17 février 2011
Dénonçant la volatilité des prix, le président de la
République prétend renforcer la "gouvernance mondiale". Démagogie et
réalisme rendront cet effet d'annonce difficile à concrétiser.
Ce vendredi 18 janvier, à 18 heures, le
président de la République devait prendre la parole devant les
ministres des Finances du G20 réunis au palais de l'Élysée. Soucieux,
apparemment, de donner une nouvelle impulsion à la "gouvernance
mondiale", Nicolas Sarkozy aura sans doute réaffirmé sa volonté de
s'attaquer aux marchés des matières premières. Une fois n'est pas
coutume, les débats internationaux feront directement écho au quotidien
du citoyen lambda : aux Galeries Lafayette, par exemple, les
prix pourraient augmenter de 15 % en raison de la hausse du
coton.
Un pic historique
Plus préoccupant encore, les prix alimentaires mondiaux ont
atteint un nouveau pic historique en janvier, pour le septième fois
consécutive, selon la FAO dont l'indice mensuel est établi depuis 1990.
En cause, notamment : les conditions climatiques ayant affecté
la Russie, l'Australie ou la Chine. Mais aussi, selon Nicolas Sarkozy,
la spéculation, qu'il feint de croire responsable des émeutes de la
faim survenues en 2008. Dans le collimateur du chef de l'État figurent
les "marchés à terme". Des marchés dont l'interdiction en France, par
le Front populaire, ne fut levée qu'en 1993 ! On y échange des
"futures" ou contrats à terme : « des engagements entre
acheteurs et vendeurs comportant un prix "ferme et définitif" pour un
paiement et une livraison à une échéance précisée et différée et dont
les contenus (spécificités des sous-jacents concernés) sont
standardisés », expliquent Jean-Pierre Jouyet, Christian de
Boissieu et Serge Guillon dans un rapport d'étape. Ces
marchés, reconnaissent-ils, « s'éloignent des préoccupations
de l'économie réelle, même si les fondamentaux physiques demeurent des
déterminants majeurs de leurs comportements. [...] Mais le premier
objectif de ces marchés est de permettre à des opérateurs sur les
marchés physiques de se couvrir à l'égard d'un risque de fluctuation
des prix. »
De fait, le "volontarisme" présidentiel pointe un problème
vieux comme le monde. « Le blé a toujours été le personnage
dominant de notre passé », écrivait Fernand Braudel, dont la
citation est mise en exergue par les rapporteurs... À leurs yeux, la
récurrence des crises agricoles souligne le caractère structurel de la
volatilité des prix. « Le blé en est un excellent exemple. En
retenant la volatilité exprimée par le rapport entre le prix moyen au
producteur du blé de l'année n et celui de l'année n-1 sur le prix du
blé au producteur en valeur réelle, plusieurs périodes de crises
apparaissent : grande volatilité entre 1920 et 1936, crise de
1936-1937, pics exceptionnels à la hausse et à la baisse (supérieurs à
2007-2008), volatilité importante entre 1940 et 1962, crise de 1967,
fluctuation exceptionnelle de 1974, crise de 1992... »
Quand Moscou joue les spéculateurs...
Un ancien ministre de l'Économie, Alain Madelin, a soutenu
dans La Tribune (31/01/2010) que
« la même volatilité existe sur les marchés les plus
financiarisés comme le pétrole ou le blé et sur ceux qui sont restés le
plus physiques comme le riz ou l'acier ». D'où sa mise en
garde : « Il ne faudrait pas qu'à trop se focaliser
sur les marchés financiers, on néglige les mesures concrètes qui
peuvent permettre d'améliorer la situation et qui – marché par marché –
consistent le plus souvent à faciliter l'investissement, désentraver
les échanges, perfectionner la régulation et la transparence des
stocks. » En outre, si elle renonce définitivement aux prix
administrés, l'Union européenne devrait développer ses propres marchés.
En effet, remarquent Jean-Pierre Jouyet, Christian de Boissieu et Serge
Guillon, « les variétés et standards développés sur les
bourses américaines ne correspondent pas aux variétés et standards des
matières premières produites ou consommées en Europe. Par conséquent,
les marchés américains ne proposent pas des produits permettant une
couverture optimale du risque prix aux opérateurs européens, qui
gagneraient à l'émergence de marchés de matières premières agricoles
européens aussi liquides que leurs homologues
d'outre-Atlantique. »
La "gouvernance mondiale" se heurte donc à la démagogie.
