Eurogendfor devant la chambre basse

1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Débat à l'Assemblée sur la force de gendarmerie européenne.

La commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale a examiné le 23 juin le projet de loi autorisant la ratification d'un traité entre la France, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal, portant création de la force de gendarmerie européenne Eurogendfor. Laquelle s'est choisi l'anglais comme langue de travail, au risque de froisser Jacques Myard... D'autant que « ce n'est la langue d'aucun des États signataires ! » « Nos forces doivent employer le français », a proclamé le député des Yvelines, qui a prétendu « déposer un amendement en ce sens », fût-il irrecevable.

Tandis que Mme Élisabeth Guigou regrettait que cette force se mette en place en marge des institutions de l'Union européenne, le rapporteur Alain Néri a souligné que « le format restreint de la coopération peut aussi être un gage de réactivité et d'efficacité ».

Patrick Labaune s'est interrogé : « Avec le rapprochement entre police et gendarmerie sous l'autorité unique du ministère de l'Intérieur, faut-il comprendre que ce ministère devient compétent pour des opérations extérieures ? » « J'ai l'impression que le mieux serait encore de rattacher cette force au ministère du tourisme ! », a même lancé Patrick Balkany, sceptique. « Il est vrai qu'il ne s'agit que d'un petit pas », a reconnu Axel Poniatowski, le président de la commission des Affaires étrangères. « Néanmoins, lorsque cette force de gendarmerie européenne est intervenue à Haïti après le tremblement de terre, son action dans la lutte contre les pillards a été très utile et appréciée. »

Députés contre eurodéputés

1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Sur fond de rivalité avec leurs homologues européens, les députés français accueillent sans grand enthousiasme la création d'un Service européen pour l'Action extérieure (SEAE). Aperçu des discussions en commission.

Réunis le 17 juin, les représentants du "triangle institutionnel" européen (Conseil des ministres, Commission et Parlement) sont convenus d'un accord ouvrant la voie à la création du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE).

Satisfecit fédéraliste

L'eurodéputé belge Guy Verhofstadt, chantre d'une Europe plus fédérale, a exprimé sa satisfaction : « Il y avait initialement, avant l'intervention du Parlement européen, un petit service de type intergouvernemental. Mais nous avons réussi à changer la philosophie du service », a-t-il proclamé (Toute l'Europe, 23/06/10). Mme Catherine Ashton, Haut Représentant de l'UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, a assuré aux parlementaires qu'ils bénéficieraient, sur le budget propre du service, d'un droit de regard équivalent à celui dont ils disposent à l'égard de la Commission. Les députés devront « être informés à l'avance des décisions stratégiques et politiques », nous apprend Euractiv (23/06/2010).

Quelques jours plus tôt, emboîtant le pas au Sénat, la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale avait dénoncé le chantage exercé par le Parlement européen. Hervé de Charette fut le seul à fustiger « l'hostilité traditionnelle » de la France à son encontre, tandis que ses collègues examinaient un rapport présenté par Nicole Ameline et Gaëtan Gorce. Lesquels n'ont pas mâché leurs mots : « À aucun moment il n'a été question, ni dans la lettre ni dans l'esprit du Traité [de Lisbonne], de modifier dès aujourd'hui, dans le champ de l'action extérieure, les pouvoirs du Parlement européen, ni de permettre à ce dernier de s'immiscer dans le dialogue entre la Commission et les États membres quant à la décision fixant l'organisation et le fonctionnement du SEAE. Or les députés européens ont, sitôt consultés conformément au Traité, entendu peser sur la configuration même du SEAE en "prenant en otage" – osons l'expression – la décision du Conseil » – autrement dit, les gouvernements. Et d'ajouter « qu'il serait fallacieux de prétendre que l'on crée, avec le SEAE, une situation dans laquelle le Parlement européen serait seul en mesure d'exercer un contrôle démocratique que les parlements nationaux n'exerceraient plus à leur échelle : nous ne sommes pas dans un cas de transfert de compétences des États membres vers l'Union européenne ».

