Des conspirationnistes prêtent à Paris et à quelques-uns de
ses partenaires la volonté d'envahir la Grèce.
Voilà que l'Union européenne prépare, paraît-il, l'invasion de
la Grèce ! Cette annonce circule sur la Toile francophone,
apparemment à l'initiative du Comité Valmy, relayé par quelques
souverainistes à la crédulité confondante.
Dans ce tissu d'âneries, il est question de la Force de
gendarmerie européenne (FGE). Également dénommée Eurogendfor, celle-ci
nous est présentée comme « l'armée privée de l'UE ».
Double méprise : d'une part, les effectifs qui lui sont
rattachés ne sont pas des mercenaires, mais des militaires ;
d'autre part, elle a été créée en marge de l'Union européenne, ce que
Mme Élisabeth Guigou avait d'ailleurs regretté lors d'un débat
à l'Assemblée nationale.
« On prépare [...] pour la première fois »
son engagement, rapportent les imbéciles du Comité Valmy. Or, la FGE a
déjà été déployée à trois reprises, en Bosnie-Herzégovine, en
Afghanistan ainsi qu'en Haïti. Au regard de ses missions, force est de
constater qu'elle n'a pas été créé dans le seul but de mater
« des adolescents musulmans immigrés en France »,
n'en déplaise à ces ignares ! Ceux-ci évoquent une
« unité d'intervention spéciale de trois mille
hommes », alors qu'elle ne compte, en réalité, qu'une
trentaine de permanents. « La FGE [...] possède une capacité
initiale de réaction rapide d'environ huit cents personnels sous un
délai de trente jours », précise
l'Hôtel de Brienne. En fait, chaque opération donne lieu à
une "génération de force", sur la base d'un catalogue recensant des
capacités déclarées par les États.
Soucieux de nous révéler le dessous des cartes, nos
conspirationnistes en herbe soutiennent que la Force de gendarmerie
européenne a été « fondée en secret – ni vu, ni
connu ». Dans les colonnes de L'Action Française
2000, nous l'avons pourtant déjà évoquée au moins à trois
reprises (en février
2010, juillet
2010 et mars
2011)... et toujours sur la base de documents officiels.
C'est bien connu : sous la coupe de Créon prospèrent
des banquiers perfides... Les Antigones se sont choisi un nouvel
ennemi, hélas très consensuel.
Quoiqu'elles soient moins affriolantes que leurs homologues
venues d'Ukraine, les Antigones nous sont sympathiques, d'autant que
leur manifeste était bien tourné. Hélas, depuis leur coup d'éclat au
Lavoir moderne, elles se dispersent, voire s'égarent. Les voilà au
faîte de l'indignation la plus convenue, maintenant
qu'elles s'attaquent à l'économie.
« Danser devant une banque », nous
expliquent-elles, « c'est opposer des liens humains aux liens
marchands ». Curieuse conception du commerce :
jusqu'à présent, jamais nous n'avions pris notre boulanger pour un
animal ; ni même notre banquier ou notre assureur –
lequel est d'ailleurs un ami, preuve que cette dichotomie s'avère
purement rhétorique.
« Depuis 1973 », prétendent les Antigones,
« notre pays n'emprunte plus à sa propre banque centrale pour
financer l'école de nos enfants, nos hôpitaux, nos routes, payer nos
soldats, construire les quelques grands projets que nos dirigeants
envisagent encore ». C'est méconnaître la substance de cette
loi, dont
la portée est largement exagérée à la faveur de quelque
exégèse conspirationniste popularisée par le Front national et ses
affidés. « Non, notre pays emprunte à des banques
privées », poursuivent-elles. « Évidemment pas à taux
zéro, mais variant entre 3,5 et 7 %. » Ces temps-ci,
c'est beaucoup moins, mais il est vrai qu'une flambée prochaine de
l'OAT nous paraît vraisemblable. « Ces intérêts colossaux
représentent une grande partie de la dette de notre pays »,
déplorent les Antigones. Aussi faudrait-il « abroger la loi de
1973 », nous disent-elles, ignorant manifestement que celle-ci
l'a déjà été – du moins formellement – il y a vingt ans.