Naturellement, elle doit compter également avec la résistance des
États. Afin de suivre le niveau des stocks, « une
base de données serait une très bonne chose », estime Johanne
Buba, co-auteur d'une note du Centre d'analyse stratégique (Euractiv,
03/02/2011). Mais « sur les productions agricoles, il est très
délicat d'avoir des données précises », affirme-t-elle.
« La Chine, par exemple, pourtant l'un des plus grands
producteurs mondiaux de blé, a pour habitude de ne rien dire de ses
réserves. » Enfin, quitte à vilipender les spéculateurs, on
vouera Moscou aux gémonies : anticipant de mauvaises récoltes,
il avait décrété un embargo sur les exportations de blé russe le
15 aout dernier, contribuant à la flambée des cours... En
dépit des beaux discours, les intérêts nationaux continuent de
gouverner le monde.
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13 février 2011
Deux ans et demi après son entrée en fonction, Bernard
Bajolet, coordonnateur national du renseignement, a dressé un premier
bilan de ses activités. Extraits de
son audition par une commission de l'Assemblée nationale le
26 janvier 2011.
« Point d'entrée privilégié des services auprès du
président de la République [...], le coordonnateur doit prendre le
recul nécessaire pour lui transmettre les meilleures informations
possibles et rester à l'écart de la politique intérieure. [...] Il
garantit la prise en compte de la fonction renseignement au sein de
l'État. » Occupant ce poste depuis sa création en juillet
2008, Bernard Bajolet assure que « la principale avancée
réside dans le fait que les services se parlent et travaillent
ensemble ». « Désormais, affirme-t-il, le risque que
nous manquions quelque chose par rétention d'information entre les
services est quasi inexistant. »
Le spectre terroriste
DCRI et DGSE travailleraient même « en étroite
concertation, là où il n'y a pas de frontière entre menace intérieure
et menace extérieure. La menace intérieure, quant à elle, est
croissante : elle se nourrit d'un phénomène nouveau
d'auto-radicalisation qui existe dans la plupart des pays européens
ainsi qu'aux États-Unis. [...] L'incident qui s'est récemment produit
en Suède montre que le risque d'attentat commis par des individus qui
se sont radicalisés eux-mêmes est bien réel. » En revanche, il
faudrait « relativiser la relation entre la problématique de
l'intégration et celle de la menace terroriste. Ainsi, dans le cas
récent de la tentative d'attentat suicide à Stockholm, le terroriste
était parfaitement intégré. Il en va de même de l'auteur de la
tentative d'attentat sur la ligne Amsterdam–Détroit en décembre
2009. »
M. Bajolet appelle à renforcer les moyens dédiés au
renseignement intérieur, dont il conviendrait d'ouvrir le recrutement
au-delà des seuls effectifs policiers : « En effet,
le renseignement se diversifie et touche désormais les domaines
économique ou technique. » D'ailleurs, « la
coordination s'est également attachée à renforcer le lien et la
complémentarité entre le dispositif de renseignement économique et
l'intelligence économique – c'est-à-dire la collecte d'informations par
des services autres que les services de renseignement. Il s'agit
notamment des informations ouvertes et de celles disponibles dans les
administrations. Une délégation interministérielle à l'Intelligence
économique a été créée en septembre 2009. [...] Bien que située à
Bercy, elle reçoit ses orientations d'un comité directeur établi à
l'Élysée, tandis que le suivi des recommandations est assuré par
Matignon. »
Défaut de prospective
Mais « l'anticipation ne se limite pas au
renseignement », souligne Bernard Bajolet. « Elle
touche aussi à la prospective. Hélas, celle-ci n'est pas organisée au
niveau interministériel. Nous disposons de différents
organismes : le ministère de l'Intérieur et celui des Affaires
étrangères ont chacun une direction de la prospective et le ministère
de la Défense possède une direction des affaires
stratégiques ; mais ces structures ne sont pas reliées entre
elles. De surcroît, la prospective n'est pas toujours envisagée de
façon opérationnelle. Au-delà de la simple spéculation, elle doit
présenter des scénarios et déboucher sur des politiques concrètes.