En effet, comme l'a relevé Élisabeth Guigou, l'innovation tient à « la capacité d'unifier la direction de l'action extérieure de l'Union », jusqu'alors scindée entre deux piliers, communautaire (Commission) et intergouvernemental (Conseil des ministres). Ainsi est-il possible, selon les rapporteurs,  « d'imaginer une nouvelle opération [navale] en Somalie et au Yémen, qui mêlerait contrôle de la piraterie avec déploiement de troupes, reconstruction de l'État somalien, assorti d'une aide au développement et d'assistance sous forme d'ingénierie administrative... soit toute la palette des instruments placés sous la responsabilité politique de Mme Catherine Ashton – les modalités de mise en œuvre concrète, budgétaire en particulier, différant toutefois. »

Euroscepticisme

Les parlementaires français n'en ont pas moins exprimé un certain scepticisme quant aux perspectives ouvertes par l'institution du "service diplomatique européen". Hervé de Charette s'est dit « très surpris par les chiffres avancés » : « Doter ce nouveau service de 8 000 personnels alors que tous nos ministères rencontrent des difficultés pour conserver leurs effectifs me paraît étonnant. Le ministère français des Affaires étrangères compte entre 12 et 13 000 personnels tout compris : avons-nous besoin d'en créer un second sans compétence bien définie ? » « Ce processus ne doit pas conduire à l'affaiblissement de la diplomatie française », a prévenu Robert Lecou. D'autant qu'« il n'y a pas de diplomatie européenne » – ce qu'a confirmé Jean-Claude Guibal : « Les représentants de l'Union européenne que j'ai rencontrés à l'étranger se contentaient de distribuer des crédits et de faire un peu de coordination. Le nouveau service ne change rien à cela. » De toute façon, a conclu Jean-Michel Boucheron, « personne ne souhaite réellement que ce projet aboutisse. Aucun État n'est prêt à se dessaisir de sa politique étrangère et c'est heureux. »

Deux thèses en présence

Les rapporteurs sont-ils du même avis ? « Les capitales des États membres, et en particulier des grands États, continueront probablement à jouer un rôle incontournable », ont-ils écrit. « Symétriquement, l'Union risque fort de parvenir pendant encore un certain temps à "se taire d'une seule voix" – comme, hélas, encore tout récemment à propos de l'arraisonnement en haute mer d'une flottille qui voguait vers la bande de Gaza. » De fait, « l'Union européenne n'a jamais été aussi visible sur la scène internationale que dans sa réaction aux crises survenues au cours de la présidence française du deuxième semestre de 2008... sous le régime du traité de Nice ! » Preuve, selon eux, que « la clef du succès de la future diplomatie européenne sera la capacité des grandes capitales à faire converger leurs approches ».

Se distinguant par un relatif optimisme, Marie-Louise Fort s'est demandé « si le nouveau service européen ne renforcera pas, finalement, la voix des États européens dans le monde ». « Deux lectures sont possibles en effet », selon Gaëtan Gorce : « On peut certes voir dans l'avènement de ce nouveau service un risque d'affaiblissement de notre diplomatie ; on peut aussi le considérer comme un renforcement de la capacité de faire prendre en compte nos préoccupations au sein de l'Union européenne. » Quoi qu'il en soit, les députés participant au débat ont témoigné d'un relatif réalisme dont on les imaginait peu coutumiers. Sans doute y ont-ils été poussés par leurs homologues "européens" convoitant leurs prérogatives institutionnelles.

Rébellion parlementaire

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le Parlement européen poursuit sa montée en puissance, par l'entremise du chantage et d'une communication douteuse.

