3 mars 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Critique du mécanisme de "solidarité" européenne.
Le nouveau gouvernement irlandais, issu des élections
législatives du 25 février, devrait renégocier les conditions
du soutien financier proposé à l'Eire par l'Union européenne et le FMI.
En cause, notamment : l'ampleur des taux d'intérêt associés
aux prêts.
Outre l'opinion publique allemande, des économistes libéraux
jugeaient déjà la solidarité européenne déplacée. Tel Guillaume
Vuillemey, chercheur associé à l'Institut Turgot, pour qui
« le défaut de paiement d'un État joue un rôle économique
essentiel. Non seulement il est une sanction pour ceux qui ont mal
utilisé des ressources, mais aussi pour ceux qui ont apporté des
capitaux sans prendre suffisamment de précautions. » De son
point de vue, « créer un fonds européen pour se prémunir contre tout
défaut d'un État supprime une discipline essentielle. [...] Le risque
est collectivisé et la responsabilité individuelle diluée. [...] Quant
au problème de fond [...] il n'est pas réglé, seulement transféré à un
niveau plus élevé... »
Bruno Gollnisch serait-il du même avis ? Intervenant
devant le Parlement européen le 15 février, il a critiqué la
pérennisation du Fonds européen de stabilité financière. En effet,
s'est-il demandé, « qu'est-ce que ce fonds, sinon la
possibilité de créer une dette européenne, assumée finalement par des
États déjà surendettés et qui pourraient se voir dans l'obligation de
la rembourser avant de rembourser leurs propres dettes ? C'est
en quelque sorte la politique financière du sapeur Camember, ce soldat,
objet d'un livre humoristique en France, qui se voit ordonner de
boucher le trou dans la cour de la caserne et qui, pour le boucher, en
crée un autre aussitôt à côté. »
Dans ces conditions, on comprend que la tension perdure sur
les marchés financiers.
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23 février 2011
Réagissant à des propositions, sinon radicales, du moins
provocatrices, le blog de l'Action française a traité avec désinvolture
le remboursement de la dette publique. C'est l'occasion d'insuffler un
peu de polémique dans le microcosme royaliste ! 😉
Michel de Poncins n'est pas le meilleur inspirateur de
l'Action française. Faute de le connaître suffisamment, nous nous
garderons de prendre sa défense. En revanche, nous discuterons avec ses
détracteurs, qui l'ont affublé de l'étiquette infamante
d'« ultra-libéral ». Un qualificatif impossible à
définir, mais qui fait recette dans un pays où le désintérêt pour
l'économie est manifeste.
En la matière, les royalistes se complaisent dans un
conformisme peu responsable. D'ailleurs, bien qu'ils prétendent avoir
pénétré « le subconscient de Nicolas Sarkozy », ils
entretiennent, par leur dédain des questions financières, les poncifs
sur lesquels celui-ci surfe à l'envie. Témoin, dernièrement, la
stigmatisation de la « spéculation » : le
chef de l'État a pu l'accuser d'avoir provoqué les émeutes de la faim
sans craindre de déclencher l'hilarité générale, c'est dire la
crédulité de l'opinion publique ! Ce faisant, donc, nos
camarades confortent les préjugés, ici fondés, selon lesquels ils
n'auraient pas les pieds sur terre, tout en négligeant la
« défense de l'héritage ». C'est d'autant plus
regrettable que la dette abyssale contractée par la République leur
fournirait une illustration flagrante de l'incurie d'un régime condamné
au sauve-qui-peut.
En effet, c'est de la dette qu'il s'agit, Michel de Poncins
ayant avancé l'idée saugrenue de financer son remboursement par la
dilapidation du patrimoine public. « La dette l'empêche de
dormir » commente, avec ironie, le blog de l'AF.
« Grand bien lui fasse ! » L'enjeu est
certes anecdotique : la charge de la dette, c'est-à-dire le
remboursement des seuls intérêts, ne représente encore que le deuxième
poste budgétaire de l'État ; en outre, étant donné l'ampleur
des déficits accumulés en Europe, au Japon et aux États-Unis, c'est,
tout au plus, l'économie de la planète entière qui se trouve menacée.
Pourquoi s'inquiéter ? On n'est même plus en mesure d'assurer
que nos enfants paieront !