Aujourd'hui, cette fonction n'est pas assumée. Le conseil supérieur de
la formation et de la recherche stratégiques placé auprès du Premier
ministre ne joue pas non plus ce rôle. Celui-ci doit donc être
développé au sein de l'État, dans un cadre interministériel, pourquoi
pas au sein du SGDSN ? »
Le coordonnateur national du renseignement veille, en outre,
« à ce que les services disposent des moyens nécessaires pour
accomplir leur mission » : « En ce qui
concerne l'investissement, nous avons la charge de piloter des
programmes dont certains sont mutualisés entre les services, tels les
moyens informatiques et électroniques. Pour ce qui est de l'imagerie
spatiale, nous avons décidé d'engager en national le programme Musis –
successeur d'Hélios – en raison de l'absence de réponse de nos
partenaires européens, tout en leur laissant la porte ouverte. Il nous
semblait en effet crucial de ne pas accroître le risque de rupture
capacitaire. D'autres programmes vont faire l'objet de décisions
prochainement, par exemple le remplacement de nos drones Male – qui
viendront en fin de vie vers 2013. » Mais « il faudra
procéder à des arbitrages », prévient
M. Bajolet : « Tous les projets ne pourront
pas être conduits au même rythme. » Pourtant, à l'heure où
AQMI et son gourou défient ouvertement la France, les besoins
pourraient s'avérer croissants... La vigilance s'impose.
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10 février 2011
Critique implicite du volontarisme sarkozien.
Faisant écho à
nos interrogations, Alain Madelin a signé, fin janvier, un
« plaidoyer pour les spéculateurs », dont
nous venons de découvrir la teneur. Tordant le cou aux préjugés
entretenus par le président de la République, il martèle que
« c'est le rapport réel entre l'offre et la demande qui
commande l'essentiel des fortes variations de prix » des
matières premières. D'ailleurs, affirme-t-il, il serait « facile
d'observer que la même volatilité existe sur les marchés les plus
financiarisés comme le pétrole ou le blé et sur ceux qui sont restés le
plus physiques comme le riz ou l'acier ».
Nos lectures ne manqueront pas de nous attirer, une fois de
plus, les foudres des tenants d'un anti-libéralisme économique
primaire. Mais ceux-ci ne prétendent-ils pas restaurer la puissance de
l'État ? Le cas échéant, ils devraient porter un peu
d'attention à la conclusion de l'ancien ministre de
l'Économie, qui n'est pas sans rejoindre leurs
préoccupations : « Il ne faudrait pas qu'à trop se
focaliser sur les marchés financiers, on néglige les mesures concrètes
qui peuvent permettre d'améliorer la situation et qui - marché
par marché - consistent le plus souvent à faciliter
l'investissement, désentraver les échanges, perfectionner la régulation
et la transparence des stocks. » Autrement dit « à
refuser la pédagogie de la complexité, l'opinion fera une nouvelle fois
le constat simpliste de l'impuissance de la médecine
publique ». C'est tout le contraire que requiert la
reconstruction du politique !
Ces jours-ci, on s'étripe, paraît-il,
sur le contenu des nouveaux programmes de sciences économiques et
sociales. Puissent-ils insuffler un minimum de culture économique et
financière aux nouvelles générations ! Ce serait,
manifestement, une mesure de salut public.
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8 février 2011
Bien que les déboires de l'euro et le tumulte en Égypte aient
focalisé l'attention, le Conseil européen du 4 février était
censé traiter, principalement, de l'énergie et de l'innovation – ce que
reflètent ses conclusions, où nous avons relevé quelques passages
susceptibles d'intéresser les souverainistes.
Afin « de garantir la cohérence des relations
extérieures de l'UE avec les principaux pays producteurs, consommateurs
et de transit », les Vingt-Sept prévoient d'informer la
Commission, dès l'année prochaine, « de tous les accords
bilatéraux en matière d'énergie, nouveaux et existants, qu'ils ont
conclus avec des pays tiers ». Bruxelles devra transmettre ces
indications à tous les États membres, « sous une forme
appropriée, en tenant compte de la nécessité de protéger les
informations sensibles sur le plan commercial ».
Par ailleurs, selon les chefs d'État ou de gouvernement,
« l'UE et ses États membres encourageront les investissements
dans les énergies renouvelables » mais aussi dans
« les technologies à faibles émissions de CO2 ».
Quoique « sûres et durables », elles désignent
vraisemblablement le nucléaire. Conséquence, sans doute, d'une
revendication française. En la matière, l'Union est appelée à
promouvoir, dans les enceintes internationales, les normes de sûreté
les plus élevées – ce dont les industriels français ne devraient pas se
plaindre.
S'inscrivant dans la tradition européenne, le document appelle
à une mobilité croissante des chercheurs. La Commission est invitée, en
outre, « à progresser rapidement dans les domaines clés de
l'économie numérique afin d'assurer la création du marché unique
numérique d'ici 2015, y compris la promotion et la protection de la
créativité, le développement du commerce électronique et la
disponibilité des informations du secteur public ».