L'immixtion du Parlement européen dans la constitution du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE) suscite l'inquiétude de Pierre Lellouche, le secrétaire d'État en charge des Affaires européennes. « Soyons sérieux ! », a-t-il lancé à notre confrère Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles 2, 06/06/2010). « La politique étrangère, ce sont les nations, avant tout. Ce ne sont pas les commissaires européens ni le Parlement européen qui vont décider d'aller faire tuer des soldats. Si le Service extérieur doit être pris en otage par des gens comme çà, cela pose problème. »  

Loin d'en démordre, l'assemblée européenne prétend agir avec la bénédiction des parlements nationaux. Selon un communiqué diffusé le 31 mai, leurs représentants, venus débattre à Bruxelles, auraient « dans leur grande majorité soutenu la vision des rapporteurs du Parlement européen, Elmar Brok (PPE, DE) et Guy Verhofstadt (ADLE, BE) [qui] prônent [...] le rattachement du service à la Commission européenne en terme budgétaire ». Or, dix jours plus tôt, le Sénat français avait adopté une résolution réclamant, au contraire, que le SEAE soit « un organe sui generis de l'Union européenne, équidistant de la Commission européenne et du Conseil et disposant d'une complète autonomie en matière budgétaire et en termes de gestion des ressources humaines ». Voilà qui jette un certain discrédit sur la communication du Parlement européen...

Fort des pouvoirs budgétaires que lui confère le traité de Lisbonne, celui-ci multiplie les chantages afin de renforcer la dimension fédérale de l'Union. Fustigeant le caractère intergouvernemental de la nouvelle stratégie européenne pour la croissance et l'emploi, le Belge Guy Verhofstadt – encore lui – a ainsi menacé d'en bloquer le financement (Euractiv, 06/06/2010). Enfin, en juillet prochain, les eurodéputés seront appelés à approuver un accord sur le transfert de données bancaires vers les États-Unis, dont ils avaient rejeté la première mouture contre l'avis des gouvernements. Un scénario qui pourrait bien se reproduire, au risque de compromettre la crédibilité internationale de l'Union, déjà fragilisée outre-Atlantique.

Fédéralisme budgétaire

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'intégration européenne sera-t-elle relancée à la faveur de la crise ? Le président de la BCE réclame une « fédération budgétaire »... Mais les mots n'ont pas le même sens pour tout le monde.

Lundi 7 juin, les ministres de l'Eurogroupe ont entériné le mécanisme européen de stabilisation financière. Un gage donné aux marchés, dont la confiance ne sera toutefois rétablie que par un assainissent durable des finances publiques... Le lendemain, le Conseil a donné son feu vert à l'adoption de la monnaie unique par l'Estonie, qui deviendra vraisemblablement, le 1er janvier prochain, le dix-septième pays de la zone euro.

La livre dans la tourmente

Tandis que Nicolas Dupont-Aignan appelle à sortir de l'euro « avant qu'il ne soit trop tard », cette perspective peut apparaître surréaliste. Mais si les écarts de compétitivité menacent effectivement la monnaie unique, qui prive en outre les États de l'instrument de dévaluation, celle-ci n'est pas responsable du laisser-aller budgétaire expliquant la crise des dettes souveraines... En témoigne la situation du Royaume-Uni, dont la livre sterling ne saurait masquer un déficit public« gigantesque », ainsi que l'a qualifié Fitch. L'agence de notation a souligné le 8 juin « que l'augmentation du ratio de la dette dans le pays depuis 2008 "est plus rapide que dans aucun des autres pays notés AAA" (de 52 % en 2008 à 70 % en 2010 et 87 % attendu en 2011) à cause d'un déficit public (11,1 % du PIB) qui est environ "deux fois plus élevé qu'au cours des précédents épisodes de détérioration budgétaire dans les années 1970 et début 1990". Autant dire que "l'ajustement souhaitable (sera) parmi les plus élevés des pays avancés". » (Coulisses de Bruxelles, 09/06/2010)

Interrogé par Stéphane Lauer, Frédéric Lemaître et Marie de Vergès, Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, a pointé en premier lieu « les responsabilités propres à chacun des pays concernés » (Le Monde, 01/06/2010) « Mais il y a aussi une vraie responsabilité collégiale. La surveillance multilatérale, attentive, qui est fondamentale dans la lettre et dans l'esprit du Pacte de stabilité et de croissance, a été terriblement négligée. » Aussi « la surveillance des politiques budgétaires, des évolutions de la compétitivité des économies de la zone euro et des réformes structurelles » devrait-elle « être radicalement améliorée ». « Nous sommes une fédération monétaire », a poursuivi M. Trichet. « Nous avons maintenant besoin d'avoir l'équivalent d'une fédération budgétaire en termes de contrôle et de surveillance de l'application des politiques en matière de finance publique. »

Surveillance multilatérale ou solidarité ?

