depuis 2005. Revenant sur ses propres décisions, le gouvernement avait
déclaré l'urgence sur une proposition de loi déposée à cet effet par
Christian Jacob, le chef de file des députés UMP.
Moratoire américain
Dans le collimateur des parlementaires figuraient, plus
particulièrement, les gaz de schiste. Connus depuis longtemps, ceux-ci
ont commencé à être exploités aux États-Unis, à la faveur des
innovations technologiques stimulées par la hausse des prix de
l'énergie. Afin de libérer le fluide prisonnier, un mélange d'eau, de
sable et de substances chimiques est injecté dans la roche à très haute
pression. Avec le risque de contaminer les nappes phréatiques
traversées par les forages ? C'est, en tout cas, la crainte
affichée par nos députés, mais aussi par l'État de New York,
où un moratoire sur l'exploitation a été décrété, dans l'attente des
conclusions de l'Environmental Protection Agency annoncées pour 2012.
Son travail s'avère délicat, en raison du secret industriel qui lui est
opposé. « L'EPA a dû par exemple assigner Halliburton devant
la justice pour obtenir la liste des produits chimiques utilisés dans
le procédé », rapporte Étienne Beeker, dans une note du Centre
d'analyse stratégique. Une enquête similaire avait été entreprise en
2004. Elle avait conclu, précise-t-il, « à l'innocuité des
processus d'extraction pour les eaux potables, ce qui amène de nombreux
experts à être confiants dans les résultats de l'étude en
cours ».
En avril dernier, Gérard Mestrallet avait déploré que la
France décide « de tourner la page des gaz de schiste avant
même de l'avoir ouverte » (Les Échos,
14/04/2011). De la part du P-DG de GDF-Suez, ce discours apparaît
éminemment convenu. Cela dit, l'intérêt des industriels doit être
relativisé : pour Total, l'impact de la loi serait
« négligeable ». C'est, en tout cas, ce que soutient
son président, Christophe de Margerie. Le groupe, déjà engagé au
Danemark, vient d'ailleurs de s'allier à Exxon Mobil pour exploiter des
gaz de schiste en Pologne.
De fait, les enjeux sont loin de se résumer aux convoitises
des multinationales. Tandis que le "pouvoir d'achat" semble en passe de
s'imposer comme un thème phare de la campagne présidentielle,
« l'impact de ces nouvelles ressources sur les prix du gaz est
déjà sensible », souligne Étienne Beeker – quoique cette
baisse soit « difficilement perceptible par le consommateur
français, pour lequel le prix du gaz, indexé dans des contrats de long
terme à plus de 80 % sur le prix du pétrole, continue
d'augmenter ». Faute d'avoir mené les travaux d'exploration
nécessaires, on ignore l'ampleur des ressources du sous-sol français.
Celles-ci pourraient être considérables : selon certaines
estimations, elles représenteraient quatre-vingt-dix ans de la
consommation actuelle de gaz (Les Échos,
21/04/2011). C'est dire l'intérêt qu'elles présentent au regard de
l'"indépendance énergétique de la France".
Révolution mondiale
Rien d'étonnant, donc, à ce que le Centre d'analyse
stratégique annonce « une révolution gazière qui pourrait bien
bouleverser le paysage énergétique mondial ». Entre 2000 et
2008, la part du gaz dans le mix électrique
américain serait passée de 18 à 24 %. « Importateurs
nets de gaz il y a peu, les États-Unis sont aujourd'hui autosuffisants
et ils sont également redevenus le premier producteur de gaz, devant la
Russie. De plus, l'attitude de la Chine aura des conséquences
considérables pour l'Europe, surtout si ce pays, comme il le souhaite,
parvient à exploiter ses réserves très prometteuses de GNC [gaz non
conventionnels]. La Russie, pour qui la Chine peut devenir un
importateur alternatif important, perdrait une partie de ses débouchés
potentiels. Une partie du GNL [gaz naturel liquéfié] en provenance du
Moyen-Orient et à destination de l'Asie de l'Est pourrait également
être réorientée vers notre continent, qui en profiterait. Les gaz non
conventionnels fragiliseraient donc la position de la Russie, notamment
dans ses échanges gaziers avec l'Europe. »
Dans ces conditions, si le "principe de précaution" impose de
prendre en compte les risques pesant sur l'environnement, la prudence
politique requiert, selon nous, leur mise en perspective. D'autant que
les inquiétudes sont vraisemblablement décuplées par l'alarmisme
écologiste, le sensationnalisme médiatique et le clientélisme
électoral. La préoccupation des élus, soucieux d'épargner à leur
circonscription la laideur des installations industrielles, apparaît à
bien des égards légitimes. « Aujourd'hui, le bonheur public,
du moins tel que se l'imagine la puissance du même nom, ne doit pas se
faire au prix du malheur individuel », remarque notre confrère
Philippe Escande. « Le problème », poursuit-il dans Les Échos
(10/05/2011), « c'est que, à ce train-là, la vie promet de
devenir de plus en plus difficile. Pour se cantonner au seul cas de
l'énergie, aucune technique de production d'électricité, qu'il s'agisse
d'hydraulique, de biomasse, d'éolien et à plus forte raison de charbon
ou de nucléaire, n'est exempte de risque et toute nouvelle installation
en France dans ces énergies pourrait soulever la même
colère. » Pour tempérer la grogne des élus, d'aucuns proposent
de revoir la fiscalité locale... L'arbitrage politique n'en demeurera
pas moins un art difficile.