S'agira-t-il d'exporter l'Hadopi ?
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4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Actualité de la défense européenne.
Alain Juppé s'est rendu à Bruxelles le 27 janvier. Ce
faisant, conformément aux priorités qu'il avait exposées en présentant
ses vœux au personnel de la Défense, le ministre entendait
« redonner des couleurs à l'Europe de la Défense ».
Laquelle, dans son acception la plus stricte (autrement dit, dans le
cadre de l'Union européenne), semblait boudée par Paris, en pleine
idylle avec Londres.
Reprenant le refrain des gaullistes plus ou moins reconvertis
dans la quête d'une Europe puissance, Alain Juppé a martelé que le
Vieux Continent « ne [pouvait] prétendre à un rôle au niveau
international [s'il n'était] pas en capacité d'assurer sa sécurité de
manière autonome ». Incantation somme toute gratuite, que
seule la crise finira, peut-être, par enraciner dans quelque timide
réalité.
À la faveur des restrictions budgétaires, en effet, la
"mutualisation" est dans toutes les bouches, sinon dans tous les
esprits. Mais l'Allemagne vient de renoncer à treize des
cinquante-trois Airbus A400M qu'elle avait commandés. Quant aux
Suédois, « ils achètent US et font la nique à l'hélicoptère
européen » selon le constat de notre confrère Nicolas
Gros-Verheyde, visiblement désabusé.
Réunis à Bruxelles le 31 janvier, les ministres de la
Défense de l'Union européenne ont adopté des conclusions sur la
Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), réduites à trois
paragraphes – ce qui nous épargnera, pour une fois, le verbiage inutile
propre à ces documents. Ils invitent Mme Catherine Ashton,
Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de
sécurité, à plancher sur les axes de travail que lui avaient soumis la
France, l'Allemagne et la Pologne (le triangle de Weimar) en décembre
dernier : renforcement des capacités industrielles ;
amélioration de la coopération UE-Otan, plombée par le différend
opposant Chypre et la Turquie ; mise en place de capacités
permanentes de planification et de conduite des opérations, à défaut
d'un véritable état-major, récusé par les Britanniques ;
élargissement des missions potentielles des groupements tactiques, qui
pourraient intervenir pour des opérations humanitaires – ce qui leur
donnerait, certes, un semblant d'utilité.
En définitive, l'adoption d'un accord-cadre avec le Monténégro
apparaît comme le seule avancée tangible réalisée par la PSDC en ce
début d'année.
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4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
L'Outre-mer s'inquiète des accords commerciaux négociés par
l'Union européenne.
Dans une proposition de résolution, les sénateurs Serge
Larcher (apparenté au groupe socialiste) et Éric Doligé (UMP) réclament
des compensations censées « préserver la fragile production
agricole » des régions ultra-périphériques (RUP). En
cause : un accord avec les pays andins et l'Amérique centrale,
qui devrait être ratifié cette année.
Selon les parlementaires, l'Union aurait obtenu « des
avancées majeures, à savoir la fin des barrières douanières pour ses
industries, surtout l'automobile, et un meilleur accès aux marchés
péruvien et colombien des vins et spiritueux et des produits
laitiers ». En contrepartie, expliquent-ils, « les
deux États andins ont obtenu pour leur part une amélioration du
potentiel d'exportation de bananes, de sucre, de rhum et d'autres
produits agricoles ». Or, « l'économie agricole des
RUP françaises est extrêmement dépendante de ces productions ».
D'ores et déjà, le Parlement européen annonce la fin de la
"guerre des bananes" : « L'Union européenne mettra
progressivement un terme au traitement préférentiel dont bénéficient
les exportateurs de bananes des États d'Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique (ACP) », explique-t-il dans un communiqué.
« En échange, les pays d'Amérique latine ont accepté de mettre
fin aux litiges en suspens introduits à l'encontre de l'UE auprès de
l'OMC et ne tenteront pas d'obtenir des réductions tarifaires
supplémentaires sur les bananes dans le cadre du cycle de
Doha. »
Reste à préciser les dispositions qui viendront en aide aux
producteurs des régions ultra-périphériques. En la matière, le
rapporteur désigné par l'assemblée, l'Italienne Francesca Balzani, juge
insuffisantes les propositions de la Commission. Laquelle est appelée,
par une commission parlementaire, « à présenter, dans les
meilleurs délais, une étude d'impact sur les effets de l'accord pour
les producteurs de bananes des pays en développement et des régions
ultra-périphériques ». Mieux vaut tard que jamais.