Notre argent sera bientôt « ponctionné, taxé, volé,
réquisitionné pour le remboursement de la dette, autrement dit des
banques », préviennent encore les Antigones. En réalité, les
banques sont loin d'être les seules à souscrire des obligations d'État.
Outre les compagnies d'assurance, par l'entremise des fonds de pension,
d'humbles retraités figurent parfois parmi leurs détenteurs. De fait,
les « les apparatchiks du système », comme elles disent, arborent de
multiples visages.
N'en déplaise aux Antigones, « il n'y a pas de repas
gratuit ». Si d'aventure leur "solution miracle" se trouvait
mise en œuvre, leur épargne serait également ponctionnée, non par une
taxe supplémentaire, mais par l'inflation. À ce propos, rappelons la
mise en garde de Jacques Bainville : il n'y a « rien
de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du
papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action
Française du 2 novembre 1925.
Cela étant, nous
rejoignons les Antigones quand elles dénoncent la
« collectivisation des pertes ». À nos yeux, plus
qu'un scandale moral, c'est une aberration économique.
De la mystique souverainiste appliquée à l'immigration.
Dans notre entourage, un camarade s'interroge :
« Depuis les accords de Schengen, une des étapes constitutives
de "l'Europe" qui fit disparaître tous contrôles aux frontières,
comment pourrions-nous efficacement lutter contre l'invasion
clandestine ? »
Nous ne saurions lui répondre. À vrai dire, étant donné les
différences de niveau de vie observées de part le monde, nous doutons
qu'aucune politique puisse annihiler l'immigration clandestine. Parlons
du Kosovo, puisque la jeune Leonarda vient d'y être envoyée sous le feu
des projecteurs : apparemment, le revenu moyen des habitants y
serait quinze fois moindre qu'en France ! Or, l'ancienne
province de Serbie n'est pas le plus pauvre État du monde, loin
s'en fait. Dans ces conditions, que pèsent les « pompes
aspirantes » chères au Front national ? Pour une
femme résignée à faire le trottoir en Europe, peut-être la CMU ne
sera-t-elle jamais qu'une maigre consolation.
Quoi qu'il en soit, l'immigration clandestine n'est pas un
phénomène propre à l'espace Schengen. Le Royaume-Uni a beau s'en tenir
à l'écart, il n'en est pas moins confronté au phénomène. En outre, il
semblerait que l'écrasante majorité des immigrés clandestins pénètrent
dans l'Hexagone en toute légalité. Preuve qu'un rétablissement des
contrôles aux frontières suffirait à changer la donne... Comme
toujours, l'"Europe" a bon dos.
Quelques mots sur le Pacte budgétaire européen... et sur ses
opposants.
Une opération de communication se conclut ces jours-ci au
Parlement, où le
Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union
économique et monétaire (TSCG) est en passe d'être ratifié.
Cet accord, intergouvernemental et non communautaire, se résume à
l'expression d'un engagement solennel en faveur d'un assainissement
progressif des finances publiques - un engagement souscrit à
l'intention plus particulière de l'opinion allemande, afin de parer à
son aversion pour la "solidarité budgétaire", raison pour laquelle il
est censé contribuer à "sauver l'euro".
Ramener les finances publiques à l'équilibre, plutôt que de
faire payer aux générations futures non pas les investissements
consentis en leur faveur, mais les gaspillages d'un État inutilement
dispendieux, voilà un objectif dont la poursuite devrait apparaître
impérieuse aux yeux de tous. Hélas, ce serait oublier ces idéologues
chaussés de grosses lunettes volontaristes, pas loin de proclamer que
l'or pousse sur les arbres, tandis qu'ils exhortent l'État à pointer au
guichet de la Banque de France, quitte à plonger la nation dans le
chaos monétaire. Que des royalistes appellent à délivrer de nouveaux
assignats, voilà une situation tristement ironique. Jacques Bainville
nous avait pourtant mis en garde : il n'y a « rien de
plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du
papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française
du 2 novembre 1925.