À l'occasion du mariage de Kate et William, France
Culture a donné la parole aux républicains britanniques,
mais aussi aux monarchistes français.
Notre consœur Laurie Fachaux, dont la voix vous sera peut-être
familière, est venue visiter les bureaux de L'Action
Française 2000, où nous lui avons accordé un bref
entretien.
Ce faisant, nous n'avons pas manqué de faire la publicité de
notre employeur, sachant bien que notre racolage serait coupé au
montage. Or, très courtoisement, notre interlocutrice a finalement
choisi d'annoncer notre prochain numéro en conclusion de son reportage.
Qu'elle en soit remerciée.
À l'approche du mariage du prince William, L'Express
consacre deux pages aux royalistes.
Votre serviteur arbore-t-il un « sourire
poupin » ?. C'est, en tout cas, l'avis de ma consœur
Julie Joly, qui
l'écrit dans L'Express du 20 avril 2011.
Nan mais... Au moins notre racaille préférée nous saura-t-elle gré de
l'avoir fait passer pour « une fille rangée » –
portrait ô combien immérité, n'est-ce pas ? 😉
Cet article est loin d'avoir enthousiasmé notre collègue
François Marcilhac, qui
s'en désole sur le blog du Centre royaliste d'Action française.
De fait, ce coup de projecteur sur les querelles dynastiques n'est pas
à l'honneur des royalistes. Cela étant, bien qu'elle rebondisse sur
quelques clichés, notre consœur les tempère, soulignant tout
particulièrement la diversité d'une mouvance où l'on croise certes
« descendants de la grande noblesse », mais aussi
« maurrassiens de la dernière heure, jeunes Chouans
idéalistes, vieux réacs ou intellos pur jus ». Car,
explique-t-elle, « on l'aura compris, les monarchistes ne
défendent pas un programme, mais une famille ».
Mégalomanie mise à part, cela nous donne à réfléchir sur notre
métier – que nous apprenons sur le tas –, tandis que nous ne
nous reconnaissons que partiellement dans les propos qui nous sont
prêtés. Par exemple, si la prose de Maurras a exercé sur nous quelque
influence, nous ne croyons pas avoir subi un « choc »
à sa lecture. Conséquence de notre expression maladroite ?
D'une interprétation excessive ? D'une dramatisation inhérente
à la démarche journalistique ? Sans doute aurons-nous
l'occasion de le vérifier à l'épreuve de notre propre expérience.
Du poids de la dette et du rapport aux marchés... Rebond sur
le dernier éditorial de L'Action Française 2000.
« L'heure est au nationalisme », annonce
François Marcilhac à la une de L'Action Française 2000
(n° 2815 du 21 avril 2011). Cela « plus que
jamais », au moment où le gouvernement, « sous
prétexte d'équilibre des finances publiques », tenterait de
placer la France sous le tutelle des agences de notation – allusion au
projet de loi constitutionnelle examiné ces jours-ci par l'Assemblée
nationale.
C'est exagérer, nous semble-t-il, la portée de la réforme
envisagée. Cela étant, quelle qu'en soit la nature, c'est manifestement
son motif qui indispose notre éditorialiste : loin de prôner
une rigueur exemplaire, le gouvernement prétend néanmoins assainir les
finances publiques ; c'est là que le bât blesse.
