Matières premières : le volontarisme à l'épreuve

17 février 2011

Dénonçant la volatilité des prix, le président de la République prétend renforcer la "gouvernance mondiale". Démagogie et réalisme rendront cet effet d'annonce difficile à concrétiser.

Ce vendredi 18 janvier, à 18 heures, le président de la République devait prendre la parole devant les ministres des Finances du G20 réunis au palais de l'Élysée. Soucieux, apparemment, de donner une nouvelle impulsion à la "gouvernance mondiale", Nicolas Sarkozy aura sans doute réaffirmé sa volonté de s'attaquer aux marchés des matières premières. Une fois n'est pas coutume, les débats internationaux feront directement écho au quotidien du citoyen lambda : aux Galeries Lafayette, par exemple, les prix pourraient augmenter de 15 % en raison de la hausse du coton.

Un pic historique

Plus préoccupant encore, les prix alimentaires mondiaux ont atteint un nouveau pic historique en janvier, pour le septième fois consécutive, selon la FAO dont l'indice mensuel est établi depuis 1990. En cause, notamment : les conditions climatiques ayant affecté la Russie, l'Australie ou la Chine. Mais aussi, selon Nicolas Sarkozy, la spéculation, qu'il feint de croire responsable des émeutes de la faim survenues en 2008. Dans le collimateur du chef de l'État figurent les "marchés à terme". Des marchés dont l'interdiction en France, par le Front populaire, ne fut levée qu'en 1993 ! On y échange des "futures" ou contrats à terme : « des engagements entre acheteurs et vendeurs comportant un prix "ferme et définitif" pour un paiement et une livraison à une échéance précisée et différée et dont les contenus (spécificités des sous-jacents concernés) sont standardisés », expliquent Jean-Pierre Jouyet, Christian de Boissieu et  Serge Guillon dans un rapport d'étape. Ces marchés, reconnaissent-ils, « s'éloignent des préoccupations de l'économie réelle, même si les fondamentaux physiques demeurent des déterminants majeurs de leurs comportements. [...] Mais le premier objectif de ces marchés est de permettre à des opérateurs sur les marchés physiques de se couvrir à l'égard d'un risque de fluctuation des prix. »

De fait, le "volontarisme" présidentiel pointe un problème vieux comme le monde. « Le blé a toujours été le personnage dominant de notre passé », écrivait Fernand Braudel, dont la citation est mise en exergue par les rapporteurs... À leurs yeux, la récurrence des crises agricoles souligne le caractère structurel de la volatilité des prix. « Le blé en est un excellent exemple. En retenant la volatilité exprimée par le rapport entre le prix moyen au producteur du blé de l'année n et celui de l'année n-1 sur le prix du blé au producteur en valeur réelle, plusieurs périodes de crises apparaissent : grande volatilité entre 1920 et 1936, crise de 1936-1937, pics exceptionnels à la hausse et à la baisse (supérieurs à 2007-2008), volatilité importante entre 1940 et 1962, crise de 1967, fluctuation exceptionnelle de 1974, crise de 1992... »

Quand Moscou joue les spéculateurs...

Un ancien ministre de l'Économie, Alain Madelin, a soutenu dans La Tribune (31/01/2010) que « la même volatilité existe sur les marchés les plus financiarisés comme le pétrole ou le blé et sur ceux qui sont restés le plus physiques comme le riz ou l'acier ». D'où sa mise en garde : « Il ne faudrait pas qu'à trop se focaliser sur les marchés financiers, on néglige les mesures concrètes qui peuvent permettre d'améliorer la situation et qui – marché par marché – consistent le plus souvent à faciliter l'investissement, désentraver les échanges, perfectionner la régulation et la transparence des stocks. » En outre, si elle renonce définitivement aux prix administrés, l'Union européenne devrait développer ses propres marchés. En effet, remarquent Jean-Pierre Jouyet, Christian de Boissieu et Serge Guillon, « les variétés et standards développés sur les bourses américaines ne correspondent pas aux variétés et standards des matières premières produites ou consommées en Europe. Par conséquent, les marchés américains ne proposent pas des produits permettant une couverture optimale du risque prix aux opérateurs européens, qui gagneraient à l'émergence de marchés de matières premières agricoles européens aussi liquides que leurs homologues d'outre-Atlantique. »