Dans ces conditions, « satisfaire la finance
internationale », comme disent nos petits camarades, cela
consiste à tempérer la pression des (nouveaux) créanciers, voire à s'en
émanciper peu à peu – autrement dit, conférer à l'État quelque marge de
manœuvre. N'est-ce pas l'objectif qu'ils prétendent plus ou moins
assigner à la puissance publique – dont ils défendaient
traditionnellement l'indépendance –, tout en réprouvant les moyens d'y
parvenir ? Peut-être nous objecteront-ils une alternative,
agitant l'exemple du quantitative easing
américain, à moins d'appeler carrément à la banqueroute, dans l'espoir
qu'un monde meilleur émergera du chaos... Ce ne sera jamais que le
paravent d'une revendication portant sur des valeurs, suivant l'échelle
desquelles le patrimoine mérite – naturellement ! – une
considération tout autre que des titres obligataires. Reste qu'en
transposant sur le plan politique une hiérarchie somme toute morale, on
se fourvoie dans le romantisme... Que reste-t-il du "politique d'abord"
dans notre vieille maison ?
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17 février 2011
Dénonçant la volatilité des prix, le président de la
République prétend renforcer la "gouvernance mondiale". Démagogie et
réalisme rendront cet effet d'annonce difficile à concrétiser.
Ce vendredi 18 janvier, à 18 heures, le
président de la République devait prendre la parole devant les
ministres des Finances du G20 réunis au palais de l'Élysée. Soucieux,
apparemment, de donner une nouvelle impulsion à la "gouvernance
mondiale", Nicolas Sarkozy aura sans doute réaffirmé sa volonté de
s'attaquer aux marchés des matières premières. Une fois n'est pas
coutume, les débats internationaux feront directement écho au quotidien
du citoyen lambda : aux Galeries Lafayette, par exemple, les
prix pourraient augmenter de 15 % en raison de la hausse du
coton.
Un pic historique
Plus préoccupant encore, les prix alimentaires mondiaux ont
atteint un nouveau pic historique en janvier, pour le septième fois
consécutive, selon la FAO dont l'indice mensuel est établi depuis 1990.
En cause, notamment : les conditions climatiques ayant affecté
la Russie, l'Australie ou la Chine. Mais aussi, selon Nicolas Sarkozy,
la spéculation, qu'il feint de croire responsable des émeutes de la
faim survenues en 2008. Dans le collimateur du chef de l'État figurent
les "marchés à terme". Des marchés dont l'interdiction en France, par
le Front populaire, ne fut levée qu'en 1993 ! On y échange des
"futures" ou contrats à terme : « des engagements entre
acheteurs et vendeurs comportant un prix "ferme et définitif" pour un
paiement et une livraison à une échéance précisée et différée et dont
les contenus (spécificités des sous-jacents concernés) sont
standardisés », expliquent Jean-Pierre Jouyet, Christian de
Boissieu et Serge Guillon dans un rapport d'étape. Ces
marchés, reconnaissent-ils, « s'éloignent des préoccupations
de l'économie réelle, même si les fondamentaux physiques demeurent des
déterminants majeurs de leurs comportements. [...] Mais le premier
objectif de ces marchés est de permettre à des opérateurs sur les
marchés physiques de se couvrir à l'égard d'un risque de fluctuation
des prix. »
De fait, le "volontarisme" présidentiel pointe un problème
vieux comme le monde. « Le blé a toujours été le personnage
dominant de notre passé », écrivait Fernand Braudel, dont la
citation est mise en exergue par les rapporteurs... À leurs yeux, la
récurrence des crises agricoles souligne le caractère structurel de la
volatilité des prix. « Le blé en est un excellent exemple. En
retenant la volatilité exprimée par le rapport entre le prix moyen au
producteur du blé de l'année n et celui de l'année n-1 sur le prix du
blé au producteur en valeur réelle, plusieurs périodes de crises
apparaissent : grande volatilité entre 1920 et 1936, crise de
1936-1937, pics exceptionnels à la hausse et à la baisse (supérieurs à
2007-2008), volatilité importante entre 1940 et 1962, crise de 1967,
fluctuation exceptionnelle de 1974, crise de 1992... »
Quand Moscou joue les spéculateurs...