À l'opposé des « mondialistes », François
Marcilhac se range parmi « les partisans de l'indépendance des
nations face aux marchés ». Discours éminemment convenu, dont
les auteurs croient généralement se parer de vertus morales quand ils
se fourvoient dans un snobisme dérisoire. Méprisant la finance, ils
disent vouloir en émanciper l'État. Ce serait, sans nul doute, le
priver d'un irremplaçable levier d'investissement. On reconnaît ici un
travers typique du souverainisme, négligeant la puissance au nom d'une
indépendance fantasmée.
Hélas, faute de solliciter les marchés à bon escient, la
République a contracté une dette dont l'ampleur est devenue telle –
85 % de la richesse nationale produite en un an – que les
responsables politiques se trouvent désormais au pied du mur. Alors
qu'elle jouit d'un statut privilégié sur les marchés obligataires, la
France pourrait perdre la confiance de ses créanciers, au risque
d'alourdir le poids de sa dette, dont la charge – c'est-à-dire le
remboursement des seuls intérêts – représente d'ores et déjà le
deuxième poste budgétaire de l'État. Faudrait-il précipiter la nation
vers la banqueroute en vertu de quelque principe fumeux ?
Le gouvernement se livre, incontestablement, à une opération
de communication financière. Mais on aurait tort de traiter son action
avec dédain car, en pratique, elle contribuera peut-être à rendre
quelque souffle à un État menacé d'étranglement budgétaire. C'est
abuser le gogo que de blanchir les politiques en faisant porter le
chapeau à Moodys and co. Le système de notation financière présente
certes des faiblesses, dont la recension semble d'ailleurs faire
l'objet d'un large consensus. Les agences n'en remplissent pas moins
une fonction indispensable : en leur absence, faute de pouvoir
s'appuyer sur une évaluation des risques, les créanciers imposeraient
vraisemblablement des taux supérieurs aux États emprunteurs.
Dans l'immédiat, pour le meilleur ou pour le pire, il n'est
pas possible de faire tourner la planche à billets. Et si d'aventure le
franc était rétabli, la dette contractée jusqu'alors s'en trouverait
renchérie. Va-t-on la dénoncer ? Libéré du joug communiste,
d'aucuns s'y seraient essayés avec succès. Le jeu s'avère toutefois
dangereux. Mieux vaudrait identifier l'ensemble des dominos avant de
s'amuser à pousser le premier – vaste programme ! Quoi qu'en
disent les démagogues, dont la propagande personnifie dans quelques
figures cupides les multiples ramifications du système financier, c'est
tout un chacun qui finirait par payer les frais de sa faillite.
Peut-être la complexité des interdépendances est-elle préjudiciable au
bien commun. Mais le cas échéant, plutôt que de mettre le feu à la
toile, il appartiendrait au politique de la détricoter méticuleusement.
Patiemment et sans fracas. Ne s'agirait-il pas d'un travail
capétien ?
20 avril 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Des propos prêtés au maire de Strasbourg ont déclenché un tollé
sur la frange la plus "réactionnaire" de la Toile.
L'Agrif part en croisade contre l'"allahicité" – un concept en
vogue dans la blogosphère catholique, censé désigner la
« synthèse dialectique de l'islam et de la laïcité ».
L'association présidée par Bernard Antony vient de créer un prix qui
en récompensera chaque année « un grand penseur ou poète ».
Pour 2011, ses foudres se sont abattues sur Roland Ries, sénateur PS du
Bas-Rhin et maire de Strasbourg.
Selon un communiqué de l'Agrif, « à des parents
d'élèves qui lui demandaient pourquoi on servait à leurs enfants des
menus halal dans les cantines scolaires de Strasbourg et pas de repas
maigre par exemple avec du poisson le vendredi »,
M. Ries aurait répondu : « Nous servons de
la viande halal par respect pour la diversité, mais pas de poisson par
respect pour la laïcité. »
Moult blogueurs se sont emparés de cette annonce. Néanmoins,
si l'on excepte un article publié par Causeur (le site d'Élisabeth
Lévy), seule la frange réactionnaire de la Toile semble l'avoir
diffusée. Cela pourrait expliquer le silence du maire de Strasbourg,
qui se refuse, pour l'heure, à réagir par communiqué. Il n'en dément
pas moins les accusations de l'Agrif : ces propos sont
« totalement contraire à ses convictions », nous a
confié l'un de ses collaborateurs.