Alain Lamassoure, député français au Parlement européen, a suggéré la mise en commun de certaines "lignes budgétaires", « dans des domaines où des dépenses communes seraient plus efficaces » selon le résumé d'Euractiv (09/06/2010). « Sans s'ajouter au budget européen, ces fonds seraient mutualisés dans une structure ad hoc. Selon Alain Lamassoure, François Fillon a évoqué la possibilité d'appliquer un tel système "à certaines technologies critiques en matière de défense et de recherche". »

Ce projet relève, lui aussi, d'une approche fédéraliste. Mais « les mots n'ont pas le même sens pour tout le monde », a prévenu Alain Madelin (BFM radio, 08/06/2010). En effet, Jean-Claude Trichet prône une surveillance mutuelle, mais non « un fédéralisme de solidarité » qui supposerait, in fine, « que les Grecs dépensent et que l'Allemagne paie ». Galvanisés par la création du Fonds européen de stabilité financière, dont ils exagèrent la portée, « quelques eurolâtres » veulent y croire. Selon le député belge Guy Verhofstadt, président du groupe ADLE au Parlement européen, « seule la méthode communautaire peut apporter des solutions adaptées à l'actuelle crise économique, en créant une plus forte intégration européenne », affirme Euractiv (06/06/2010). Or, rétorque l'ancien ministre de l'Économie, « l'hyper-intégration » apparait « totalement inapplicable à l'Europe », où la mobilité des hommes et des capitaux est sans commune mesure avec celle pratiquée aux États-Unis.

De même, le « gouvernement économique » défendu par la France n'est rien d'autre qu'un gadget sémantique. Réunis à Berlin à quelques jours du sommet européen des 17 et 18 juin, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont appelé à renforcer le Pacte de stabilité, esquissant déjà une nouvelle révision des traités... L'UE pourra certes distribuer bons points et avertissements, mais il appartient aux responsables nationaux d'assumer – enfin – leurs responsabilités.

Sémantique européiste (2)

10 mai 2010

La France offre une promotion à Herman Van Rompuy.

Les politiques ont-ils été contaminés par les journalistes ? Encouragés par le mimétisme ou l'idéologie, nos confrères ont souvent promu Herman Van Rompuy « président de l'Union européenne » – alors qu'il préside seulement le Conseil européen des chefs d'État ou de gouvernement, dont il convoque les réunions et anime les débats.

Or, ce glissement sémantique vient d'apparaître dans un document officiel, vraisemblablement à la faveur d'une erreur de traduction. En effet, la déclaration des chefs d'État ou de gouvernement de la zone euro du 7 mai mentionne l'intervention « du président européen ». Du moins dans sa version française, car, dans la langue de Shakespeare, il est bien question, au même paragraphe, du « président du Conseil européen ».

On s'étonne que ce détail ait échappé à la sagacité des juristes et autres diplomates francophones. Gageons que leur négligence ne sera pas du goût de MM. Barroso et  Zapatero, candidats eux aussi à la "présidence" de l'UE.

Souverainisme au Sénat

10 mai 2010

La mise en place du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE) alimente les rivalités institutionnelles. La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées de la chambre haute n'y est pas insensible.

En son nom, Josselin de Rohan a présenté une proposition de résolution enregistrée à la présidence du Sénat le 5 mai 2010.

Le texte rappelle que la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) « demeure une politique de nature intergouvernementale ». Il stipule que « le Parlement européen ne dispose d'aucune légitimité pour exercer un contrôle d'opportunité sur l'action du Service européen pour l'action extérieure et pour se prononcer sur la désignation des chefs de délégation ou des représentants spéciaux de l'Union européenne ». En conséquence, il affirme que le SEAE « doit être un organe sui generis de l'Union européenne, équidistant de la Commission européenne et du Conseil, et disposant d'une complète autonomie en matière budgétaire et en termes de gestion des ressources humaines ».

Naturellement, la proposition de résolution juge « indispensable que les parlements nationaux puissent entretenir des relations étroites » avec le Service. Elle affirme, en outre, que la place du français doit y être garantie.