La "gouvernance mondiale" se heurte donc à la démagogie. Naturellement, elle doit compter également avec la résistance des États. Afin de suivre le niveau des stocks,  « une base de données serait une très bonne chose », estime Johanne Buba, co-auteur d'une note du Centre d'analyse stratégique (Euractiv, 03/02/2011). Mais « sur les productions agricoles, il est très délicat d'avoir des données précises », affirme-t-elle. « La Chine, par exemple, pourtant l'un des plus grands producteurs mondiaux de blé, a pour habitude de ne rien dire de ses réserves. » Enfin, quitte à vilipender les spéculateurs, on vouera Moscou aux gémonies : anticipant de mauvaises récoltes, il avait décrété un embargo sur les exportations de blé russe le 15 aout dernier, contribuant à la flambée des cours... En dépit des beaux discours, les intérêts nationaux continuent de gouverner le monde.

Le Renseignement français en mutation

13 février 2011

Deux ans et demi après son entrée en fonction, Bernard Bajolet, coordonnateur national du renseignement, a dressé un premier bilan de ses activités. Extraits de son audition par une commission de l'Assemblée nationale le 26 janvier 2011.

« Point d'entrée privilégié des services auprès du président de la République [...], le coordonnateur doit prendre le recul nécessaire pour lui transmettre les meilleures informations possibles et rester à l'écart de la politique intérieure. [...] Il garantit la prise en compte de la fonction renseignement au sein de l'État. » Occupant ce poste depuis sa création en juillet 2008, Bernard Bajolet assure que « la principale avancée réside dans le fait que les services se parlent et travaillent ensemble ». « Désormais, affirme-t-il, le risque que nous manquions quelque chose par rétention d'information entre les services est quasi inexistant. »

Le spectre terroriste

DCRI et DGSE travailleraient même « en étroite concertation, là où il n'y a pas de frontière entre menace intérieure et menace extérieure. La menace intérieure, quant à elle, est croissante : elle se nourrit d'un phénomène nouveau d'auto-radicalisation qui existe dans la plupart des pays européens ainsi qu'aux États-Unis. [...] L'incident qui s'est récemment produit en Suède montre que le risque d'attentat commis par des individus qui se sont radicalisés eux-mêmes est bien réel. » En revanche, il faudrait « relativiser la relation entre la problématique de l'intégration et celle de la menace terroriste. Ainsi, dans le cas récent de la tentative d'attentat suicide à Stockholm, le terroriste était parfaitement intégré. Il en va de même de l'auteur de la tentative d'attentat sur la ligne Amsterdam–Détroit en décembre 2009. »

M. Bajolet appelle à renforcer les moyens dédiés au renseignement intérieur, dont il conviendrait d'ouvrir le recrutement au-delà des seuls effectifs policiers : « En effet, le renseignement se diversifie et touche désormais les domaines économique ou technique. » D'ailleurs, « la coordination s'est également attachée à renforcer le lien et la complémentarité entre le dispositif de renseignement économique et l'intelligence économique – c'est-à-dire la collecte d'informations par des services autres que les services de renseignement. Il s'agit notamment des informations ouvertes et de celles disponibles dans les administrations. Une délégation interministérielle à l'Intelligence économique a été créée en septembre 2009. [...] Bien que située à Bercy, elle reçoit ses orientations d'un comité directeur établi à l'Élysée, tandis que le suivi des recommandations est assuré par Matignon. »

Défaut de prospective

Mais « l'anticipation ne se limite pas au renseignement », souligne Bernard Bajolet. « Elle touche aussi à la prospective. Hélas, celle-ci n'est pas organisée au niveau interministériel. Nous disposons de différents organismes : le ministère de l'Intérieur et celui des Affaires étrangères ont chacun une direction de la prospective et le ministère de la Défense possède une direction des affaires stratégiques ; mais ces structures ne sont pas reliées entre elles. De surcroît, la prospective n'est pas toujours envisagée de façon opérationnelle. Au-delà de la simple spéculation, elle doit présenter des scénarios et déboucher sur des politiques concrètes. Aujourd'hui, cette fonction n'est pas assumée. Le conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques placé auprès du Premier ministre ne joue pas non plus ce rôle. Celui-ci doit donc être développé au sein de l'État, dans un cadre interministériel, pourquoi pas au sein du SGDSN ? »