En vérité, la France n'a rien à gagner à ratifier ce traité,
mais elle aurait tout à perdre à s'y refuser, étant donné qu'elle
s'orienterait délibérément vers la banqueroute le cas échéant. D'aucuns
s'excitent au motif qu'il appartiendra à la Cour de justice de de
l'Union européenne (CJUE) de vérifier qu'une "règle d'or" budgétaire
aura bien été introduite dans le droit national. Pas de quoi fouetter
un chat : les juges de Luxembourg ne seront pas censés statuer
sur le fond. En outre, le traité entretient le flou quant au "déficit
structurel" qu'il conviendrait de combler, ainsi que sur les
"circonstances exceptionnelles" qui permettraient de se soustraire à
cet impératif.
Dans ces conditions, la marge d'appréciation conférée à Paris
demeurera des plus large. L'immixtion potentielle du juge national dans
un domaine jusqu'alors plus ou moins réservé à la Commission pourrait
même jouer à la défaveur de Bruxelles. « On comprend pourquoi
l'exécutif européen n'est pas très très enthousiaste sur ce
texte », relève
notre confrère Nicolas Gros-Verheyde. « Celle-ci
garde la main sur le mécanisme de correction. Mais elle pourra aussi
devoir rendre des comptes et justifier sa position de façon plus étayée
que jusqu'ici... »
Cela, certains ne le voient pas, préférant s'honorer de
résister à l'édification d'un État européen dont chaque traité
multilatéral négocié sur le Vieux-Continent devrait nécessairement
constituer une nouvelle pierre. D'ailleurs, on s'amuse de constater le
sérieux avec lequel ils accueillent les propositions européistes les
plus fantasmatiques, à l'image de celles
formulées tout récemment par le "groupe des onze" :
élection du président de la Commission par les citoyens de l'Union,
définition d'une politique étrangère commune à la majorité qualifiée,
création d'une armée communautaire, etc. Ce projet, c'est une
« blague », comme l'a observé Jean-Louis Bourlanges,
aujourd'hui (dimanche 7 octobre 2012), à l'antenne de France
Culture. Ces élucubrations sans lendemain sont légions. Pour
être, avec
notre confrère Jean Quatremer qu'ils citent très volontiers,
les seuls à ne pas s'en lasser, les souverainistes ont l'outrecuidance
de revendiquer le monopole du patriotisme. Voilà précisément ce qui les
rend insupportables !
Troisième chronique enregistrée pour RFR.
SI nous versons délibérément dans la polémique, c'est en toute amitié
pour nos camarades, dont la variété des opinions nous chagrine d'autant
moins que les options électorales ont toujours été les plus diverses à
l'AF.
L'UMPS n'en a plus pour longtemps ! En effet
« l'union des patriotes » est en marche. Emporté par
la "vague bleu Marine", Paul-Marie Coûteaux s'attèle à sa réalisation
afin de constituer « un gouvernement de salut public incluant
toutes les forces qui refusent le fatalisme mondialiste ».
C'est, à n'en pas douter, un renfort de poids pour Marine
Le Pen. La notoriété du Front national est certes sans commune
mesure avec celle du Rassemblement pour l'indépendance de la France.
Sauf, peut-être, aux yeux de quelques royalistes (dont nous avons été)
qui se sont flattés d'entre-apercevoir grâce à lui les arcanes du
pouvoir. Le RIF s'est d'ailleurs enthousiasmé de voir l'AFP faire écho
à son appel – preuve que cela n'était pas gagné d'avance. Reconnaissons
toutefois qu'en pareille circonstance, nous n'aurions pas boudé notre
plaisir.
Sont donc appelés à se rassembler les
« patriotes », c'est-à-dire, dans le cas
présent, visiblement, les souverainistes, pourfendeurs de
l'Union européenne et des multiples avatars du multilatéralisme (Otan,
OMC, etc.). Le terme "patriote" apparaît employé
dans une acception pour le moins restrictive, ou plutôt
exclusive : quid, par exemple, de nos
camarades de l'Alliance royale ? Tout patriotisme leur
serait-il étranger ? L'attachement à son pays ne se mesure pas
à l'aune des convictions politiques.
La mobilisation des "volontaires patriotes" ne va pas sans
quelque connotation révolutionnaire. De fait, le souverainisme cultive
une certaine nostalgie du jacobinisme... Cela étant, ayant été formé à
l'école d'Action française, nous ne récusons pas le principe du
"compromis nationaliste". Reste son objet.