Un ancien ministre de l'Économie, Alain Madelin, a soutenu
dans La Tribune (31/01/2010) que
« la même volatilité existe sur les marchés les plus
financiarisés comme le pétrole ou le blé et sur ceux qui sont restés le
plus physiques comme le riz ou l'acier ». D'où sa mise en
garde : « Il ne faudrait pas qu'à trop se focaliser
sur les marchés financiers, on néglige les mesures concrètes qui
peuvent permettre d'améliorer la situation et qui – marché par marché –
consistent le plus souvent à faciliter l'investissement, désentraver
les échanges, perfectionner la régulation et la transparence des
stocks. » En outre, si elle renonce définitivement aux prix
administrés, l'Union européenne devrait développer ses propres marchés.
En effet, remarquent Jean-Pierre Jouyet, Christian de Boissieu et Serge
Guillon, « les variétés et standards développés sur les
bourses américaines ne correspondent pas aux variétés et standards des
matières premières produites ou consommées en Europe. Par conséquent,
les marchés américains ne proposent pas des produits permettant une
couverture optimale du risque prix aux opérateurs européens, qui
gagneraient à l'émergence de marchés de matières premières agricoles
européens aussi liquides que leurs homologues
d'outre-Atlantique. »
La "gouvernance mondiale" se heurte donc à la démagogie.
Naturellement, elle doit compter également avec la résistance des
États. Afin de suivre le niveau des stocks, « une
base de données serait une très bonne chose », estime Johanne
Buba, co-auteur d'une note du Centre d'analyse stratégique (Euractiv,
03/02/2011). Mais « sur les productions agricoles, il est très
délicat d'avoir des données précises », affirme-t-elle.
« La Chine, par exemple, pourtant l'un des plus grands
producteurs mondiaux de blé, a pour habitude de ne rien dire de ses
réserves. » Enfin, quitte à vilipender les spéculateurs, on
vouera Moscou aux gémonies : anticipant de mauvaises récoltes,
il avait décrété un embargo sur les exportations de blé russe le
15 aout dernier, contribuant à la flambée des cours... En
dépit des beaux discours, les intérêts nationaux continuent de
gouverner le monde.
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10 février 2011
Critique implicite du volontarisme sarkozien.
Faisant écho à
nos interrogations, Alain Madelin a signé, fin janvier, un
« plaidoyer pour les spéculateurs », dont
nous venons de découvrir la teneur. Tordant le cou aux préjugés
entretenus par le président de la République, il martèle que
« c'est le rapport réel entre l'offre et la demande qui
commande l'essentiel des fortes variations de prix » des
matières premières. D'ailleurs, affirme-t-il, il serait « facile
d'observer que la même volatilité existe sur les marchés les plus
financiarisés comme le pétrole ou le blé et sur ceux qui sont restés le
plus physiques comme le riz ou l'acier ».
Nos lectures ne manqueront pas de nous attirer, une fois de
plus, les foudres des tenants d'un anti-libéralisme économique
primaire. Mais ceux-ci ne prétendent-ils pas restaurer la puissance de
l'État ? Le cas échéant, ils devraient porter un peu
d'attention à la conclusion de l'ancien ministre de
l'Économie, qui n'est pas sans rejoindre leurs
préoccupations : « Il ne faudrait pas qu'à trop se
focaliser sur les marchés financiers, on néglige les mesures concrètes
qui peuvent permettre d'améliorer la situation et qui - marché
par marché - consistent le plus souvent à faciliter
l'investissement, désentraver les échanges, perfectionner la régulation
et la transparence des stocks. » Autrement dit « à
refuser la pédagogie de la complexité, l'opinion fera une nouvelle fois
le constat simpliste de l'impuissance de la médecine
publique ». C'est tout le contraire que requiert la
reconstruction du politique !
Ces jours-ci, on s'étripe, paraît-il,
sur le contenu des nouveaux programmes de sciences économiques et
sociales. Puissent-ils insuffler un minimum de culture économique et
financière aux nouvelles générations ! Ce serait,
manifestement, une mesure de salut public.
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4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Le volontarisme présidentiel pointe la spéculation.
S'il a ajouté l'« humilité » à
l'« ambition », lors de sa conférence de presse du
24 janvier, le président de la République n'en continue pas
moins de cultiver son "volontarisme". Dans son collimateur apparaît
désormais la spéculation sur les matières premières. Un nouveau bouc
émissaire aux yeux de moult observateurs, pour qui les prix sont
déterminés, en premier lieu, par l'équilibre de l'offre et de la
demande.