Le coordonnateur national du renseignement veille, en outre, « à ce que les services disposent des moyens nécessaires pour accomplir leur mission » : « En ce qui concerne l'investissement, nous avons la charge de piloter des programmes dont certains sont mutualisés entre les services, tels les moyens informatiques et électroniques. Pour ce qui est de l'imagerie spatiale, nous avons décidé d'engager en national le programme Musis – successeur d'Hélios – en raison de l'absence de réponse de nos partenaires européens, tout en leur laissant la porte ouverte. Il nous semblait en effet crucial de ne pas accroître le risque de rupture capacitaire. D'autres programmes vont faire l'objet de décisions prochainement, par exemple le remplacement de nos drones Male – qui viendront en fin de vie vers 2013. » Mais « il faudra procéder à des arbitrages », prévient M. Bajolet : « Tous les projets ne pourront pas être conduits au même rythme. » Pourtant, à l'heure où AQMI et son gourou défient ouvertement la France, les besoins pourraient s'avérer croissants... La vigilance s'impose.

« Plaidoyer pour les spéculateurs »

10 février 2011

Critique implicite du volontarisme sarkozien.

Faisant écho à nos interrogations, Alain Madelin a signé, fin janvier, un « plaidoyer pour les spéculateurs », dont nous venons de découvrir la teneur. Tordant le cou aux préjugés entretenus par le président de la République, il martèle que « c'est le rapport réel entre l'offre et la demande qui commande l'essentiel des fortes variations de prix » des matières premières. D'ailleurs, affirme-t-il, il serait « facile d'observer que la même volatilité existe sur les marchés les plus financiarisés comme le pétrole ou le blé et sur ceux qui sont restés le plus physiques comme le riz ou l'acier ».

Nos lectures ne manqueront pas de nous attirer, une fois de plus, les foudres des tenants d'un anti-libéralisme économique primaire. Mais ceux-ci ne prétendent-ils pas restaurer la puissance de l'État ? Le cas échéant, ils devraient porter un peu d'attention à la conclusion de l'ancien ministre de l'Économie, qui n'est pas sans rejoindre leurs préoccupations : « Il ne faudrait pas qu'à trop se focaliser sur les marchés financiers, on néglige les mesures concrètes qui peuvent permettre d'améliorer la situation et qui - marché par marché - consistent le plus souvent à faciliter l'investissement, désentraver les échanges, perfectionner la régulation et la transparence des stocks. » Autrement dit « à refuser la pédagogie de la complexité, l'opinion fera une nouvelle fois le constat simpliste de l'impuissance de la médecine publique ». C'est tout le contraire que requiert la reconstruction du politique !

Ces jours-ci, on s'étripe, paraît-il, sur le contenu des nouveaux programmes de sciences économiques et sociales. Puissent-ils insuffler un minimum de culture économique et financière aux nouvelles générations ! Ce serait, manifestement, une mesure de salut public.

Dans les conclusions du Conseil européen

8 février 2011

Bien que les déboires de l'euro et le tumulte en Égypte aient focalisé l'attention, le Conseil européen du 4 février était censé traiter, principalement, de l'énergie et de l'innovation – ce que reflètent ses conclusions, où nous avons relevé quelques passages susceptibles d'intéresser les souverainistes.

Afin « de garantir la cohérence des relations extérieures de l'UE avec les principaux pays producteurs, consommateurs et de transit », les Vingt-Sept prévoient d'informer la Commission, dès l'année prochaine, « de tous les accords bilatéraux en matière d'énergie, nouveaux et existants, qu'ils ont conclus avec des pays tiers ». Bruxelles devra transmettre ces indications à tous les États membres, « sous une forme appropriée, en tenant compte de la nécessité de protéger les informations sensibles sur le plan commercial ».

Par ailleurs, selon les chefs d'État ou de gouvernement, « l'UE et ses États membres encourageront les investissements dans les énergies renouvelables » mais aussi dans « les technologies à faibles émissions de CO2 ». Quoique « sûres et durables », elles désignent vraisemblablement le nucléaire. Conséquence, sans doute, d'une revendication française. En la matière, l'Union est appelée à promouvoir, dans les enceintes internationales, les normes de sûreté les plus élevées – ce dont les industriels français ne devraient pas se plaindre.

S'inscrivant dans la tradition européenne, le document appelle à une mobilité croissante des chercheurs. La Commission est invitée, en outre, « à progresser rapidement dans les domaines clés de l'économie numérique afin d'assurer la création du marché unique numérique d'ici 2015, y compris la promotion et la protection de la créativité, le développement du commerce électronique et la disponibilité des informations du secteur public ». S'agira-t-il d'exporter l'Hadopi ?