Or, fédérer quelques grincheux contre une Europe méconnue ne
suffit pas à tracer un cap. Considérons l'expérience
britannique : les Tories ont beau vociférer contre l'Union
européenne, ils n'ont pas songé un instant à en claquer la porte depuis
leur retour au pouvoir. C'est tout naturel : l'exercice des
responsabilités se heurte à des réalités volontiers négligées par
l'opposition. A fortiori quand celle-ci
est privée de toute culture de gouvernement, à l'image du Front
national.
N'en déplaise aux esprits romantiques, l'action politique est
loin de se réduire à quelques coups d'éclats annoncés avec fracas. Elle
s'inscrit dans un système – par analogie à la mécanique newtonienne. Un
système où de multiples forces interviennent. Inertie oblige, on n'en
modifie pas l'équilibre d'un claquement de doigts.
Parmi les forces en jeu, il y a les représentations de
l'opinion, avec lesquelles interagissent les discours politiques. En la
matière, les ressorts exploités par le Front national et ses alliés
potentiels sont-ils fondamentalement différents de ceux privilégies par
l'UMP ou le Parti socialiste ? À bien y réfléchir, cela n'est
pas évident.
Prenons quelques exemples : attribuer directement à
l'immigration la responsabilité du chômage, c'est promouvoir la
conception malthusienne de l'emploi à l'œuvre dans la réforme des
35 heures ; promettre aux contribuables de
nationalité française qu'ils seront les bénéficiaires exclusifs des
aides sociales, c'est souscrire aux sollicitations permanentes de
l'État-providence ; fustiger le droit d'ingérence, qui sert de
prétexte aux opérations militaires, c'est encourager la France à sortir
de l'histoire ; enfin, dénoncer la loi du marché, par nature
immuable, c'est entretenir les illusions volontaristes
condamnant le politique à sa déchéance.
À ce titre, appeler à lutter contre la mondialisation, voire
le mondialisme, nous apparaît significatif.
Passer d'un terme à l'autre, c'est laisser entendre qu'un architecte
est à l'œuvre dans la construction du "village global". C'est faire
beaucoup d'honneur à Jacques Attali ! C'est aussi légitimer la
frilosité de la nation confrontée à la nouvelle donne internationale.
Si le PS et l'UMP s'accordent sur un relatif attentisme, alors
leurs détracteurs se livrent, somme toute, à des menées défaitistes.
Ils pourraient louer le génie de la France, parier sur l'inventivité de
son peuple, galvaniser les énergies pour affronter la concurrence des
pays émergents. Mais que nous proposent-ils, sinon de bâtir un bunker
dont les fondations reposeraient vraisemblablement sur du
sable ?
À cette « union des patriotes », la raison
comme les sentiments nous font préférer la mobilisation des ambitions –
fussent-elles mercantiles ! – afin qu'aux quatre coins du
monde soient portées les couleurs de la France.
Rendez-vous sur le site de RFR pour
découvrir les autres interventions :
La crise des dettes souveraines suscite l'attente d'une
"divine surprise". Mais l'enthousiasme des souverainistes appelle selon
nous quelques nuances.
Emboîtant le pas a la Revue critique,
le Centre royaliste d'Action française ouvre son blog à François Renie,
qui
annonce le « crépuscule de l'euro ». De
fait, la l'éclatement de l'Union économique et monétaire (UEM) n'est
plus un tabou. Depuis quelque temps, les analystes se succédant au
micro de BFM Radio (devenue BFM Business) évoquent
ouvertement cette perspective.