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4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Le mois dernier, la France a fait l'objet de deux remontrances
publiques émanant de la Commission européenne.
En cause : d'une part, le projet d'aide fiscale aux
assureurs gérant des contrats "solidaires et responsables", où l'état
de santé ne devait pas interférer avec le montant de la
prime ; d'autre part, le régime de TVA proposé aux agences de
voyages, autorisées à s'échanger des forfaits où le même taux pouvait
s'appliquer à tous les services inclus, quelle que soit la nationalité
du prestataire.
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4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Le volontarisme présidentiel pointe la spéculation.
S'il a ajouté l'« humilité » à
l'« ambition », lors de sa conférence de presse du
24 janvier, le président de la République n'en continue pas
moins de cultiver son "volontarisme". Dans son collimateur apparaît
désormais la spéculation sur les matières premières. Un nouveau bouc
émissaire aux yeux de moult observateurs, pour qui les prix sont
déterminés, en premier lieu, par l'équilibre de l'offre et de la
demande.
C'est l'occasion d'une nouvelle polémique entre Paris et
Bruxelles. Dans un rapport dont la publication a été différée, la
Commission européenne ne relevait « aucun élément
probant » attestant « d'un lien de
causalité entre les marchés des dérivés et la volatilité excessive et
la hausse des prix sur les marchés physiques » (La Tribune,
26/01/2011). Un constat balayé avec ironie par Nicolas Sarkozy, dont la
quête de transparence – gage de prévisibilité –
s'avère plus consensuelle.
Quant au secrétaire général de l'OCDE, le Mexicain Angel
Gurría, s'il a salué « la décision du gouvernement français de
faire de l'instabilité des prix [un] des axes prioritaires de sa
présidence du G20 », il annonce également que « dans
l'avenir, les échanges revêtiront une importance croissante pour la
sécurité alimentaire », les marchés les plus actifs étant
jugés moins volatiles. « Pour toutes ces raisons, poursuit-il,
il est essentiel que les négociations de Doha menées dans le cadre de
l'OMC aboutissent. » Les pourfendeurs du libre-échangisme sont
prévenus.
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20 janvier 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Malmenée par la crise des dettes souveraines, la monnaie
unique suscite des prises de positions ambiguës, où s'entremêlent
parfois les arguments chers à chacun des "camps" souverainiste et
européiste.
28 % des Français souhaiteraient en finir avec
l'euro, selon un sondage Ifop réalisé pour France Soir
les 5 et 6 janvier. Bien que cette proportion soit en recul
par rapport à novembre, un tabou a manifestement été brisé. Emmanuel
Todd s'en félicite : « L'acquis du dernier trimestre
de 2010, c'est qu'on est arrivé au bout de la croyance en l'euro comme
horizon spécifique pour l'Europe », a-t-il déclaré, pariant
sur la disparition de la monnaie unique sous sa forme actuelle d'ici la
fin de l'année (Le Soir, 04/01/2010).
Deux opposants résignés
Sur la rive droite du souverainisme, Nicolas Dupont-Aignan
s'en donne à cœur joie ; à gauche, en revanche, Jean-Pierre
Chevènement se montre timoré : « Je ne propose pas de
sauter par le hublot », a-t-il expliqué (France Inter,
06/01/2010). Rendant hommage à Philippe Séguin, Henri Guaino a tenu un
discours similaire, soutenant que ce dernier « avait tout
anticipé, tout prévu, et notamment qu'une fois que ce serait fait, il
serait impossible de revenir en arrière » (Les Échos,
06/01/2011). Selon le "conseiller spécial" de Nicolas Sarkozy, en
effet, « sortir de l'euro aurait un coût colossal ».
Allusion, peut-être, au renchérissement de la dette – libellée en euros
– qui résulterait de l'adoption d'une monnaie dévaluée.
Quoi qu'il en soit, selon la "vulgate médiatique" dont le
président de la République se fait ici l'apôtre, « on ne peut
avoir une même monnaie et partager des stratégies économiques
différentes », ni « parler convergence économique
sans convergence des systèmes fiscaux » (Euractiv,
13/01/2010). Outre les souverainistes, des libéraux contestent cette
"surenchère européiste", tel Alain Madelin, pour qui « de
telles propositions, si elles étaient suivies, conduiraient assurément
à l'explosion et de l'euro et de l'Europe ». « Il est
chimérique d'imaginer un budget fédéral européen organisant des
transferts financiers massifs pour compenser les différences de
compétitivité », proclame l'ancien ministre de l'Économie.