C'est l'occasion d'une nouvelle polémique entre Paris et
Bruxelles. Dans un rapport dont la publication a été différée, la
Commission européenne ne relevait « aucun élément
probant » attestant « d'un lien de
causalité entre les marchés des dérivés et la volatilité excessive et
la hausse des prix sur les marchés physiques » (La Tribune,
26/01/2011). Un constat balayé avec ironie par Nicolas Sarkozy, dont la
quête de transparence – gage de prévisibilité –
s'avère plus consensuelle.
Quant au secrétaire général de l'OCDE, le Mexicain Angel
Gurría, s'il a salué « la décision du gouvernement français de
faire de l'instabilité des prix [un] des axes prioritaires de sa
présidence du G20 », il annonce également que « dans
l'avenir, les échanges revêtiront une importance croissante pour la
sécurité alimentaire », les marchés les plus actifs étant
jugés moins volatiles. « Pour toutes ces raisons, poursuit-il,
il est essentiel que les négociations de Doha menées dans le cadre de
l'OMC aboutissent. » Les pourfendeurs du libre-échangisme sont
prévenus.
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20 janvier 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Malmenée par la crise des dettes souveraines, la monnaie
unique suscite des prises de positions ambiguës, où s'entremêlent
parfois les arguments chers à chacun des "camps" souverainiste et
européiste.
28 % des Français souhaiteraient en finir avec
l'euro, selon un sondage Ifop réalisé pour France Soir
les 5 et 6 janvier. Bien que cette proportion soit en recul
par rapport à novembre, un tabou a manifestement été brisé. Emmanuel
Todd s'en félicite : « L'acquis du dernier trimestre
de 2010, c'est qu'on est arrivé au bout de la croyance en l'euro comme
horizon spécifique pour l'Europe », a-t-il déclaré, pariant
sur la disparition de la monnaie unique sous sa forme actuelle d'ici la
fin de l'année (Le Soir, 04/01/2010).
Deux opposants résignés
Sur la rive droite du souverainisme, Nicolas Dupont-Aignan
s'en donne à cœur joie ; à gauche, en revanche, Jean-Pierre
Chevènement se montre timoré : « Je ne propose pas de
sauter par le hublot », a-t-il expliqué (France Inter,
06/01/2010). Rendant hommage à Philippe Séguin, Henri Guaino a tenu un
discours similaire, soutenant que ce dernier « avait tout
anticipé, tout prévu, et notamment qu'une fois que ce serait fait, il
serait impossible de revenir en arrière » (Les Échos,
06/01/2011). Selon le "conseiller spécial" de Nicolas Sarkozy, en
effet, « sortir de l'euro aurait un coût colossal ».
Allusion, peut-être, au renchérissement de la dette – libellée en euros
– qui résulterait de l'adoption d'une monnaie dévaluée.
Quoi qu'il en soit, selon la "vulgate médiatique" dont le
président de la République se fait ici l'apôtre, « on ne peut
avoir une même monnaie et partager des stratégies économiques
différentes », ni « parler convergence économique
sans convergence des systèmes fiscaux » (Euractiv,
13/01/2010). Outre les souverainistes, des libéraux contestent cette
"surenchère européiste", tel Alain Madelin, pour qui « de
telles propositions, si elles étaient suivies, conduiraient assurément
à l'explosion et de l'euro et de l'Europe ». « Il est
chimérique d'imaginer un budget fédéral européen organisant des
transferts financiers massifs pour compenser les différences de
compétitivité », proclame l'ancien ministre de l'Économie.
« Tout comme il est chimérique de vouloir forcer la solidarité
par l'émission d'obligations européennes communes. » Quant au
projet d'harmoniser les politiques fiscales et sociales « au
travers d'un gouvernement économique », il se heurte, selon
lui, « tant à l'exigence de souplesse et de concurrence de la
zone euro qu'à la nécessité de faciliter les ajustements des
différences nationales par des variations relatives de prix et des
politiques budgétaires autonomes ».