Reste à soumettre ce texte à l'ensemble des sénateurs. En espérant que ceux-ci remonteront les bretelles de leurs collègues siégeant au Parlement européen, à défaut d'appeler à sa dissolution.

Lutte d'influence en Europe

6 mai 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le création du Service européen pour l'Action extérieure suscite des tensions au cœur du triangle institutionnel européen. Après s'être accordés entre eux, les gouvernements doivent compter avec le Parlement et la Commission...

Réunis en Conseil des ministres le 26 avril, les Vingt-sept ont dégagé une « orientation politique » sur un projet de décision instituant le Service européen pour l'Action extérieure (SEAE) – une innovation majeure du traité de Lisbonne.

La "parité" pour les ambassadeurs

« Cela n'a pas été facile », selon le témoignage du ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Ángel Moratinos, qui présidait la réunion. Celui-ci a confirmé la volonté des gouvernements de prendre en compte les équilibres géographiques, mais aussi l'égalité des sexes dans la nomination des chefs de délégation de l'UE. Cela rendra les désignations d'autant plus complexes... Les ministres sont également convenus d'un compromis, vraisemblablement entre "grands" et "petits" États, « permettant aux délégations communautaires d'offrir un service consulaire dans certaines limites et dans la mesure où ces services ne supposent pas de frais budgétaires supplémentaires ».

Cet accord informel ouvre la voie à la conclusion d'un arrangement entre les principales institutions de l'UE. En effet, l'organisation et le fonctionnement du SEAE sont fixées par le Conseil des ministres, qui statue sur proposition du Haut Représentant après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission. Confrontée aux foudres des députés, Mme Catherine Ashton avait révisé son projet d'organigramme, en substituant au secrétaire général trois responsables placés, sous son autorité, sur un pied d'égalité. Cela suffira-t-il à satisfaire les parlementaires, qui partagent désormais avec le Conseil le pouvoir budgétaire ?

Les présidents des principaux groupes politiques ont confirmé qu'ils conditionneraient l'approbation du budget du Service et de sa dotation en personnel à celle des projets de composition définitifs. Parmi les instigateurs de ce chantage figure l'UMP Joseph Daul. Preuve que, dans le cas présent, le tropisme fédéraliste inhérent au statut de parlementaire européen éclipse les allégeances partisanes. « Le Parlement tient particulièrement à ce que le SEAE soit un instrument entièrement européen et non un instrument intergouvernemental », souligne un communiqué.

Utopie fédéraliste

Le député Alain Lamassoure, président de la commission des budgets, ne veut pas d'un vingt-huitième service diplomatique s'ajoutant aux services des États membres. « Notre objectif doit être de remplacer les vingt-sept autres services pour, d'ici vingt-trente ans, n'avoir qu'un seul service extérieur », a-t-il proclamé au cours d'un débat parlementaire.

Dans un entretien accordé à la fondation Robert Schuman (03/05/2010), Philippe Étienne, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, dessine aux antipodes les contours du SEAE : « Il ne se substituera pas aux diplomaties nationales mais prendra en charge les tâches de la présidence tournante au titre de la Politique étrangère et de sécurité commune et permettra de développer une culture diplomatique commune en rassemblant en son sein des personnels venus des institutions européennes et des administrations nationales. » Michel Foucher, directeur de la formation à l'IHEDN, critique ouvertement l'attitude des parlementaires : « Ceci risque de retarder l'entrée en fonction du Service, qui ne devrait sans doute pas arriver avant l'automne », a-t-il confié à notre confrère Marek Kubista (Euractiv, 28/04/2010) « Le Parlement commet une erreur en estimant que des politiques communes pourraient être bâties en court-circuitant les États. C'est l'inverse : il faut faire converger des politiques nationales pour édifier des lignes de force d'intérêt collectif européen. [...] Je ne crois pas du tout qu'à Pékin, Washington ou Moscou, la vieille diplomatie soit complètement obsolète, bien au contraire. Les positions communes européennes ne peuvent exister que si les États, et particulièrement les grands, l'élaborent à partir de leurs positions nationales. »

Barroso en embuscade

Dans les coulisses, les gouvernements devront compter, également, avec la Commission. C'est avec Catherine Day, son secrétaire général, que les discussions auraient été les plus difficiles jusqu'à maintenant, si l'on en croit un diplomate cité par Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles 2, 30/04/2010).