« Tout comme il est chimérique de vouloir forcer la solidarité
par l'émission d'obligations européennes communes. » Quant au
projet d'harmoniser les politiques fiscales et sociales « au
travers d'un gouvernement économique », il se heurte, selon
lui, « tant à l'exigence de souplesse et de concurrence de la
zone euro qu'à la nécessité de faciliter les ajustements des
différences nationales par des variations relatives de prix et des
politiques budgétaires autonomes ».
Flatter l'opinion
De son côté, le Premier ministre cultive l'ambiguïté, arguant
de son passé eurosceptique pour légitimer son discours :
« N'ayant pas voté pour le traité de Maastricht, je crois
[...] ne pas pouvoir être suspecté de dogmatisme en la
matière », a-t-il déclaré en présentant ses vœux à la presse.
« Cette crise n'est pas la crise de l'euro », a-t-il
assuré, prenant le contre-pied d'Alain Bournazel (suivre ce
lien). « C'est avant tout la crise de pays qui ont
été affaiblis par la récession économique qui a révélé et qui a
amplifié les lacunes de leurs modèles de croissance. »
François Fillon en viendra-t-il à fustiger l'État-providence ?
Pour l'heure, cet écho à la campagne de Maastricht semble
participer d'un positionnement plus général de l'exécutif, soucieux,
sans doute, de flatter une opinion publique critique à l'égard du
"machin européen", mais soumis, également, à la pression des
circonstances, les périodes de crise soulignant, inévitablement, la
faiblesse des mécanismes communautaires. « Si la volonté
politique [...] est bien présente, "l'esprit européen" ne l'est
toujours pas », déplorait récemment notre confrère Éric Le
Boucher (Les Échos, 14/01/11). Sont-ils
seulement compatibles ?
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14 janvier 2011
Comment les obligations d'État sont-elles placées sur les
marchés financiers ? Isabelle Couet lève le voile
sur des procédures méconnues. Extraits d'un
article publié par Les Échos le
13 janvier 2010.
Les États ne sont pas des émetteurs comme les autres. [...]
Ils ont donc instauré une procédure spécifique pour placer leurs titres
auprès des investisseurs du monde entier : l'"adjudication".
C'est « une enchère auprès des banques partenaires »,
résume l'Agence France Trésor (AFT), en charge des émissions pour le
gouvernement français. Les agences de la dette ou Trésors nationaux se
constituent un réseau d'intermédiaires, aussi appelés spécialistes en
valeurs du Trésor (SVT), qui participent aux enchères de titres d'État
pour eux-mêmes et leurs clients. Ils sont les seuls habilités à le
faire.
L'AFT compte vingt banques partenaires. « Pour
garantir la sécurité des adjudications, les SVT sont contraints
d'acquérir un montant minimal de 2 % sur chaque souche
obligataire et sur chaque adjudication », expliquait Philippe
Mills, le patron de l'agence, lors d'une audition à l'Assemblée, en
septembre. En d'autres termes, il y a toujours des acheteurs aux
enchères. [...] Si ce système garantit une demande, il n'empêche pas
les taux de grimper pour l'État émetteur si la situation devient plus
tendue. Les banques partenaires exigent des rendements plus élevés pour
acheter les titres.
Les États ont aussi parfois recours à la syndication, comme
les entreprises. Un petit groupe de banques (le syndicat) est mandaté
pour organiser une vente aux investisseurs via un
carnet d'ordres (dans lequel chacun inscrit la quantité voulue et les
prix qu'il offre). Ce système est beaucoup moins utilisé et n'est pas
annoncé publiquement à l'avance, contrairement aux adjudications, qui
ont lieu selon un calendrier prédéterminé.
Les syndications sont privilégiées pour le lancement de
nouveaux titres, par exemple ceux de la Commission européenne pour le
sauvetage de l'Irlande, de nouvelles maturités, etc. Elles sont aussi
nécessaires quand les tensions atteignent des niveaux insoutenables sur
les marchés et que chaque levée de dette doit se préparer avec l'appui
de tous les investisseurs, et pas seulement les banques partenaires. Ce
système est jugé plus révélateur de l'appétit réel des investisseurs,
car le carnet d'ordres est dévoilé. C'est pourquoi, la prochaine
syndication d'un État de la zone euro sera surveillée de très près.
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