Un "gaulliste" à Bruxelles

4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Actualité de la défense européenne.

Alain Juppé s'est rendu à Bruxelles le 27 janvier. Ce faisant, conformément aux priorités qu'il avait exposées en présentant ses vœux au personnel de la Défense, le ministre entendait « redonner des couleurs à l'Europe de la Défense ». Laquelle, dans son acception la plus stricte (autrement dit, dans le cadre de l'Union européenne), semblait boudée par Paris, en pleine idylle avec Londres.

Reprenant le refrain des gaullistes plus ou moins reconvertis dans la quête d'une Europe puissance, Alain Juppé a martelé que le Vieux Continent « ne [pouvait] prétendre à un rôle au niveau international [s'il n'était] pas en capacité d'assurer sa sécurité de manière autonome ». Incantation somme toute gratuite, que seule la crise finira, peut-être, par enraciner dans quelque timide réalité.

À la faveur des restrictions budgétaires, en effet, la "mutualisation" est dans toutes les bouches, sinon dans tous les esprits. Mais l'Allemagne vient de renoncer à treize des cinquante-trois Airbus A400M qu'elle avait commandés. Quant aux Suédois, « ils achètent US et font la nique à l'hélicoptère européen » selon le constat de notre confrère Nicolas Gros-Verheyde, visiblement désabusé.

Réunis à Bruxelles le 31 janvier, les ministres de la Défense de l'Union européenne ont adopté des conclusions sur la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), réduites à trois paragraphes – ce qui nous épargnera, pour une fois, le verbiage inutile propre à ces documents. Ils invitent Mme Catherine Ashton, Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, à plancher sur les axes de travail que lui avaient soumis la France, l'Allemagne et la Pologne (le triangle de Weimar) en décembre dernier : renforcement des capacités industrielles ; amélioration de la coopération UE-Otan, plombée par le différend opposant Chypre et la Turquie ; mise en place de capacités permanentes de planification et de conduite des opérations, à défaut d'un véritable état-major, récusé par les Britanniques ; élargissement des missions potentielles des groupements tactiques, qui pourraient intervenir pour des opérations humanitaires – ce qui leur donnerait, certes, un semblant d'utilité.

En définitive, l'adoption d'un accord-cadre avec le Monténégro apparaît comme le seule avancée tangible réalisée par la PSDC en ce début d'année. 

Menaces sur l'Outre-mer

4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Outre-mer s'inquiète des accords commerciaux négociés par l'Union européenne.

Dans une proposition de résolution, les sénateurs Serge Larcher (apparenté au groupe socialiste) et Éric Doligé (UMP) réclament des compensations censées « préserver la fragile production agricole » des régions ultra-périphériques (RUP). En cause : un accord avec les pays andins et l'Amérique centrale, qui devrait être ratifié cette année.

Selon les parlementaires, l'Union aurait obtenu « des avancées majeures, à savoir la fin des barrières douanières pour ses industries, surtout l'automobile, et un meilleur accès aux marchés péruvien et colombien des vins et spiritueux et des produits laitiers ». En contrepartie, expliquent-ils, « les deux États andins ont obtenu pour leur part une amélioration du potentiel d'exportation de bananes, de sucre, de rhum et d'autres produits agricoles ». Or, « l'économie agricole des RUP françaises est extrêmement dépendante de ces productions ».

D'ores et déjà, le Parlement européen annonce la fin de la "guerre des bananes" : « L'Union européenne mettra progressivement un terme au traitement préférentiel dont bénéficient les exportateurs de bananes des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) », explique-t-il dans un communiqué. « En échange, les pays d'Amérique latine ont accepté de mettre fin aux litiges en suspens introduits à l'encontre de l'UE auprès de l'OMC et ne tenteront pas d'obtenir des réductions tarifaires supplémentaires sur les bananes dans le cadre du cycle de Doha. »

Reste à préciser les dispositions qui viendront en aide aux producteurs des régions ultra-périphériques. En la matière, le rapporteur désigné par l'assemblée, l'Italienne Francesca Balzani, juge insuffisantes les propositions de la Commission. Laquelle est appelée, par une commission parlementaire, « à présenter, dans les meilleurs délais, une étude d'impact sur les effets de l'accord pour les producteurs de bananes des pays en développement et des régions ultra-périphériques ». Mieux vaut tard que jamais.