Cela dit, l'auteur a-t-il dressé un tableau fidèle du
mécontentement social attisé par la crise et les mesures
d'austérité ? Les rues d'Athènes « accueillent
toujours les mêmes foules imposantes », affirme-t-il,
signalant que « le gouvernement socialiste de
M. Papandréou vient de subir un échec aux élections
locales ». À l'opposé, Jean
Quatremer estime que « les Grecs sont
résignés » : « Non seulement les
manifestations ne font pas le plein, mais le PASOK, le parti socialiste
grec, au pouvoir depuis octobre 2009, vient de remporter haut la main
les élections municipales et régionales dont le second tour a eu lieu
le 14 novembre. [...] Sur treize régions, huit (dont
l'Attique, région la plus peuplée) vont au PASOK qui réussit même
l'exploit d'arracher à la droite Athènes et Thessalonique, les deux
principales villes du pays. » Certes, l'abstention refléterait
la grogne populaire, « mais pas au point de remettre en cause
la rigueur ». D'ailleurs, « en Attique, deux
candidats (un de droite, un de gauche) ayant mené campagne contre le
mémorandum UE-FMI ont été éliminés ». Notre confrère nous
aurait-il menti ?
Nous sommes peu enclin à le croire, étant donné le manque de
mesure – voire les relatives approximations – dont semble témoigner son
détracteur. Selon lui, « la Commission et le directorat
européiste de l'Union » auraient annoncé « une
prochaine révision des traités européens, dans le sens, naturellement,
d'un durcissement des critères de convergence ». Or, le projet
de révision, officialisé
à l'issue du Conseil européen des 28 et 29 octobre,
porte uniquement sur la pérennisation du Fonds européen de
stabilisation financière. L'institution d'un "semestre budgétaire", par
exemple, s'inscrit dans le cadre du droit primaire existant.
Enfin, bien que l'euro soit plus au moins calqué sur le mark,
l'influence de l'Allemagne n'est pas sans limite. Berlin
« détient [...] tous les pouvoirs de fait au sein de la
BCE », soutient François Renie. Or, Axel A. Weber, le
président de la Bundesbank, est entré en conflit ouvert avec
Jean-Claude Trichet, après qu'il fut mis en minorité par le Conseil des
gouverneurs de la Banque centrale européenne décidant le rachat de
titres obligataires. L'auteur promet encore « une offensive
sans précédent de Berlin [...] pour mettre l'ensemble de l'économie
européenne sous contrôle », annonçant que la France,
« selon son habitude, suivra les injonctions allemandes [sans]
broncher ». C'est oublier l'accueil qui fut réservé outre-Rhin
au compromis franco-allemand arrêté à Deauville le 18 octobre.
« Le gouvernement allemand a spectaculairement échoué dans sa
volonté de faire du Pacte de stabilité un nouvel instrument de
discipline budgétaire », commentait alors le Financial
Times Deutschland. Il est vrai que la stricte automaticité des
sanctions a été refusée par Paris. Quant à la suspension des droits de
vote au Conseil, elle a été renvoyée aux calendes grecques par le
Conseil européen. C'était prévisible et, pour cette raison, le soutien
français accordé à cette revendication n'apparaît pas forcément comme
un reniement idéologique.
Cela étant, la France est-elle bien inspirée de négocier les
marges de manœuvre qui la précipiteront vers la banqueroute ?
En pratique, le poids de la dette entrave le pays bien davantage que le
carcan juridique européen, qui n'est somme toute qu'un outil dont la
pertinence de l'emploi devrait être évaluée en fonction d'objectifs
préalablement définis.
PS - Au lieu de cela, on nous propose un vague projet institutionnel,
dont l'auteur regrette certes qu'il ne soit pas davantage abouti. Ce
serait « une Europe des ingénieurs et des créateurs, des
producteurs et des artistes et non plus l'Europe des énarques et des
juristes que nous connaissons aujourd'hui ». Comme si l'une
était exclusive de l'autre ! Tandis qu'il imagine que l'UE se
fonde « sur la chimère d'un "État européen" »,
l'auteur néglige la multiplicité des coopérations internationales
d'ores et déjà mises en œuvre sans l'intervention de Bruxelles. Parmi
celles que nous avons croisées récemment figurent la convention
Schengen originelle, le Triangle de Weimar, l'Initiative
5 + 5 Défense, Eurogendfor, le Commandement européen
de transport aérien (EATC), l'Agence spatiale européenne... Autant de
projets échafaudés indépendamment les uns des autres, ce qui rend
d'autant plus inconséquentes les incantations en faveur d'une
« Europe des nations ».
Une fois n'est pas coutume, le RIF s'engage dans un combat
gagné d'avance.