Flatter l'opinion
De son côté, le Premier ministre cultive l'ambiguïté, arguant
de son passé eurosceptique pour légitimer son discours :
« N'ayant pas voté pour le traité de Maastricht, je crois
[...] ne pas pouvoir être suspecté de dogmatisme en la
matière », a-t-il déclaré en présentant ses vœux à la presse.
« Cette crise n'est pas la crise de l'euro », a-t-il
assuré, prenant le contre-pied d'Alain Bournazel (suivre ce
lien). « C'est avant tout la crise de pays qui ont
été affaiblis par la récession économique qui a révélé et qui a
amplifié les lacunes de leurs modèles de croissance. »
François Fillon en viendra-t-il à fustiger l'État-providence ?
Pour l'heure, cet écho à la campagne de Maastricht semble
participer d'un positionnement plus général de l'exécutif, soucieux,
sans doute, de flatter une opinion publique critique à l'égard du
"machin européen", mais soumis, également, à la pression des
circonstances, les périodes de crise soulignant, inévitablement, la
faiblesse des mécanismes communautaires. « Si la volonté
politique [...] est bien présente, "l'esprit européen" ne l'est
toujours pas », déplorait récemment notre confrère Éric Le
Boucher (Les Échos, 14/01/11). Sont-ils
seulement compatibles ?
Publié dans Économie et Industrie, Europe | 1 Commentaire
14 janvier 2011
Comment les obligations d'État sont-elles placées sur les
marchés financiers ? Isabelle Couet lève le voile
sur des procédures méconnues. Extraits d'un
article publié par Les Échos le
13 janvier 2010.
Les États ne sont pas des émetteurs comme les autres. [...]
Ils ont donc instauré une procédure spécifique pour placer leurs titres
auprès des investisseurs du monde entier : l'"adjudication".
C'est « une enchère auprès des banques partenaires »,
résume l'Agence France Trésor (AFT), en charge des émissions pour le
gouvernement français. Les agences de la dette ou Trésors nationaux se
constituent un réseau d'intermédiaires, aussi appelés spécialistes en
valeurs du Trésor (SVT), qui participent aux enchères de titres d'État
pour eux-mêmes et leurs clients. Ils sont les seuls habilités à le
faire.
L'AFT compte vingt banques partenaires. « Pour
garantir la sécurité des adjudications, les SVT sont contraints
d'acquérir un montant minimal de 2 % sur chaque souche
obligataire et sur chaque adjudication », expliquait Philippe
Mills, le patron de l'agence, lors d'une audition à l'Assemblée, en
septembre. En d'autres termes, il y a toujours des acheteurs aux
enchères. [...] Si ce système garantit une demande, il n'empêche pas
les taux de grimper pour l'État émetteur si la situation devient plus
tendue. Les banques partenaires exigent des rendements plus élevés pour
acheter les titres.
Les États ont aussi parfois recours à la syndication, comme
les entreprises. Un petit groupe de banques (le syndicat) est mandaté
pour organiser une vente aux investisseurs via un
carnet d'ordres (dans lequel chacun inscrit la quantité voulue et les
prix qu'il offre). Ce système est beaucoup moins utilisé et n'est pas
annoncé publiquement à l'avance, contrairement aux adjudications, qui
ont lieu selon un calendrier prédéterminé.
Les syndications sont privilégiées pour le lancement de
nouveaux titres, par exemple ceux de la Commission européenne pour le
sauvetage de l'Irlande, de nouvelles maturités, etc. Elles sont aussi
nécessaires quand les tensions atteignent des niveaux insoutenables sur
les marchés et que chaque levée de dette doit se préparer avec l'appui
de tous les investisseurs, et pas seulement les banques partenaires. Ce
système est jugé plus révélateur de l'appétit réel des investisseurs,
car le carnet d'ordres est dévoilé. C'est pourquoi, la prochaine
syndication d'un État de la zone euro sera surveillée de très près.
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12 janvier 2011
Intervenant dans la "bataille de l'euro", Alain Madelin se distingue en
fustigeant les velléités fédéralistes dont s'honorent moult défenseurs
de la monnaie unique.
« L'euro a-t-il besoin de plus de
fédéralisme budgétaire et fiscal pour survivre à la
crise ? » Certainement pas aux yeux d'Alain Madelin.