Remontrances européennes

4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Le mois dernier, la France a fait l'objet de deux remontrances publiques émanant de la Commission européenne.

En cause : d'une part, le projet d'aide fiscale aux assureurs gérant des contrats "solidaires et responsables", où l'état de santé ne devait pas interférer avec le montant de la prime ; d'autre part, le régime de TVA proposé aux agences de voyages, autorisées à s'échanger des forfaits où le même taux pouvait s'appliquer à tous les services inclus, quelle que soit la nationalité du prestataire.

Matière(s) à polémique

4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Le volontarisme présidentiel pointe la spéculation.

S'il a ajouté l'« humilité » à l'« ambition », lors de sa conférence de presse du 24 janvier, le président de la République n'en continue pas moins de cultiver son "volontarisme". Dans son collimateur apparaît désormais la spéculation sur les matières premières. Un nouveau bouc émissaire aux yeux de moult observateurs, pour qui les prix sont déterminés, en premier lieu, par l'équilibre de l'offre et de la demande.

C'est l'occasion d'une nouvelle polémique entre Paris et Bruxelles. Dans un rapport dont la publication a été différée, la Commission européenne ne relevait « aucun élément probant » attestant  « d'un lien de causalité entre les marchés des dérivés et la volatilité excessive et la hausse des prix sur les marchés physiques » (La Tribune, 26/01/2011). Un constat balayé avec ironie par Nicolas Sarkozy, dont la quête de transparence – gage de prévisibilité – s'avère plus consensuelle.

Quant au secrétaire général de l'OCDE, le Mexicain Angel Gurría, s'il a salué « la décision du gouvernement français de faire de l'instabilité des prix [un] des axes prioritaires de sa présidence du G20 », il annonce également que « dans l'avenir, les échanges revêtiront une importance croissante pour la sécurité alimentaire », les marchés les plus actifs étant jugés moins volatiles. « Pour toutes ces raisons, poursuit-il, il est essentiel que les négociations de Doha menées dans le cadre de l'OMC aboutissent. » Les pourfendeurs du libre-échangisme sont prévenus.

L'euro sur la sellette

20 janvier 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

Malmenée par la crise des dettes souveraines, la monnaie unique suscite des prises de positions ambiguës, où s'entremêlent parfois les arguments chers à chacun des "camps" souverainiste et européiste.

28 % des Français souhaiteraient en finir avec l'euro, selon un sondage Ifop réalisé pour France Soir les 5 et 6 janvier. Bien que cette proportion soit en recul par rapport à novembre, un tabou a manifestement été brisé. Emmanuel Todd s'en félicite : « L'acquis du dernier trimestre de 2010, c'est qu'on est arrivé au bout de la croyance en l'euro comme horizon spécifique pour l'Europe », a-t-il déclaré, pariant sur la disparition de la monnaie unique sous sa forme actuelle d'ici la fin de l'année (Le Soir, 04/01/2010).

Deux opposants résignés

Sur la rive droite du souverainisme, Nicolas Dupont-Aignan s'en donne à cœur joie ; à gauche, en revanche, Jean-Pierre Chevènement se montre timoré : « Je ne propose pas de sauter par le hublot », a-t-il expliqué (France Inter, 06/01/2010). Rendant hommage à Philippe Séguin, Henri Guaino a tenu un discours similaire, soutenant que ce dernier « avait tout anticipé, tout prévu, et notamment qu'une fois que ce serait fait, il serait impossible de revenir en arrière » (Les Échos, 06/01/2011). Selon le "conseiller spécial" de Nicolas Sarkozy, en effet, « sortir de l'euro aurait un coût colossal ». Allusion, peut-être, au renchérissement de la dette – libellée en euros – qui résulterait de l'adoption d'une monnaie dévaluée.