José Manuel Barroso entendrait se réserver certaines prérogatives. D'ailleurs, il manifesterait peu d'égards envers le Haut Représentant, par ailleurs vice-président de la Commission, et placé en tant que tel sous son autorité. « Ce sentiment se reflète dans le partage des tâches au quotidien », révèle notre confrère : « À la Haute Représentante [sic] de recevoir les ministres des affaires étrangères, au président de la Commission d'entretenir des relations avec les Premiers ministres ou présidents. Une sorte de répartition naturelle qui n'avait pas cours avec le premier Haut Représentant, Javier Solana ayant pris l'habitude de recevoir qui il voulait... et, surtout, de téléphoner à qui il voulait. » Dans ce contexte, le Daily Telegraph annonce la démission prochaine de Mme Ashton. De fait, tiraillée entre plusieurs institutions, elles se trouve dans une position délicate, plongée au cœur de rivalités dont les différends idéologiques ne sont visiblement qu'un paravent.

Vers un gouvernement économique européen ?

6 mai 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Par-delà la sémantique...

À l'issue d'une rencontre avec le président de la Commission européenne, le chef de l'État  a proclamé son accord avec Jose Manuel Barroso sur « l'importance d'une stratégie économique européenne ambitieuse basée sur un véritable gouvernement économique ». L'expression se substitue peu à peu à celle de « gouvernance économique » dans la bouche des élites européennes – même en Allemagne ! Sans doute pour flatter des opinions publiques appréciant sa connotation plus politique, tout particulièrement en cette période de crise.

S'inspirant, plus ou moins, d'une proposition formulée par Édouard Balladur en février dernier, le Finlandais Olli Rehn, commissaire européen en charge des Affaires économiques et monétaires, a envisagé de « soumettre les projets budgétaires nationaux à un mécanisme de révision par les pairs », selon le résumé de Madrid. Yves Daoudal, par exemple, a dénoncé « une nouvelle trouvaille de la dictature européenne ». Après avoir présidé les travaux menés avec ses homologues le 17 avril, le ministre espagnol de l'Économie, Mme Elena Salgado, a assuré que Bruxelles ne se substituerait pas aux autorités nationales : « Il est hors de question [...] de voter (les budgets) dans des organes différents des parlements nationaux », a-t-elle déclaré. Selon M. Rehn, il s'agirait en fait de créer un « semestre européen pour la conception de politiques économiques », entre janvier et juillet. Ainsi Bruxelles serait-il informé dès le printemps, pour l'année suivante, des grandes lignes des budgets de chaque État membre.

Quoi qu'il en soit, en l'absence d'une convergence politique, alors que Paris privilégie la consommation tandis que Berlin promeut ses exportations, on voit mal comment pourrait émerger, à court terme, un véritable "gouvernement" économique. Mais peut-être quelques artifices européens aideront-ils les gouvernements (évidemment nationaux, c'est presque un pléonasme...)  à s'émanciper de la pression des urnes : ainsi pourraient-ils imputer à Bruxelles la responsabilité d'une rigueur budgétaire impopulaire qu'ils n'ont pas le courage d'assumer.

Les Tories et la Défense

6 mai 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Les circonstances encouragent le renforcement de la coopération franco-britannique en matière de défense. Outre-Manche, les conservateurs y seraient même très favorables. En premier lieu dans le domaine nucléaire.

Les Britanniques étaient appelés aux urnes le jeudi 6 mai. À quelques jours du scrutin, les conservateurs semblaient toujours en passe de l'emporter. Une victoire de David Cameron, eurosceptique notoire, affectera peut-être la marche de l'UE... La défense est un autre terrain ouvert à la prospective. Le 21 avril, Malcolm Rifkind a exposé les conceptions des Tories en la matière. Notre confrère Nicolas Gros-Verheyde a rapporté les grandes lignes de son intervention dès le lendemain.