Dans une
tribune publiée le mois dernier (en décembre 2010), l'ancien
ministre de l'Économie conteste vigoureusement les poncifs
européistes : « Plutôt qu'à des surenchères
ultra-irréalistes voire dangereuses, nous ferions mieux de revenir aux
fondamentaux », affirme-t-il : « une stricte
discipline budgétaire et une plus grande flexibilité économique,
assorties d'une police indépendante ».
« Le problème originel de l'euro, c'est
l'hétérogénéité des pays qui l'ont adopté », explique Alain
Madelin. De fait, « nos vieux pays européens ne peuvent guère
être comparés aux États américains de par leurs langues, leurs
cultures, leurs modèles sociaux et familiaux, leurs structures
économiques et démographiques, leurs choix collectifs, leurs niveaux de
dépenses publiques... » Cependant, poursuit-il, « une
telle diversité ne fait pas obstacle à l'adoption d'une même monnaie en
l'absence de véritable État fédéral. L'étalon or hier, le franc CFA ou
le dollar de Hong Kong aujourd'hui montrent que des liens monétaires
fixes peuvent unir des pays fort différents sans besoin d'un
gouvernement commun. » Mais « la solidarité au sein
de l'Europe n'a rien de comparable avec celle qui permet la coexistence
dans une même nation de l'ile-de-France et la Guadeloupe, de l'Italie
du Nord et du Mezzogiorno ou celle qui unit les États américains. Une
solidarité d'ailleurs complétée par la mobilité interne de la
population facilitée par l'usage d'une même langue. »
En conséquence, affirme Alain Madelin, « il est
chimérique d'imaginer un budget fédéral européen organisant des
transferts financiers massifs pour compenser les différences de
compétitivité. Tout comme il est chimérique de vouloir forcer la
solidarité par l'émission d'obligations européennes communes. [...]
Quant à l'idée d'harmoniser [...] les politiques fiscales et sociales
au travers d'un gouvernement économique, il est clair qu'elle se heurte
tant à l'exigence de souplesse et de concurrence de la zone euro qu'à
la nécessité de faciliter les ajustements des différences nationales
par des variations relatives de prix et des politiques budgétaires
autonomes. »
Et Madelin de conclure que « de telles propositions,
si elles étaient suivies, conduiraient assurément à l'explosion et de
l'euro et de l'Europe ».
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6 janvier 2011
Timide immixtion dans le domaine financier.
Dans une tribune publiée par L'Action
Française 2000, Jean-Claude Martinez appelle au
non-remboursement des dettes publiques « Les États ont [...]
le choix », affirme-t-il : « ou faire payer
des millions de femmes et d'hommes, en leur enlevant le nécessaire
vital, ou faire payer quelques milliers de traders,
de banquiers, de financiers, en diminuant les moyens de leur luxe
outrancier ».
Vision manichéenne, sinon simpliste, que l'auteur semble
lui-même démentir quand il observe que « les
créanciers prêteurs des États ne sont plus des banquiers
lombards ou des Templiers bien identifiés ». Les acteurs
intervenant sur les marchés financiers n'étant pas des
individus mais des personnes morales, cela rend peu opérantes les
accusations de cupidité, et pour le moins légère la mise en cause d'une
caste de privilégiés.
« Banques, fonds de pension, compagnies d'assurance,
institutions financières ne sont pas de simples prêteurs, mais des
concurrents, voire des adversaires des États, qui règnent déjà en
maîtres sur les marchés mondialisés, en n'obéissant à aucun
droit », écrit encore le professeur Martinez, que nous
soupçonnons de forcer le trait. Quid des règles prudentielles, en vertu
desquelles les banques fuient les obligations d'État les moins bien
notées, alimentant de facto la crise des
dettes souveraines ? Les marchés ont bon dos ! Plutôt
que de désigner un bouc émissaire, nous voudrions décrypter leur
fonctionnement. Peut-être quelques lecteurs pourront-il nous y
aider ! 😉
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15 décembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Quand Charles Maurras se trouve convoqué pour appuyer un libre
commentaire de la crise des dettes souveraines...
La soumission du politique aux "lois du marché" relève d'un
lieu commun largement dénoncé. De fait, la réforme des retraites fut
vraisemblablement décidée sous la pression des investisseurs, afin de
prévenir un renchérissement des emprunts d'État.