Quoi qu'il en soit, selon la "vulgate médiatique" dont le président de la République se fait ici l'apôtre, « on ne peut avoir une même monnaie et partager des stratégies économiques différentes », ni « parler convergence économique sans convergence des systèmes fiscaux » (Euractiv, 13/01/2010). Outre les souverainistes, des libéraux contestent cette "surenchère européiste", tel Alain Madelin, pour qui « de telles propositions, si elles étaient suivies, conduiraient assurément à l'explosion et de l'euro et de l'Europe ». « Il est chimérique d'imaginer un budget fédéral européen organisant des transferts financiers massifs pour compenser les différences de compétitivité », proclame l'ancien ministre de l'Économie. « Tout comme il est chimérique de vouloir forcer la solidarité par l'émission d'obligations européennes communes. » Quant au projet d'harmoniser les politiques fiscales et sociales « au travers d'un gouvernement économique », il se heurte, selon lui, « tant à l'exigence de souplesse et de concurrence de la zone euro qu'à la nécessité de faciliter les ajustements des différences nationales par des variations relatives de prix et des politiques budgétaires autonomes ».

Flatter l'opinion

De son côté, le Premier ministre cultive l'ambiguïté, arguant de son passé eurosceptique pour légitimer son discours : « N'ayant pas voté pour le traité de Maastricht, je crois [...] ne pas pouvoir être suspecté de dogmatisme en la matière », a-t-il déclaré en présentant ses vœux à la presse. « Cette crise n'est pas la crise de l'euro », a-t-il assuré, prenant le contre-pied d'Alain Bournazel (suivre ce lien). « C'est avant tout la crise de pays qui ont été affaiblis par la récession économique qui a révélé et qui a amplifié les lacunes de leurs modèles de croissance. » François Fillon en viendra-t-il à fustiger l'État-providence ?

Pour l'heure, cet écho à la campagne de Maastricht semble participer d'un positionnement plus général de l'exécutif, soucieux, sans doute, de flatter une opinion publique critique à l'égard du "machin européen", mais soumis, également, à la pression des circonstances, les périodes de crise soulignant, inévitablement, la faiblesse des mécanismes communautaires. « Si la volonté politique [...] est bien présente, "l'esprit européen" ne l'est toujours pas », déplorait récemment notre confrère Éric Le Boucher (Les Échos, 14/01/11). Sont-ils seulement compatibles ?

La dette vendue aux enchères

14 janvier 2011

Comment les obligations d'État sont-elles placées sur les marchés financiers ? Isabelle Couet lève le voile sur  des procédures méconnues. Extraits d'un article publié par Les Échos le 13 janvier 2010.

Les États ne sont pas des émetteurs comme les autres. [...] Ils ont donc instauré une procédure spécifique pour placer leurs titres auprès des investisseurs du monde entier : l'"adjudication". C'est « une enchère auprès des banques partenaires », résume l'Agence France Trésor (AFT), en charge des émissions pour le gouvernement français. Les agences de la dette ou Trésors nationaux se constituent un réseau d'intermédiaires, aussi appelés spécialistes en valeurs du Trésor (SVT), qui participent aux enchères de titres d'État pour eux-mêmes et leurs clients. Ils sont les seuls habilités à le faire.

L'AFT compte vingt banques partenaires. « Pour garantir la sécurité des adjudications, les SVT sont contraints d'acquérir un montant minimal de 2 % sur chaque souche obligataire et sur chaque adjudication », expliquait Philippe Mills, le patron de l'agence, lors d'une audition à l'Assemblée, en septembre. En d'autres termes, il y a toujours des acheteurs aux enchères. [...] Si ce système garantit une demande, il n'empêche pas les taux de grimper pour l'État émetteur si la situation devient plus tendue. Les banques partenaires exigent des rendements plus élevés pour acheter les titres.

Les États ont aussi parfois recours à la syndication, comme les entreprises. Un petit groupe de banques (le syndicat) est mandaté pour organiser une vente aux investisseurs via un carnet d'ordres (dans lequel chacun inscrit la quantité voulue et les prix qu'il offre). Ce système est beaucoup moins utilisé et n'est pas annoncé publiquement à l'avance, contrairement aux adjudications, qui ont lieu selon un calendrier prédéterminé.

Les syndications sont privilégiées pour le lancement de nouveaux titres, par exemple ceux de la Commission européenne pour le sauvetage de l'Irlande, de nouvelles maturités, etc. Elles sont aussi nécessaires quand les tensions atteignent des niveaux insoutenables sur les marchés et que chaque levée de dette doit se préparer avec l'appui de tous les investisseurs, et pas seulement les banques partenaires. Ce système est jugé plus révélateur de l'appétit réel des investisseurs, car le carnet d'ordres est dévoilé. C'est pourquoi, la prochaine syndication d'un État de la zone euro sera surveillée de très près.