Les souverainistes ne manquent pas d'humour. Las d'accumuler
les déconvenues, le Rassemblement pour l'indépendance de la France
(RIF) s'est lancé dans un combat gagné d'avance : il appelle à signer une
pétition contre l'impôt européen, dont les esprits censés
savent bien que l'instauration n'est pas pour demain (voir, par
exemple, notre
article consacré au « spectre d'un impôt
européen »).
« Avec le traité de Lisbonne, l'Union européenne a
acquis la personnalité juridique étatique », proclament
Jean-Paul Bled, Alain Bournazel, Nicolas Lacave, et Nicolas Smeets.
« Elle a donc aujourd'hui la capacité de prélever l'impôt
directement, sans passer par les États membres »,
affirment-ils sans craindre de verser dans la désinformation.
Faut-il le leur rappeler ? La Communauté européenne
dispose de la personnalité juridique depuis belle lurette. Quant au
traité de Lisbonne, il maintient la définition des ressources de
l'Union sous la coupe des États. En effet, selon l'article 311 du
TFUE : « Le Conseil, statuant conformément à une
procédure législative spéciale, à l'unanimité et après consultation du
Parlement européen, adopte une décision fixant les dispositions
applicables au système des ressources propres de l'Union. Il est
possible, dans ce cadre, d'établir de nouvelles catégories de
ressources propres ou d'abroger une catégorie existante. Cette décision
n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres,
conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »
C'est pourtant clair !
Dans un
précédent billet, nous avions ms en doute l'idée, chère
aux Manants du Roi, selon laquelle l'ouverture par la France
du marché des jeux en ligne procéderait d'un nouveau diktat
européen.
Dans un nouvel arrêt rendu le 8 juillet, la
Cour de Justice de l'Union européenne a constaté
« que des considérations d'ordre culturel, moral ou religieux
peuvent justifier des restrictions quant à la libre prestation des
services par des opérateurs de jeux de hasard, notamment dans la mesure
où il pourrait être considéré comme inacceptable de permettre que des
profits privés soient tirés de l'exploitation d'un fléau social ou de
la faiblesse des joueurs et de leur infortune. Selon l'échelle des
valeurs propre à chacun des États membres et eu égard au pouvoir
d'appréciation dont ceux-ci disposent, il est donc loisible à un État
membre de limiter l'exploitation des jeux de hasard en confiant
celle-ci à des organismes publics ou caritatifs. »
1 juillet 2010 Article publié dans L'Action Française 2000
Commentaire du dernier ouvrage de Paul-Marie Coûteaux.
Préfaçant leur réédition, Régis Debray a jugé que les discours
de guerre du général De Gaulle – et particulièrement l'appel du
18 juin – n'étaient pas « de ceux qui ont fait
l'histoire de ce siècle ». Grâce à leur auteur, tout au plus
« l'affaire France » se serait-elle « bien
terminée » : « Sortir un jour ou l'autre de
l'histoire est un sort banal », conclut Debray. « En
sortir par le haut n'était pas donné à tout le monde.
Alléluia. »
C'est un véritable blasphème aux yeux de Paul-Marie-Coûteaux.
« Vous déraillez », lance-t-il à celui qui fut son
« modèle ». « La France reste l'une des cinq
ou six premières puissances du monde », rétorque-t-il dans un
opuscule publié à son intention. Le chantre du souverainisme y propose
une interprétation spirituelle de l'appel du 18 juin,
esquissant la thèse qu'il développera dans son prochain ouvrage.
« La réalité du jour, en juin 40, c'est le désastre,
nul n'en disconvient », reconnaît-il. S'inspirant très
librement de Platon, il n'en affirme pas moins que la
« vérité » était tout autre, élaborant une
dialectique au service de l'espérance.