Politique d'abord
Y a-t-il matière à scandale ? Sans aucun doute aux
yeux des gaullistes, pour qui « la politique de la France ne
se fait pas à la corbeille » – autrement dit, à la bourse. En
pratique, alors que la charge de la dette constitue le deuxième
poste budgétaire de l'État, les fluctuations des marchés obligataires
ne sauraient indifférer les responsables politiques. La tentation est
grande, pour les royalistes, de s'inscrire dans le sillage du général
De Gaulle – quitte à s'abriter derrière le "politique d'abord"
cher à Maurras.
Mais « quand nous disons "politique
d'abord" », expliquait-il dans Mes Idées politiques,
« nous disons la politique la première, la première dans
l'ordre du temps, nullement dans l'ordre de la
dignité » : « Autant dire que la route doit
être prise avant que d'arriver à son point terminus ; la
flèche et l'arc seront saisis avant de toucher la cible ; le
moyen d'action précédera le centre de destination. » Des
considérations à l'opposé de la maxime gaullienne selon laquelle
« l'intendance suivra » !
À la quête d'une grandeur virant à l'esbroufe, nous préférons
celle, patiente et discrète – somme toute capétienne ? – de la
puissance et de la prospérité. Dans cette perspective, l'économie peut
apparaître « plus importante que la politique ».
Maurras lui-même le proclamait. En conséquence, écrivait-il,
« elle doit [...] venir après la politique, comme la fin vient
après le moyen, comme le terme est placé au bout du chemin, car, encore
une fois, c'est le chemin que l'on prend si l'on veut atteindre le
terme ».
Travers volontariste
La mondialisation a-t-elle changé les règles du jeu ?
Beaucoup le prétendent, poussés par le romantisme ou la démagogie. Tel
Arnaud Montebourg évoquant, au micro d'Hedwige Chevrillon,
« les dettes incommensurables » que les marchés
financiers auraient « imposées » aux peuple européens
(BFM Business, 01/12/2010). Mise au
pilori, la spéculation vient rappeler les politiques à leurs
responsabilités. D'ailleurs, elle n'est pas seule en cause :
« Il faut bien voir qu'une partie [des banques] n'a pas
d'autre choix que de vendre les obligations de certains
pays », souligne Jean Quatremer (Coulisses de
Bruxelles, 29/11/2010). « En effet, les règles
prudentielles les obligent à avoir en portefeuille, en fonds propres,
des emprunts d'État très bien notés afin qu'elles disposent d'un
matelas solide. [...] Donc ce qui peut apparaître comme de la
spéculation contre la dette souveraine de la part des établissements
financiers européens n'est que la résultante d'une réglementation
inadaptée. » En Grèce, ce ne sont pas des traders,
mais bien les politiques, qui ont maquillé les comptes publics,
précipitant leur pays dans l'abime. Quant à l'État américain, il a joué
un rôle déterminant dans le déclenchement de la crise des subprimes.
Washington était-il soumis aux lois du marché, alors qu'il
encourageait les banques à prêter à des ménages insolvables afin
d'élargir l'accès à la propriété ? Sans doute s'est-il
davantage montré coupable de les négliger ! En dépit du
scepticisme que lui inspiraient les économistes libéraux, Maurras
n'excluait pas l'existence de lois économiques. Il appelait même à leur
obéir. C'est à cette condition, disait-il, « que nous
commanderons aux choses ». Aussi leur stigmatisation est-elle
une ânerie – la conséquence d'un fourvoiement volontariste.
« En matière économique, plus encore qu'en politique,
la première des forces est le crédit qui naît de la
confiance », observait encore Maurras. Or, la parole d'un
Trichet vaut davantage que celle d'un Sarkozy : tandis que la
Banque centrale européenne maintient son cap, l'Élysée navigue à vue...
« En fait, les gouvernements européens perçoivent mal ce
besoin d'avoir un instrument capable d'interagir en temps réel avec les
marchés pour enrayer le plus vite possible les menaces »,
analyse Anton Brender, directeur des études économiques chez Dexia AM (Les Échos,
03/12/2010). « Ils ont aussi du mal à comprendre que les
marchés soient si sensibles aux messages qu'ils envoient et qu'ils
puissent si vite paniquer. Les marchés ont besoin de messages clairs et
d'interventions décidées. » Ce dont les gouvernements
démocratiques se montrent peu capables.
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