Avec la France

Aux yeux des conservateurs, le terrorisme serait, sans surprise, la première menace pesant sur le Royaume-Uni. Mais garantir la liberté du commerce serait une autre préoccupation essentielle. Sir Rifkind exclut de réduire le budget de la défense britannique. Toutefois, son parti entend s'attaquer « aux coûts opérationnels du ministère », qui seraient supérieurs de 20 % environ à ceux observés dans les pays comparables, comme la France et l'Allemagne.

Il juge les coopérations bilatérales importantes « non seulement pour des raisons politiques mais pour résoudre les coûts ». « Le mot coopération européenne peut provoquer des réactions émotionnelles chez certains d'entre nous », a-t-il reconnu. Les coopérations lui sembleraient néanmoins utiles et nécessaires, « particulièrement avec la France ». Outre la passation de marchés, la dissuasion nucléaire pourrait faire l'objet d'une collaboration entre Londres et Paris. En effet, souligne Malcolm Rifkind, « nous sommes les seuls au niveau européen (avec la Russie) à avoir l'arme nucléaire. Nous sommes proches. Et nous ne constituons pas une menace (envers l'autre). »

Coopération nucléaire

En mars dernier, le Guardian avait prêté à la France la volonté de partager les patrouilles sous-marines avec son allié. Proposition a priori irréaliste, choquante à certains égards. Cela dit, dès lors qu'on juge inexistantes les menaces nécessitant d'agiter à moyen terme l'épouvantail atomique, on pourra donner la priorité au maintien du savoir-faire, quitte à sacrifier la permanence à la mer... Pour l'heure, en tout cas, « les marins français n'ont toujours pas le droit de pénétrer dans la partie arrière des SNLE [sous marins nucléaires lanceurs d'engins] de la Royal Navy, là où sont les missiles Trident américains ». Comme le rappelait Jean-Dominique Merchet le 26 avril, la relation "spéciale" unissant Albion à Washington ne va pas sans une certaine exclusivité...

Néanmoins, poursuit notre confrère, « on se parle » d'un côté et l'autre de la Manche. Cela afin de dissiper le risque d'une nouvelle collision entre deux sous-marins. Et sans doute, plus discrètement, pour préparer le renouvellement des SNLE à l'horizon 2030. De façon plus confidentielle encore, une coopération sur les têtes nucléaires ne serait pas exclue – « en particulier grâce aux moyens français de simulation ». Sans doute Paris a-t-il une carte à jouer.

SEAE : un appel au bon sens

29 avril 2010

Tandis que les Vingt-Sept prétendent s'être accordés sur les fondations du Service européen pour l'Action extérieure, Michel Foucher fustige la pression exercée par le Parlement européen afin de le soustraire à l'influence des États.

« Ceci risque de retarder l'entrée en fonction du Service, qui ne devrait sans doute pas arriver avant l'automne », a-t-il confié à notre confrère Marek Kubista. « Le Parlement commet une erreur en estimant que des politiques communes pourraient être bâties en court-circuitant les États. C'est l'inverse : il faut faire converger des politiques nationales pour édifier des lignes de force d'intérêt collectif européen. [...] Je ne crois pas du tout qu'à Pékin, Washington ou Moscou, la vieille diplomatie soit complètement obsolète, bien au contraire. Les positions communes européennes ne peuvent exister que si les États, et particulièrement les grands, l'élaborent à partir de leurs positions nationales. »

Preuve que le bon sens n'est pas étranger à nos élites, dont les souverainistes stigmatisent trop hâtivement l'européisme. Michel Foucher, que nous découvrons à cette occasion, dirige notamment la formation à l'IHEDN. Entre 1998 et 2002, si l'on en croit la biographie que lui consacre Wikipedia, il fut conseiller en charge des affaires politico-stratégiques au cabinet d'Hubert Védrine – un chantre du "réalisme" alors ministre des Affaires étrangères, parfois taxé d'euroscepticisme. Mais cela n'empêche pas M. Foucher de codiriger par ailleurs le rapport Schuman sur l'état de l'Union !