Quant aux repas servis dans les cantines de Strasbourg, ils
garantiraient effectivement aux élèves musulmans la possibilité de
manger halal tous les jours – et cela depuis plus de dix ans. En
revanche, du poisson ne figure pas toujours au menu le vendredi. Mais
un repas végétarien est proposé quotidiennement. « Les
catholiques y trouvent leur compte », nous a-t-on assuré. Sans
doute l'Agrif ne sera-t-elle pas de cet avis !
NB - La réacosphère a beau se targuer de verser dans la
"réinformation", elle a fait écho au communiqué de l'Agrif sans
témoigner d'un esprit critique manifeste. Au point que nous sommes
peut-être les premiers à signaler la réaction du maire de Strasbourg –
qu'il a certes fallu solliciter. Si les accusateurs n'ont pas d'autre
preuve à agiter que la bonne foi supposée d'une mère de famille, alors
l'attribution de leur "prix" relève d'une mascarade dérisoire, dont la
publicité donne à réfléchir sur l'influence de la Toile.
20 avril 2011 Article publié dans L'Action Française 2000
Défaut potentiel de transposition, atteinte au principe de
libre circulation : la routine !
La France protègerait-elle insuffisamment ses mers ?
C'est, en tout cas, l'accusation formulée le 6 avril par la
Commission européenne. Bruxelles lui a adressé un avis motivé,
constatant qu'elle ne lui avait pas communiqué ses dispositions
concernant la transposition d'une directive-cadre portant sur la
« stratégie pour le milieu marin ».
La veille, Paris avait été désavoué par la Cour de Justice de
l'Union européenne. En cause : le code français de déontologie
des professionnels de l'expertise comptable, qui proscrit le
démarchage. Cela en violation de la directive "services".
« Cette interdiction est susceptible d'affecter davantage les
professionnels provenant des autres États membres en les privant d'un
moyen efficace de pénétration du marché français », observe la
Cour, qui pointe, en conséquence, « une restriction à la libre
prestation de services transfrontaliers ».
Victime d'une logique similaire, Bucarest est prié de réviser
sa fiscalité. A été jugée contraire au droit de l'Union une taxe
frappant les véhicules lors de leur première immatriculation en
Roumanie. « Cette réglementation a pour effet de dissuader
l'importation et la mise en circulation de véhicules d'occasion achetés
dans d'autres États membres », souligne la Cour. Énième
illustration de la mise en œuvre, par les juges de Luxembourg, du
principe de libre circulation.
Troisième chronique enregistrée pour RFR.
SI nous versons délibérément dans la polémique, c'est en toute amitié
pour nos camarades, dont la variété des opinions nous chagrine d'autant
moins que les options électorales ont toujours été les plus diverses à
l'AF.
L'UMPS n'en a plus pour longtemps ! En effet
« l'union des patriotes » est en marche. Emporté par
la "vague bleu Marine", Paul-Marie Coûteaux s'attèle à sa réalisation
afin de constituer « un gouvernement de salut public incluant
toutes les forces qui refusent le fatalisme mondialiste ».
C'est, à n'en pas douter, un renfort de poids pour Marine
Le Pen. La notoriété du Front national est certes sans commune
mesure avec celle du Rassemblement pour l'indépendance de la France.
Sauf, peut-être, aux yeux de quelques royalistes (dont nous avons été)
qui se sont flattés d'entre-apercevoir grâce à lui les arcanes du
pouvoir. Le RIF s'est d'ailleurs enthousiasmé de voir l'AFP faire écho
à son appel – preuve que cela n'était pas gagné d'avance. Reconnaissons
toutefois qu'en pareille circonstance, nous n'aurions pas boudé notre
plaisir.
Sont donc appelés à se rassembler les
« patriotes », c'est-à-dire, dans le cas
présent, visiblement, les souverainistes, pourfendeurs de
l'Union européenne et des multiples avatars du multilatéralisme (Otan,
OMC, etc.). Le terme "patriote" apparaît employé
dans une acception pour le moins restrictive, ou plutôt
exclusive : quid, par exemple, de nos
camarades de l'Alliance royale ? Tout patriotisme leur
serait-il étranger ? L'attachement à son pays ne se mesure pas
à l'aune des convictions politiques.