Avouons-le, notre esprit quelque peu "terre à terre" s'y
montre réfractaire. Notre réaction a-t-elle été conditionnée par notre
formation à l'école d'AF ? Selon Paul-Marie Coûteaux, en tout
cas, son maître « ne vit dans les beaux discours de Londres
qu'un déluge de romantisme juvénile... » Loin d'être
unanimement rejeté dans nos rangs, le principe gaullien selon lequel
« l'intendance suivra » participe lui aussi, selon
nous, du déni de réalité. Gardons-nous d'y voir un écho au "Politique
d'abord" de Maurras, pour qui « la route doit être prise avant
que d'arriver à son point terminus ; la flèche et l'arc seront saisis
avant de toucher la cible ; le moyen d'action précédera le
centre de destination ». C'est à peu près l'inverse que
proclame l'autre Charles.
« La France peut toujours redevenir ce qu'elle fut
souvent », poursuit Paul-Marie Coûteaux, à savoir
« le caillou glissé dans la chaussure des
mastodontes ». Comme en 2003, où Paris se distingua à la
tribune des Nations Unies, exaspérant son allié américain sans parvenir
– ni même chercher ? – à infléchir sa volonté d'envahir
l'Irak. Comme en 2005, où le rejet du traité établissant une
constitution pour l'Europe précéda l'adoption du traité de
Lisbonne qui en reprenait la plupart des dispositions. Autant de "non"
censés prouver « que l'histoire continue » !
Des "non" sans conséquence, dont seuls les amateurs d'esbroufe
devraient apprécier la valeur.
La « grandeur » louée par les gaullistes se
réduit somme toute à quelques apparats de puissance – notion à laquelle
Paul-Marie Coûteaux semble d'ailleurs préférer celle de souveraineté,
en dépit de son caractère essentiellement juridique et formel. Il ne
craint pas d'inscrire son combat contre l'Union européenne dans la
continuité de la Résistance. Une posture de tartuffe ? Celle
d'un croisé, émancipé des rigueurs matérielles !
« Dans la fameuse formule "Toute ma vie je me suis fait une
certaine idée de la France", le mot essentiel est idée ; elle surplombe
toute l'épopée. » À ce petit jeu-là en effet, tout
n'est qu'affaire de foi.
Paul-Marie Coûteaux : De Gaulle, espérer contre tout
- Lettre ouverte à Régis Debray ; Xenia,
19 juin 2010, 93 pages, 10 euros.
L'ouverture par la France du marché des jeux en ligne nourrit
de nouvelles critiques à l'encontre de l'UE, où l'on relève quelques
approximations.
Faut-il « sortir de l'Union
européenne » ? « Oui, plus que jamais
! » proclame Karim Ouchikh, dans un article publié par
Les Manants du Roi et repris jeudi dernier, 17 juin,
par
le Centre royaliste d'Action française. En cause :
une affaire « à l’importance toute symbolique » où
« les lâchetés se conjuguent », paraît-il,
« aux renoncements pour priver la France, là encore, de sa
capacité à se gouverner elle-même ».
« L'ouverture du marché des paris et du poker sur
Internet ne doit absolument rien au libre arbitre de nos
gouvernants », affirme l'auteur – ni à l'évolution des
technologies ou des pratiques, passée sous silence. « Depuis
plusieurs années, rappelle-t-il, la France fait l'objet de très fortes
pressions de la part des autorités de Bruxelles pour libéraliser ce
marché prospère et aligner sa réglementation en matière de jeux sur
celle de l'Union européenne ».
L'observation s'avère en partie inexacte, étant donné qu'une
telle réglementation n'existe pas. C'est l'interprétation du droit
primaire (les traités) qui est en cause, « Dans sa décision
inédite rendue en 2003 (arrêt Gambelli), poursuit Karim Ouchikh,
l'envahissante Cour européenne de Justice s'est clairement prononcée
pour la libre prestation des services de jeux d'argent en
ligne. » C'est méconnaître la nonce caractérisant parfois la
jurisprudence européenne, dont témoigne un
arrêt tout récent de la CJUE. Laquelle admet
qu'« une restriction à la libre prestation des services [...]
peut être justifiée, notamment par des objectifs de protection des
consommateurs, de prévention de la fraude et de l'incitation des
citoyens à une dépense excessive liée au jeu ainsi que de prévention de
troubles à l'ordre social ».
L'UE s'en trouve-t-elle lavée de ses velléités
libérales ? Loin s'en faut. Gageons que les souverainetés les
plus conséquents finiront par trouver refuge chez Jean-Luc Mélenchon...