La mobilisation des "volontaires patriotes" ne va pas sans
quelque connotation révolutionnaire. De fait, le souverainisme cultive
une certaine nostalgie du jacobinisme... Cela étant, ayant été formé à
l'école d'Action française, nous ne récusons pas le principe du
"compromis nationaliste". Reste son objet.
Or, fédérer quelques grincheux contre une Europe méconnue ne
suffit pas à tracer un cap. Considérons l'expérience
britannique : les Tories ont beau vociférer contre l'Union
européenne, ils n'ont pas songé un instant à en claquer la porte depuis
leur retour au pouvoir. C'est tout naturel : l'exercice des
responsabilités se heurte à des réalités volontiers négligées par
l'opposition. A fortiori quand celle-ci
est privée de toute culture de gouvernement, à l'image du Front
national.
N'en déplaise aux esprits romantiques, l'action politique est
loin de se réduire à quelques coups d'éclats annoncés avec fracas. Elle
s'inscrit dans un système – par analogie à la mécanique newtonienne. Un
système où de multiples forces interviennent. Inertie oblige, on n'en
modifie pas l'équilibre d'un claquement de doigts.
Parmi les forces en jeu, il y a les représentations de
l'opinion, avec lesquelles interagissent les discours politiques. En la
matière, les ressorts exploités par le Front national et ses alliés
potentiels sont-ils fondamentalement différents de ceux privilégies par
l'UMP ou le Parti socialiste ? À bien y réfléchir, cela n'est
pas évident.
Prenons quelques exemples : attribuer directement à
l'immigration la responsabilité du chômage, c'est promouvoir la
conception malthusienne de l'emploi à l'œuvre dans la réforme des
35 heures ; promettre aux contribuables de
nationalité française qu'ils seront les bénéficiaires exclusifs des
aides sociales, c'est souscrire aux sollicitations permanentes de
l'État-providence ; fustiger le droit d'ingérence, qui sert de
prétexte aux opérations militaires, c'est encourager la France à sortir
de l'histoire ; enfin, dénoncer la loi du marché, par nature
immuable, c'est entretenir les illusions volontaristes
condamnant le politique à sa déchéance.
À ce titre, appeler à lutter contre la mondialisation, voire
le mondialisme, nous apparaît significatif.
Passer d'un terme à l'autre, c'est laisser entendre qu'un architecte
est à l'œuvre dans la construction du "village global". C'est faire
beaucoup d'honneur à Jacques Attali ! C'est aussi légitimer la
frilosité de la nation confrontée à la nouvelle donne internationale.
Si le PS et l'UMP s'accordent sur un relatif attentisme, alors
leurs détracteurs se livrent, somme toute, à des menées défaitistes.
Ils pourraient louer le génie de la France, parier sur l'inventivité de
son peuple, galvaniser les énergies pour affronter la concurrence des
pays émergents. Mais que nous proposent-ils, sinon de bâtir un bunker
dont les fondations reposeraient vraisemblablement sur du
sable ?
À cette « union des patriotes », la raison
comme les sentiments nous font préférer la mobilisation des ambitions –
fussent-elles mercantiles ! – afin qu'aux quatre coins du
monde soient portées les couleurs de la France.
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La mise en œuvre de la résolution 1973 du CSNUE a donné lieu à
quelques tergiversations sur le rôle de l'Otan. C'est l'objet de notre
seconde chronique diffusée par Radio Fréquence royaliste.
Le 17 mars, à la demande de la France, du Royaume-Uni, des
États-Unis et du Liban, le Conseil de sécurité des Nations Unies a
adopté la résolution 1973 – une résolution censée légitimer l'usage de
la force pour protéger les populations civiles de Libye.
Aussitôt, une controverse est apparue quant à la contribution
de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord. En dépit de
l'activisme déployé par son secrétaire général, le Danois Anders Fogh
Rasmussen, l'Otan est demeurée sur la touche tandis qu'une coalition
internationale entamait ses opérations dans le ciel libyen. Cela
n'était pas pour déplaire au locataire du Quai d'Orsay :
« Les pays arabes ne veulent pas d'une opération sous le
drapeau Otan », a martelé Alain Juppé. Il est vrai que
l'étoile polaire « a mauvaise presse en Afrique et au
Proche-Orient », comme l'a souligné, par exemple, Olivier
Kempf, sur son blog consacré aux Études géopolitiques
européennes et atlantiques (EGEA).
Cela étant, la bannière américaine bénéficie-t-elle d'une
meilleure image ? Bien sûr que non. Or, faute de mobiliser
d'emblée les moyens alliés, il a bien fallu confier la coordination des
opérations à l'oncle Sam. Lequel n'a pas caché son impatience de céder
les rênes. Jean-Dominique Merchet, qui n'a rien d'un atlantiste
patenté, s'est interrogé sur son blog Secret Défense :
« Quelles structures militaires sont capables de commander une
opération multinationale dans la durée ? Soit les Américains,
soit l'Otan d'une manière ou d'une autre », a-t-il répondu.
« La France n'avait pas les outils de coordination éprouvés et
tout le monde avait peur d'un accident », a renchéri
Kardaillac. « On a concédé à Zébulon Ier (autrement
dit, Nicolas Sarkozy) un "conseil politique" des pays combattants où
chacun enverra un sous-fifre pour nous faire plaisir en écoutant
l'oracle », a-t-il écrit sur le forum Vive le Roy.
Allusion au "compromis" en application duquel une coalition d'États
participe désormais au pilotage politique des opérations en partenariat
avec l'Alliance atlantique.
Une telle issue apparaissait assez prévisible. C'est pourquoi
les réticences exprimées par Alain Juppé semblent s'inscrire dans une
certaine tradition gaullienne, en vertu de laquelle la France se
devrait de jouer les empêcheur de tourner en rond, mais sans jamais
envisager sérieusement la rupture du lien transatlantique. C'est un
retour au néo-gaullisme que le président de la République avait mis en
sourdine quelques années durant.
À vrai dire, l'ancien Premier ministre avait annoncé la
couleur dès son retour au gouvernement. Alors qu'il occupait l'Hôtel de
Brienne, Alain Juppé avait proclamé « notre ambition d'édifier
une Europe politique ». Ce serait, selon lui, « un
objectif réaliste », en dépit du constat, qu'il établit
lui-même, selon lequel « l'idée de l'Europe comme pôle
d'influence, sans même parler d'une Europe puissance, n'est pas
partagée par tous ». « C'est essentiellement une idée
française », a-t-il reconnu, « et qui ne fait
d'ailleurs même pas l'unanimité chez nous ».
C'est un énième écho au plan Fouchet... Il s'agit, plus ou
moins, d'appliquer à l'Europe la quête d'une pseudo-grandeur chère au
général de Gaulle. Un vieux fantasme hexagonal dont on mesure l'inanité
à l'heure où Paris et Berlin s'opposent sur la question libyenne.
« On va avoir du travail pour préserver l'unité de
l'UE », a remarqué un diplomate cité par Les Échos.
Et alors ? De toute façon, l'Europe ne parviendrait à parler
d'une seule voix qu'en sortant délibérément de l'histoire.
Si nous avons choisi d'évoquer ici cette posture
néo-gaullienne, c'est parce qu'elle n'est pas sans exercer une certaine
attraction sur les royalistes. En témoigne l'enthousiasme que suscita
Dominique de Villepin bravant l'impérialisme américain à la tribune des
Nations Unies, tandis que se dessinait une nouvelle invasion de l'Irak.
L'arrogance du discours a flatté les sentiments, excité notre fibre
chauvine, mais n'était-ce pas le masque de notre impuissance ?
Dans l'espoir d'influencer les Américains, la nomination d'un Français
a la tête du commandement allié pour la Transformation (en
l'occurrence, le général Abrial) nous semble a priori plus
efficace que ces vaines gesticulations.
On entretient par l'esbroufe l'illusion d'une puissance
perdue, ou l'on espère son retour à la faveur d'une étincelle de
volonté qui, une fois jaillie à la tête de l'État, suffirait à embraser
la planète entière. La méfiance exprimée régulièrement à l'égard d'une
Otan caricaturée ne s'explique pas autrement. À l'entretien du lien
transatlantique, on oppose traditionnellement, et bien naïvement,
l'approfondissement potentiel des relations avec Moscou. Ce faisant, on
feint d'ignorer, par exemple, l'accueil favorable que la presse russe
réserva au retour de la France dans les structures alliées intégrées.
Le réel s'avère complexe, mais les royalistes doivent trouver
le courage de l'affronter s'ils veulent mener à bien l'un des premiers
combats qui se présentent à eux, à savoir, celui de la crédibilité.
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